Le griotisme, un métier en pleine expansion au Cameroun


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Un griot
Un griot (illustration)

Jusqu’au XVIII° siècle, les griots, des gens de la parole, une parole empreinte d’une force de persuasion qui dépasse l’art de dire, jouaient et chantaient surtout pour les nobles, mais se rendaient aussi dans les villages. Ce qui leur conférait un statut social particulier qui, mêlé à leur connaissance et à leur talent, leur donnait, dans certaines sociétés, un pouvoir de persuasion sur les individus et un pouvoir occulte.

De nos jours, la recrudescence du taux de chômage et les conditions de vie difficiles ont contraint pas mal de personnes, jeunes et âgées, diplômées ou non, à devenir des griots. Mais la majorité d’entre eux, n’ont aucune formation ou initiation dans le domaine. Chose curieuse, ils maîtrisent les programmes des évènements et y sont toujours présents avant l’arrivée des convives, munis de leurs instruments qui ne sont autres que la kora et le tam-tam…, car ils doivent chanter pour telle ou telle  personnalité sortant de son véhicule, les escortent parfois. Et en retour, ils reçoivent quelques billets de banque. Certains, pour ne pas dire tous, s’y plaisent déjà et trouvent en cela un emploi, leur permettant d’entretenir correctement leur famille, disent-ils.

On rencontre plusieurs sortes de griots, parmi lesquels, le griot conteur, celui qui dit et chante les grandes épopées du passé, les faits d’arme des princes guerriers, le pays, l’amour… Il peut être aussi invité pour un évènement quelconque (fêtes de réjouissances, rencontres sportives, mariage, naissance, funérailles…). Dans ce cas, il chante les louanges de celui qui invite, de celui à qui on doit la réunion ou de celui en l’honneur de qui elle est organisée. Chanter les louanges d’une personne, c’est chanter les louanges de son père, de sa mère, de ses grands-parents, de ses aïeuls… C’est retracer en quelque sorte son arbre généalogique.

Le griot conteur s’accompagne lui-même de son instrument de prédilection qui est héréditaire (kora, balafon, ngoni, ardin, tidinit, tambour…). Il peut aussi faire appel à un autre griot musicien, un second griot appelé «griot muet». Son récit peut durer toute une nuit et ce type de réunion a un caractère intime : elle se passe souvent à l’intérieur d’une habitation et quelques proches et amis y prennent part. Ce sont des griots laudateurs et mémorialistes.

«Entendre chanter un griot éloigne momentanément les uns et les autres de leurs soucis. Je considère les griots comme étant des chroniqueurs sociaux, des poètes, des généalogistes, des historiens, des confidents et conseillers des empereurs et rois, et aujourd’hui des autorités administratives et des leaders des partis politiques. Sans les griots qui véhiculent l’histoire de père en fils, la majorité des œuvres anciennes qui forment le patrimoine socioculturel serait oublié depuis longtemps», déclare l’étudiante Karis Agbor.

«Les griots sont des bibliothèques d’un autre genre. On naît dans une famille de griots comme les Diabaté ou les Kouyaté au Mali ou on est formé par un griot comme ce fut le cas de Hayatou Ibbal, 52 ans d’âge, originaire de Belel, dans la région de l’Adamaoua, et est aujourd’hui l’une des figures de proue de cette caste de musiciens, poètes, historiens, conteurs et en même temps gardiens des traditions. Il affiche à son compteur 33 ans de carrière», conclut-elle.

Lire : Des griots d’Afrique au hip hop

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