Le lendemain de l’Apocalypse


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Avec Black Hawk Down, le dernier film de Ridley Scott, Mogadiscio devenait une arène infernale, peuplée de monstres sans visages. Pour l’écrivain Nuruddin Farah, cette géhenne est le dernier souvenir avant douze ans d’exil. Dans un recueil déconcertant, Hier, demain, il donne la parole aux victimes, et aux bourreaux, comme lui échappés de l’horreur. Ni anges, ni bêtes, les Somaliens redeviennent sous sa plume, simplement humains.

C’est peut-être dans l’exil que s’ancrent les identités les plus fortes.  » Je suis somalien « , commence Nurrudin Farah. Et pour compléter cette présentation liminaire, l’auteur s’efforce de justifier sa survie :  » la crise politique somalienne m’a emporté dans son tourbillon au début de l’année 1991, peu après l’effondrement de Mogadiscio (…) Je me rappelle avoir pris l’avion pour Nairobi « . Lorsqu’il parlera pour lui, Nuruddin Farah emploiera toujours ce ton un peu neutre. Ce ton d’étranger, qui semble mettre de côté sa souffrance et les blessures de son passé. Comme pour ne pas gêner son interlocuteur. Pour ne pas déranger. Parce qu’il n’est pas chez lui.

Un passé entre guillemets

Après ce fameux  » avion pour Nairobi « , l’écrivain commence une errance qui le porte du Kenya en Italie, puis au Nigeria, en Suisse… Mais où qu’il aille, Farah poursuit son passé, à travers les récits croisés de ses frères d’exil. Il s’acharne à écouter, à faire parler, ceux qui, comme lui, ont vécu le traumatisme de Mogadiscio. Il retrace le départ précipité de Mohammed Sheikh Abdulle…  » En nous échappant, nous sommes devenus la proie de la violence, comme si la violence était un virus « , confie ce réfugié de Mombasa. Il entend aussi les exactions de ce jeune Muuryaan, qui avoue son ennui depuis qu’il vit en Europe…  » La vie sans drogue est d’une monotonie effrayante. Quand on est sobre, on ne peut pas distinguer les bons des méchants (…) Nous n’avions pas de salaire, pas d’avenir, nous agissions selon notre bon plaisir, nous étions des robots, nous n’avions pas peur « , assume le soldat.

Un livre transition

Tous les acteurs de l’inexplicable accès de fureur né à Mogadiscio se retrouvent dans le livre de Farah. Les proches d’Aydid, les membres du Haut Commissariat aux réfugiés, les hommes qui fuient leurs souvenirs et les femmes que leur douleur rattrape. Entre quelques mots lâchés à voix basse, entre les larmes, un trait d’humour surgit parfois, qui fait sentir que la vie continue, malgré cet  » hier  » infâme que tous partagent.  » Notre mémoire s’attarde sur les horreurs du passé, et ce qui est au centre de notre réflexion, ce sont les incertitudes de l’avenir, car nous avons peur d’affronter notre pénible destinée « , avoue l’un des interlocuteurs de Nuruddin Farah.

Hier, demain, en plus d’être un formidable témoignage, est peut-être aussi un livre-transition. Un pont, entre les Somaliens d’hier et ceux d’aujourd’hui. Préfacé par Jean-Christophe Ruffin (Prix Goncourt 2001), cet ouvrage vrai est un morceau d’humanité.

Commander le livre : Nuruddin Farah, Hier, demain, Le Serpent à Plumes, Paris, 2001.

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