Avez-vous déjà assisté au Kabuki, une pièce de théâtre japonaise mettant en scène des personnages maquillés à outrance ? À la frontière entre l’extravagance et le burlesque, l’analogie avec le make-up en Afrique de l’Ouest est très vite faite. Voilà un secteur qui a pris un envol inattendu au cours des dernières années, avec d’une part des maquilleurs professionnels et d’autre part, des apprentis en reconversion professionnelle quelque peu ratée. Quand on fait l’état des lieux du secteur du make-up en Afrique de l’Ouest, l’histoire a tout d’un spectacle mal écrit.
Une ouverture de marché qui suscite les vocations
En l’espace de quelques années, le secteur du make-up en Afrique de l’Ouest s’est professionnalisé. C’est le marché au sein duquel il y a le plus de disparités en termes de professionnalisation. Les maquilleurs professionnels émergent à peine, avec une offre très inférieure à la demande. Cela a permis à certains de surfer sur cette vague, s’improvisant maquilleurs professionnels et décrédibilisant totalement la profession.
De l’art de l’embellissement, le make-up serait devenu un véritable spectacle de Kabuki. Plusieurs coiffeuses informelles se sont improvisées maquilleuses, voire esthéticiennes pour certaines. Dans les rues des capitales ouest-africaines, il n’est pas rare de voir des femmes confier leurs visages à des apprentis sorciers qui n’ont pour seuls matériels que leurs produits de basse qualité et dont le salon se résume à un tabouret dans un coin de rue. On est, en effet, bien loin des instituts de beauté qui accueillent dans un cadre chaleureux et bien équipé, où aucune place n’est laissée à l’improvisation.
Désormais, quelques minutes de visionnage de tutoriels de maquillage sur YouTube suffisent à faire de vous un maquilleur ou une maquilleuse professionnelle. Rien à voir avec le BAC pro, le CAP ou le BTS esthétique cosmétique parfumerie nécessaires à l’exercice de la profession de maquilleuse. Des formations au cours desquelles sont dispensés des cours de dermatologie, de cosmétologie, de colorimétrie, d’étude de morphologie des différents visages ou encore d’utilisation des produits et du maquillage. Dans ces ateliers improvisés, les règles fondamentales du make-up sont complètement bafouées.
Au cirque du maquillage, l’improvisation est reine
Maquillage de jour ou du soir, maquillage mode ou défilé, maquillage photo ou photo studio, maquillage naturel ou ethnique, maquillage artistique ou cinéma audiovisuel, etc., voilà des notions totalement abstraites pour les nombreux maquilleurs improvisés qui ont envahi le secteur du make-up en Afrique de l’Ouest. Pour la plupart, les techniques et produits de maquillage utilisés le sont sans aucune connaissance, en plus d’être du bas de gamme.
L’un des exemples les plus typiques est l’épilation des sourcils et la pose de faux cils. En effet, les épilations des sourcils n’ont rien à voir avec ce qui se fait dans les véritables salons d’esthétique. La pince à épiler reste totalement inconnue. À la place, c’est à coup de rasoir que les sourcils sont dessinés, voire totalement rasés pour certains, sans aucun respect pour les notions anatomiques.
Ils sont ensuite redessinés avec un mélange de substances dangereuses, d’origine inconnue pour la plupart. À la texture quelquefois visqueuse, le mélange est directement appliqué sur une peau déjà très irritée dans une extravagance qui ne dit pas son nom. Résultat de la course, irritations, rougeurs, allergies et bien d’autres désagréments qui ne suffisent généralement pas à dissuader certaines à renouveler l’opération.
Le nombre de témoignages faisant état de larmoiement, de picotement, de sensations de brûlures et d’irritation à la suite de sessions de pose de faux cils est légion. Ces « maquilleuses » utilisent de la colle pour ce type d’opération et en plus, de la colle de basse qualité. Pire, la colle est utilisée pour poser les faux cils directement sur les paupières, faisant vivre aux femmes qui s’y risquent un épisode dramatique. Certaines ont perdu la vue à l’issue de telles sessions.
Pendant ce temps, le secteur du make-up se professionnalise dans d’autres régions de l’Afrique, avec une part de marché qui ne cesse de croître.
Afrique de l’Ouest, dernière de la classe en termes d’ouverture de marché
Face aux géants comme l’Asie et ses 36%, l’Amérique du Nord et ses 24% ou encore l’Europe de l’Ouest et ses 20%, le marché africain ne représente qu’une goutte d’eau dans la mer. Cependant, même avec 3% de part de marché, c’est une cible facile pour les marques internationales et locales qui bataillent pour avoir un meilleur positionnement. Les opportunités sont considérables avec une croissance en progrès de 5 à 10% chaque année, dans la gamme des produits de beauté.
Sur le continent, le volume des transactions dans le secteur de l’industrie cosmétique a été évalué à 460 milliards de dollars en 2019. Pour 2020, l’estimation fait état d’un volume de transaction de 675 milliards de dollars et la tendance n’est pas prête de s’arrêter.
Dans cette guerre à la meilleure place, l’Afrique de l’Ouest représente l’un des marchés les plus importants. En effet, cette région de l’Afrique n’a pas été en reste face à la montée en puissance du secteur du make-up, avec en tête le Nigeria. Avec le Ghana, le pays représente l’un des plus gros marchés africains après l’Afrique du Sud, le Kenya ou l’Éthiopie.
Malheureusement, si en Afrique Centrale, le secteur du maquillage n’a jamais été aussi florissant, l’Afrique de l’Ouest ne fait pas le poids. Dans cette région, la consommation est encore dominée par les modes de distribution informels, qui ne permettent pas d’établir des statistiques.
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