Le lac Tchad est menacé de disparition. Il ne cesse de rétrécir. Le lac est, aujourd’hui, 20 fois plus petit qu’il y a 35 ans. Toute l’économie locale se trouve suspendue aux caprices de la pluie. A terme, les gouvernements de la région craignent le retour de la famine et de l’exode. Chronique d’une évaporation annoncée.
» Les agriculteurs doivent bien irriguer leurs terres. C’est un cercle vicieux : il faut pomper l’eau pour vivre et il faut que le lac ne s’assèche pas pour fournir de l’eau. On ne sait plus quoi faire « , avoue un hydrologue tchadien. Tous les rapports sont formels : le lac Tchad est en voie de disparition. Vingt fois plus petit qu’il y a 35 ans, il ne cesse de rétrécir . La dernière étude menée par l’agence spatiale américaine (NASA) ne laisse aucune chance au lac. Ses différentes simulations climatiques font s’évaporer le lac de la carte géographique. La région de ce lac, situé à l’intersection du Tchad, du Niger, du Nigeria et du Cameroun, subit un climat de plus en plus sec depuis quarante ans.
Irrigation et sécheresse
» Le changement de pluviosité qui s’est produit sur le Sahel autour de 1973 fait que le Chari, le principal tributaire du lac Tchad, n’apporte plus en moyenne que 20 milliards de mètres cubes par an, alors qu’il en apportait le double dans la période 1950-68. Comme la surface du lac dépend de l’équilibre entre apports (Chari essentiellement) et évaporation, la surface actuelle est beaucoup plus petite que dans les années 60. Le lac disparaîtrait totalement si le Chari cessait de couler « , s’inquiète Jacques Lemoalle, chercheur à la Maison des sciences de l’Eau, à Montpellier (France), spécialiste du lac Tchad.
De nombreux chercheurs qualifient le lac Tchad de marécage. La demande d’eau douce ne cesse d’augmenter dans la région. Et pour lutter contre la sécheresse, les agriculteurs sont obligés d’irriguer leurs terres, donc de pomper l’eau du lac. Paradoxalement, à court terme, les paysans tchadiens tirent plutôt avantage de cette situation…
» Le recul du lac dans les années 1970-80 n’a pas eu que des inconvénients. La zone de balancement des eaux du lac entre la crue et les basses eaux a étendu les surfaces propices aux cultures de décrue, si bien que des populations sahéliennes chassées de leurs terres ont pu entreprendre des cultures très productives sur les marges, surtout méridionales, du lac, côté tchadien. Ces rives sont devenues un véritable potager pour N’Djaména ( fruits, légumes mais aussi céréales, riz, maïs…). L’agriculture de décrue fait vivre confortablement environ 40 000 Tchadiens « , analyse Géraud Magrin, géographe, de retour du Tchad.
Danse de la pluie
Les Etats de la région multiplient les initiatives mais demeurent impuissants face à la sécheresse. Le Nigeria est le pays le plus affecté par ce recul des eaux. Les autorités ont investi des millions de dollars dans les années 70 dans la mise en valeur du lac. Les grands projets sont en panne, faute de moyens financiers. » Les entreprises qui s’y étaient implantées ont d’énormes difficultés. La quantité de pompage se trouve fort amoindrie « , précise Géraud Magrin.
La menace qui pèse sur le lac Tchad est visible à l’oeil nu. Au début du siècle, le lac était navigable et, aujourd’hui, il ressemble plus à un grand marais… dont la profondeur ne permet pas la navigation. Evolution irréversible ? Il faudra en tout cas bientôt trouver les moyens d’enrayer cette inexorable évaporation.