La troisième édition du Maghreb des films a ouvert ses portes ce vendredi. Une soixantaine de films sont au programme à Paris et dans toute la France. Incursions suggérées dans le cinéma marocain et dans les œuvres qui font d’Alger la blanche une de leurs héroïnes.
Le cinéma maghrébin est de nouveau à l’honneur en France depuis ce vendredi avec le lancement de la troisième édition du Maghreb des films. Soixante films dans une vingtaine de salles sont à découvrir, dont une dizaine d’œuvres récentes, du 5 au 16 novembre au 3 Luxembourg, à Paris, et du 3 novembre à début décembre en région parisienne et en province. Zoom cette année sur le cinéma marocain, « de la tradition à la modernité », avec une dizaine de films. Le Maghreb des films salue ainsi le dynamisme d’une industrie qui a produit « quinze films l’année dernière », selon Mouloud Mimoun, président de l’association Le Maghreb des films qui organise l’évènement. « Grâce à un monarque qui aime le cinéma et à la volonté politique, poursuit-il, le Maroc a mis en place le Centre de cinématographique marocain (CCM, ndlr), sur le modèle du CNC (centre national du cinéma) en France, dirigé par un homme au parcours exemplaire dans le domaine culturel, Noureddine Saïl ». Un système d’avance sur recettes soutient la production cinématographique, de même que l’appui aux écoles de cinéma. La Tunisie est également en train de s’inscrire dans la même démarche. « Une réflexion est menée actuellement sur la création d’un centre de cinéma et le festival de Carthage ne sera plus bisannuel mais annuel », précise Mouloud Mimoun.
Alger au cinéma
Lumière également sur Alger. La capitale algérienne a été imaginée ou filmée sous toutes ses coutures. A travers les onze films proposés, le spectateur peut assister à l’évolution du regard sur cette mégalopole : du court métrage Alger et les frères Lumière, qui appartient à la collection de films des pionniers du cinéma et figure au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), à Bab el Oued city de Merzak Allouache, en passant par La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo et Pépé le Moko de Jean Duvivier. Fantasmée ou vue de l’extérieur, « Alger devient une ville physique quand les Algériens s’emparent d’elle », note Mouloud Mimoun.
Dédié à l’intellectuel algérien Mohammed Arkoun, décédé le 14 septembre dernier, le Maghreb des films 2010 sera le cadre d’un colloque sur les images et représentations des Maghrébins dans le cinéma en France de 1930 à 1970 (15 et 16 novembre). L’évènement fait aussi un clin d’œil à la deuxième édition, en quarante ans, du Festival panafricain d’Alger avec L’Afrique vue par…, une œuvre collective de 10 courts métrages réalisés, entre autres, par le Burkinabé Gaston Kaboré, le Tunisien Nouri Bouzid ou encore la Bissau-guinéenne Floras Gomes. Pour son clap de fin à Paris, le Maghreb des films se fera sulfureux avec Fissures de Hicham Ayouch. « Une histoire d’amour à trois personnages proche de l’univers d’un Cassavetes, estime Mouloud Mimoun. C’est un objet filmique non identifié qui fait penser à A bout de souffle de Godard ». Parmi les autres inédits de la programmation, les téléfilms Aïcha, job à tout prix de Yamina Benguigui et Tata Bakhta de Merzak Allouache qui seront diffusés respectivement sur France 2 et France 3 en 2011.
Un succès grandissant
En pas moins de deux rendez-vous, le Maghreb des films est devenu une vitrine du cinéma maghrébin et d’une histoire commune entre la France et ces pays qui est parfois douloureuse, notamment quand il est question d’Algérie. « Hors-la-loi (de Rachid Bouchareb, ndlr) a fait la démonstration par son échec en salles que le public français n’est pas prêt à se confronter à l’histoire franco-algérienne dans toute sa noirceur », constate Mouloud Mimoun. Quand la fiction de Rachid Bouchareb « effleure cette période complexe entre messalites et FLN », le travail documentaire de Malek Bensmaïl, Guerre secrète du FLN en France, évoque « de façon plus poussée » la guerre du Mouvement national algérien (MNA) en France. Le dernier opus du cinéaste algérien est l’un des inédits du Maghreb des Films qui consacre une rétrospective à Malek Bensmaïl. Tout comme à Philippe Faucon né à Oujda au Maroc. L’œuvre du réalisateur de La Trahison (2006), une autre fiction sur la guerre d’Algérie, est marquée par ses films sur l’immigration maghrébine en France.
Quelque 4 000 spectateurs pour les deux premières éditions témoignent de l’intérêt que suscite cette incursion dans le cinéma maghrébin. « Il y a un public, note le président de l’association Le Maghreb des films. Il se compose à 60-65% de Français, qui ont une histoire personnelle ou collective avec le Maghreb où qui y passent leurs vacances, et d’intellectuels maghrébins ». Son succès s’explique aussi par le vide qu’il remplit depuis l’arrêt, en 2006, de la biennale des cinémas arabes qu’abritait l’Institut du monde arabe (IMA).
Le site du Maghreb des films