La crédibilité de la Mission d’observation des Nations unies en République Démocratique du Congo est sérieusement entamée auprès de la population congolaise. Elle lui reproche sa passivité face à l’occupation militaire du Rwanda et de l’Ouganda.
Amos Namanga Ngongi, le représentant du Secrétaire général des Nations Unies en République Démocratique du Congo ne doit plus se faire d’illusions. L’action de la Mission d’observation des Nations unies au Congo (Monuc) est très mal perçue auprès des Congolais. Il en a eu la certitude lundi 18 mars 2002, à travers le débat houleux qui a suivi sa conférence de presse au quartier général de la Monuc à Kinshasa. Les presses congolaise et étrangère accréditées à Kinshasa, renforcées par celle des provinces intervenant en direct sur le réseau de « Radio Okapi », la radio de la Monuc, ont démontré que le représentant spécial que la Monuc, n’explique pas clairement son rôle dans la crise congolaise. Ou tout au moins qu’il risque d’obtenir l’effet inverse de ce pour quoi il a été mandaté en créant, sans le savoir, des conditions favorables à la partition effective de la République Démocratique du Congo.
Les journalistes prennent à témoin le comportement arrogant des autorités rwandaises et ougandaises qui font fi des résolutions de l’Onu qui ont pourtant formellement ordonné aux deux pays d’évacuer leurs troupes du territoire congolais. Aujourd’hui, une année après, les deux pays sont toujours là. Plus grave : ils renforcent leur présence. Au vu et au su de la Monuc qui, aux yeux des Congolais, ne dénonce pas suffisamment cette situation afin que l’Onu prennent des sanctions plus coercitives. Dernier incident en date, l’affaire de Moliro a fortement décrédibilisé la Monuc qui aurait omis de signaler ou de dénoncer un mouvement de troupes de 10 000 hommes de l’Armée patriotique rwandaise qui traversaient la frontière pour les villes congolaises de Moba et de Kalemie.
La Monuc, spectatrice passive
Les Congolais n’ont pas apprécié que ce soit l’ambassadeur de France à l’Onu, Jean-David Levitte, qui dénonce les faits en lieu et place de la Monuc. La Monuc n’a pas non plus dénoncé la conséquence de cette nouvelle incursion militaire. A savoir : l’attaque par les troupes du RCD/Goma et du Rwanda de la localité de Moliro, au bord du lac Tanganyika, province du Katanga.
L’attaque et la prise de Moliro, en pleine période des négociations politiques congolo-congolaises tendant à trouver une issue politique à la crise qui sévit en RDC depuis près de 4 ans, ont provoqué la décision de la délégation gouvernementale congolaise de suspendre sa participation aux travaux du fait que l’incident constituait une violation flagrante de l’Accord de Lusaka dont la Monuc est justement chargée de veiller au strict respect. Le gouvernement congolais a accusé la Monuc « de ne se contenter que de constater les faits ». Il a fallu encore un coup de colère du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour obtenir l’évacuation sans conditions des troupes rebelles de Moliro et le retour de la délégation gouvernementale à la table des négociations à Sun City, Afrique du Sud.
Une crédibilité bien entamée
Sa crédibilité entamée, la Monuc doit faire plus pour s’adjuger la confiance des Congolais. Malheureusement, le scandale qui a dernièrement éclaboussé les organismes du système des Nations Unies dans l’ouest-africain (Guinée Conakry et Sierra Leone) et qui a fait la Une de tous les journaux de Kinshasa n’est pas de nature à redorer son blason. « Nous avons même l’impression que les soldats de la Monuc passent plus de temps dans les boîtes de nuit de Kinshasa que sur le terrain des opérations », s’étonne Patrick Dianzenza, professeur de lycée. A Kinshasa, la présence des soldats de la Monuc ne passe pas inaperçue. Ils sont près de 2 000 à arpenter les artères de la capitale congolaise.
Cependant, le bilan de la Monuc n’est pas entièrement sombre et bon nombre de Congolais le reconnaissent. Amos Namanga Ngongi leur demande justement de plus considérer les actions positives et de ne pas relever que les faits négatifs. La Monuc a, entre autres résultats positifs, réussi à quelque peu désenclaver l’intérieur de la RDC par des opérations humanitaires ponctuelles en faveur de certaines régions reculées. Elle essaie tant bien que mal d’obtenir la libre circulation des marchandises et des hommes d’affaires sur le fleuve Congo depuis Kinshasa vers la ville de Kisangani. Le RCD/Goma, qui y était hostile, vient de déclarer qu’il acceptait désormais la chose. La dernière action positive en date est la création de « Radio Okapi » dont le réseau de correspondants en territoire encore sous contrôle rebelle suscite, chez les auditeurs, un sentiment de confiance dans une certaine unicité du pays.