12 juillet dernier. La sortie du livre Wade, un opposant au pouvoir, l’alternance piégée ? crée l’événement. Son auteur, le journaliste Abdoul Atif Coulibaly y brise le mythe Abdoulaye Wade, dénonce les promesses non tenues de l’Alternance et révèle trois « affaires » embarrassantes pour le pouvoir. Echo du mécontentement d’une partie des Sénégalais, l’ouvrage rencontre une très large audience. Le gouvernement contre-attaque : mardi, une commission d’enquête parlementaire a été mise en place pour faire la lumière sur les allégations du journaliste.
C’est le feuilleton politique de l’été au Sénégal. Révélations, critiques, dénonciations, menaces de mort… La sortie du livre du journaliste Abdoul Atif Coulibaly, Wade, un opposant au pouvoir, l’alternance piégée ?, le 12 juillet dernier a secoué la société sénégalaise, sa classe politique et ses médias. Et pour cause : le livre d’Abdoul Atif Coulibaly est un véritable pavé lancé dans la mare gouvernementale, fustigeant le népotisme, les magouilles, la corruption et même la diplomatie sénégalaise. « N’existerait-elle pas d’abord et avant tout pour plaire ou être appréciée des grandes puissances occidentales ? » s’interroge-t-il. Une question qui tombe à point nommé, après la visite du Président américain George W Bush qui a choqué plus d’un Sénégalais.
Déçu par l’Alternance, Abdoul Atif Coulibaly dénonce « la centralité qu’Abdoulaye Wade s’est octroyé, politiquement et constitutionnellement, dans son parti comme dans le dispositif étatique ». Il analyse la « très haute idée » que le Président se fait de lui-même, ne prenant pas en compte l’avis de ses conseillers, ainsi que sa « volonté de se donner les moyens politiques et matériels de bâtir un parti de pouvoir fort qui assure sa prochaine réélection. Quitte à s’entourer de ministres incompétents mais serviles ». Dans un chapitre intitulé « Monarchie contrariée », il souligne la place excessive occupée par la famille proche du Président dans la conduite des affaires de l’Etat, notamment par son fils Karim. « Mon objectif n’est pas d’attaquer directement et personnellement Maître Wade. Mon souci est d’éclairer l’opinion nationale sur les manquements dans la gestion quotidienne des affaires du pays et démontrer que le régime issu de l’alternance n’en finit pas de décevoir », expliquait l’auteur lors de la première présentation du livre à la presse.
Qu’est le Sopi devenu ?
Pour autant, sa critique acerbe à l’endroit du chef de l’Etat n’a pas laissé indifférents les partisans du Président. Et d’incessants appels téléphoniques anonymes à partir du 28 juillet, ont amené le journaliste à porter plainte contre X pour menaces de mort le 5 août dernier. « Mr Coulibaly est un citoyen qui a le droit de dire ce qu’il pense, ce qu’il veut (…) seulement, il y a des limites à ne pas franchir. Si on les franchit, il appartient au tribunal de juger », avait prévenu Abdoulaye Wade le 27 juillet. Le Président, qui a contesté certaines affirmations couchées dans le livre, a affirmé qu’Abdou Latif Coulibaly n’avait pas écrit son livre seul. « Il y a des gens derrière, c’est un ouvrage commandité. »
Malgré les rumeurs d’une possible instrumentalisation de l’auteur, celui-ci semble pourtant n’avoir fait que son travail d’investigation. Directeur de Sud FM, première radio privée du pays, et de l’Issic (Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication), celui-ci est également un éditorialiste réputé et un professionnel reconnu. Ce qui donne à ses propos le poids nécessaire. D’autant plus que la déception qui transpire dans les pages de son livre se fait l’écho du dépit que ressentent de nombreux Sénégalais par rapport à l’Alternance. Les grands projets économiques et culturels promis par Wade lors de sa campagne tardent à se concrétiser et après trois ans de pouvoir, les Sénégalais attendent toujours le Sopi (« changement » en wolof) promis.
Commission d’enquête
L’Alternance piégée ? a mis également au jour trois « affaires » embarrassantes pour le pouvoir : la rénovation de l’avion présidentiel, l’indemnisation pour 600 millions de F CFA (915 000 euros) de la famille de l’ancien vice-président du conseil constitutionnel sénégalais Babacar Sèye, assassiné le 15 mai 1993, et l’utilisation de 400 millions de F CFA (610 000 euros) pour la réalisation d’infrastructures sportives dans le département de Mbacké (centre du Sénégal) du temps où Iba Guèye était ministre de la Jeunesse et des Sports.
L’Assemblée nationale sénégalaise a décidé mardi de créer une commission d’enquête parlementaire pour « faire la lumière » sur trois sujets. Cette commission est composée de 15 parlementaires, dont 10 appartiennent au groupe libéral et démocratique, issu du Parti démocratique sénégalais (PDS) au pouvoir…
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