Le M23/AFC a fait une entrée triomphale à Goma, troisième ville de RDC


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Vue de la Ville de Goma
Vue de la Ville de Goma

Mouvement politico-militaire soutenu par le Rwanda, le M23-AFC s’est emparé dimanche 26 janvier, en quelques heures seulement, de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et troisième ville la plus peuplée de République démocratique du Congo. Même si des craintes demeurent face à l’inconnu, ce lundi 27 janvier au matin, c’est le soulagement qui domine au sein de la population qui a accueilli dans la liesse les soldats rebelles.

Tout est allé très vite. Hier, dimanche 26 janvier, Goma, troisième ville de la République démocratique du Congo, est tombée au terme d’un combat éclair.

Après Sake quelques jours plus tôt, les rebelles du M23/AFC se sont emparés sans difficulté, en quelques heures seulement, du chef-lieu du Nord-Kivu, pourtant réputé difficilement prenable compte tenu de sa configuration géographique, des risques que cela pouvait représenter pour la population et de la présence des troupes de l’ONU, de la SAMIRDC et autres, alliés de Kinshasa.

Celles-ci n’ont pas résisté longtemps. Premiers à se rendre, les 140 mercenaires roumains (payés jusqu’à 10.000 dollars par mois) qui ont tôt fait de hisser le drapeau blanc sur leurs véhicules. Ils ont été suivis peu de temps après par la Monusco qui a rapidement cessé le feu après des pourparlers avec le commandement rebelle. Dans la foulée, ce fut au tour des soldats de la SAMIRDC, parmi lesquels 2 900 Sud-africains, de déposer les armes. Quelques heures plus tôt, le M23/AFC s’était emparé de l’aéroport de Goma, empêchant ainsi leurs ennemis de se ravitailler.

Dès dimanche 26 au soir, les rebelles contrôlaient 80 % de Goma. Les 20 % restants étaient situés au sud de la ville aux abords du Lac Kivu. Un couloir avait été aménagé pour permettre l’exfiltration des troupes burundaises, qui elles aussi, n’ont pas fait le poids, ainsi que des autorités locales, à l’instar du gouverneur du Nord-Kivu et du commandement militaire FARDC évacués à la va-vite vers Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, la province voisine. Entre temps, près d’un millier d’hommes armés (FARDC, wazalendos, mercenaires) étaient désarmés dans la base de la Monusco.  « C’est la débandade », nous confiait hier soir un journaliste sur place.

Ce lundi 27 janvier au matin, les troupes rebelles qui contrôlent désormais la totalité de la capitale du Nord-Kivu, ont été accueillies en libératrices par une foule en liesse, traumatisée par les exactions à répétition ces dernières années de la part de ceux qui étaient censés la protéger. Mal payés, l’armée congolaise et ses supplétifs avaient fini par se nourrir sur la bête. Les seuls tirs entendus encore ce matin étaient justement le fait, d’une part, de wazalendos et d’éléments des FARDC, plus préoccupés à racketter jusqu’au bout la population, qu’à défendre la ville ; et, d’autre part, de deux petits groupes de militaires congolais.

Le premier, composé d’une trentaine d’hommes circulant dans trois jeeps dans les quartiers situés près du Lac Kivu, tentant de résister avec l’énergie du désespoir. Le second, comportant une cinquantaine d’éléments, au port, était en attente d’embarcations pour quitter la ville. Des négociations sont en cours avec le M23/AFC pour qu’ils déposent leurs armes en échange de leur autorisation de quitter la ville par bateau.

Tournant majeur

La prise par les rebelles du M23/AFC, qui serait intervenue plus tôt en l’absence du veto de l’administration Biden désormais caduque, constitue un tournant majeur. Sur le plan militaire, mais plus encore politique. « Militairement aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul camp. Félix Tshisekedi, qui s’y est longtemps refusé dans une forme de déni, va devoir négocier avec les oppositions, armées et non armées. »

« Il n’a plus le choix, car les véritables causes du problème ne sont pas tant exogènes, elles sont bel et bien internes au Congo« , explique un professeur de l’Université catholique de Louvain. Et de préciser : « parmi ces problèmes, il y la légitimité du pouvoir politique à Kinshasa et sa gouvernance qui est très clivante » . C’est ce qui explique d’ailleurs que le pouvoir congolais n’a jamais obtenu le soutien populaire massif qu’il était en droit d’espérer dans ce conflit.

Et pour cause, pas plus en 2018 qu’en 2023, Félix Tshisekedi n’a été élu. C’est comme si, à deux reprises, les élections n’avaient pas réellement eu lieu. Conséquence, l’actuel chef de l’Etat congolais ne peut tout au mieux compter que sur le soutien de 15 à 20 % de la population. Il l’a rapidement compris. Ainsi pour diriger le pays, Tshisekedi, décrit comme dilettante par ses homologues, s’appuie quasi-exclusivement sur sa communauté, les lubas du Kasaï, dont les représentants trustent les postes à responsabilité et s’accaparent les richesses minières. « Jamais dans l’Histoire de la RDC, le pays n’avait été dirigé de façon aussi tribaliste« , confirme notre universitaire. A cela s’ajoute une attitude extrêmement répressive vis-à-vis de l’opposition dont beaucoup des membres sont aujourd’hui en prison ou en exil.

Désormais, qu’il le veuille ou non, Félix Tshisekedi n’a plus le choix : il devra, de gré ou de force, mettre de l’eau dans son vin et discuter avec ses adversaires. A l’extérieur comme à l’intérieur du pays. Car les vraies causes du problème, et donc ses solutions, se trouvent d’abord à Kinshasa.

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