Vétéran de la scène musicale ivoirienne, Bailly Spinto, fait son grand retour avec un album de 12 titres au titre évocateur d’Il faut tenir. Présenté jeudi dernier à la presse ivoirienne, cet album constitue les prémisses de la grande fête que le musicien ivoirien prévoit pour célébrer ses trente ans de carrière, le 7 novembre prochain, à Abidjan (Côte d’Ivoire).
L’interprète de Taxi sougnon, un slow langoureux, ne saurait vous laisser insensible tant sa voix, au timbre exceptionnel vous transporte. Gallet Bailly Sylvestre, alias Bailly Spinto, a ainsi, dés le début des années 80, marqué au fer rouge la scène musicale ivoirienne. Cinq ans plus tard, il tombe en disgrâce pour avoir voulu donner naissance à un nouveau style musical, le Gbégbé Rock. Un concept que la presse spécialisée de l’époque trouve malheureux et que le public ivoirien n’apprécie pas. Dés lors, le musicien sera boudé jusqu’en 1996 où il recommence à faire l’unanimité alors que ses véritables fans ne lui font jamais défaut. Il faut tenir, c’est le titre de son nouvel album. L’heure d’un nouveau départ pour une carrière résolument internationale.
Afrik.com : Vous fêtez vos trente ans de carrière le 7 novembre prochain. Quel sens donnez-vous à cette célébration ?
Bailly Spinto : Cette célébration est le bilan de toute une carrière ! C’est l’occasion pour moi de faire la synthèse de tout ce que j’ai pu faire comme musique. On sait qu’une carrière d’artistes est pleine d’angoisse, de risques et de problèmes. C’était vraiment très important pour moi de célébrer cet anniversaire.
Afrik.com : Vous vous êtes révélé aux Ivoiriens en 1979. Qu’est ce qui vous a poussé vers la musique ?
Bailly Spinto : C’est certainement cette culture religieuse que j’ai eu à St Jean Bosco (établissement catholique d’Abidjan, ndlr ). Les religieux nous ont orientés dans des groupes comme les Cœurs Vaillants où le chant était au centre des activités. J’ai été très influencé par James Brown, Otis Redding, Tom Jones, Elton John et les Beattles. Quand j’avais dix ans, j’ai gagné le premier prix de la radio nationale lors d’un concours consacré aux jeunes chanteurs. Plus tard, j’ai fait partie du groupe Les Wampuces puis ça a été au tour du New System Pop de m’accueillir. C’est avec ce groupe que j’ai fait le tour du monde par le biais du Club Med. Le groupe s’est d’ailleurs disloqué en Europe. Chacun est parti de son côté. J’ai été le dernier à produire un album. Les maisons de production trouvaient que je n’étais pas au point alors que j’avais déjà 10 de carrière derrière moi. J’ai également pris des cours de piano, à Paris, chez Paul Becher. Je joue aussi de la guitare. En somme, je suis un chanteur- musicien.
Afrik. Com : Valen Guédé (artiste ivoirien) qualifie votre voix d’exceptionnelle et affirme qu’elle s’inspire des chanteurs traditionnels bété (groupe ethnique de l’Ouest de la Côte d’Ivoire). Selon vous, qu’est-ce que cette culture bété apporte à votre musique ?
Bailly Spinto : Elle lui apporte son originalité. Je chante en bété et la chanson bété est marquée par l’oralité. On peut continuer à chanter sans musique ou utiliser la musique pour la mettre en valeur. Cependant ma musique ne s’enferme pas, c’est une musique d’ouverture qui navigue entre le chant traditionnel bété et l’opéra.
Afrik.com : Au début des années 80, vous avez tenté de lancer un nouveau genre musical, le Gbégbé Rock qui n’a pas séduit le public et vous a quelque peu marginalisé. Que s’est-il réellement passé ?
Bailly Spinto : C’était en 1985, lors de la fête de la musique initiée, en Côte d’Ivoire, par feu Felix Houphouët Boigny. J’ai interprété deux morceaux : un titre connu et un morceau rock. Le public a été déçu par cette seconde prestation à laquelle il ne s’attendait pas parce qu’habitué à un registre plus langoureux (slow). La polémique autour du Gbégbé Rock est également né d’un problème de terminologie. Je n’ai jamais eu l’intention de mettre du gbégbé (musique traditionnelle bété) dans le rock comme certains journalistes l’on cru à l’époque. Quinze ans après, on me demande ce que je voulais faire exactement. Gbé, en bété, signifie résonance, quelque chose qui résonne fort. Par Gbégbé Rock, il fallait tout simplement comprendre un rock qui résonne fort. J’ai été traité comme un paria alors que j’évoluais dans de prestigieuses salles comme L’Olympia ou Le Zenith et que ma musique était, et continue d’être appréciée dans la sous-région. Tous ses préjugés m’ont quelque peu découragé. La période de disgrâce a duré près de dix ans, entre 1986 et 1996, mais mes fans sont restés fidèles. La célébration de mes trente ans, c’est aussi pour les remercier. Un artiste, c’est des hauts et des bas ! Depuis Delice I (album best of sorti en 2001, ndlr) et d’autres titres qui ont bien marché, mon audience s’améliore.
Afrik.com : N’avez-vous pas trop vite renoncé alors que vous jouissiez d’une stature qui vous aurait permis d’imposer votre démarche ?
Bailly Spinto : Je n’ai pas renoncé à imposer le Gbégbé Rock, j’ai même fait de la salsa avec Africando. J’ai tout simplement fait ce que les Ivoiriens aiment.
Afrik.com : Est-ce que vous pouvez nous révéler, en exclusivité, ce qui va se passer lors de cette grand-messe du 7 novembre prochain ? Le bruit court qu’Angélique Kidjo sera là !
Bailly Spinto : Anglique Kidjo, c’est un peu ma fille, musicalement parlant. C’est moi qui l’ai formée. Elle fait partie de mes trente ans. Je l’ai prise en main dés son premier album et elle faisait les premières parties de mes concerts et ce jusqu’en France. A l’instar d’Angélique Kidjo, j’ai invité des artistes comme Oumou Sangaré, Boncana Maïga, Africando… à se joindre à moi. Je serai accompagné par 30 choristes, imaginez des titres comme Taxi sougnon,Poignon, Anomé et bien d’autres repris dans cette ambiance. Le 7 novembre, ce sera du « grand Bailly » !
Afrik.com : Pour l’instant votre actualité immédiate, c’est votre dernier album intitulé Il faut tenir. Parlez-nous de cet album ?
Bailly Spinto : C’est un album sur lequel j’ai travaillé depuis trois ans par petits bouts. J’ai ainsi profité d’un bref passage de Paco Sery (le célèbre batteur ivoirien, ndlr) et de la collaboration d’un ami de longue date, Nguessan Santa . C’est un album de douze titres bâti sur du vrai. J’y chante d’ailleurs pour la première fois en baoulé (langue du centre, ndlr). Il faut tenir, c’est aussi un message aux Ivoiriens pour leur dire de ne pas se relâcher même s’ils sont fatigués. C’est également un message à ceux qui ont troublé notre quiétude et aux politiciens qui nous ont amenés là.
Afrik.com : Quels sont désormais vos projets ?
Bailly Spinto : La célébration de mes trente ans, c’est un bilan pour mieux repartir vers une carrière résolument internationale. Nous allons également fêter cet anniversaire au Bénin, au Togo et au Cameroun, tous ces pays qui aiment ce que je fais. Nous sommes aussi actuellement en pourparlers pour une représentation au Bataclan (salle parisienne, ndlr).