A la veille du voyage en France du président Abdelaziz Bouteflika, une analyse des premiers succès enregistrés par la diplomatie algérienne depuis l’élection du chef de l’Etat, tant sur le plan africain que dans les relations Nord-Sud. Aux Français, le chef d’Etat viendra dire sa volonté de tirer un trait sur le passé.
Le retour aux affaires d’Abdelaziz Bouteflika se sera notamment traduit par le grand retour de l’Algérie sur la scène internationale. A l’évidence, si l’on s’en tient à la lecture de la presse algérienne, volontiers critique à l’égard du chef de l’Etat, le phénomène n’est encore pas parfaitement perçu à l’intérieur du pays, où les attentes sociales et économiques sont telles qu’elles suscitent d’abord des discours impatients et un désir diffus de voir les changements promis s’accélérer.
Pourtant c’est précisément parce qu’il a mesuré toute l’importance pour l’avenir intérieur de son pays de la reconstruction des relations extérieures de l’Algérie qu’Abdelaziz Bouteflika a donné en premier lieu toute sa mesure sur ce terrain où il excelle.
Il faut se souvenir que la grande entrée de l’Algérie indépendante dans le concert des nations eut lieu le 29 juin 1965, lorsque le pays accueillit pour la première fois une manifestation internationale majeure, la conférence afro-asiatique qui, dix ans après Bandoeng marquait la consécration d’un pôle nouveau, celui des » non-alignés « . Or en juin 1965, Abdelaziz Bouteflika était ministre des Affaires Etrangères, et il avait été le premier artisan de l’organisation et du succès de cette conférence.
Un inventeur des « non-alignés »
La manière dont il a assumé son mandat de président de l’Organisation de l’unité africaine lui a permis de renouer, en quelques mois, avec cette grande époque de la diplomatie algérienne, intervenant à point nommé entre l’Ethiopie et l’Erythrée pour mettre fin par la négociation à un conflit aussi dévastateur et meurtrier qu’absurde, entre deux pays qui sont faits pour vivre ensemble, et combattre ensemble les fléaux qui les menacent, à commencer par la sécheresse et la famine. A la mi-juillet, la conférence de l’OUA qui se tiendra à Lomé lui permettra de jouer le dernier acte de cette restauration durable du rôle international de l’Algérie.
Le voyage d’Abdelaziz Bouteflika à Paris s’inscrit comme l’étape ultime qui devait être franchie auparavant : elle permet de dépasser, non seulement les dix dernières années difficiles où la stabilité algérienne pouvait paraître ébranlée, mais les quarante années d’amertume qui ont suivi les accords d’Evian. C’est ainsi qu’elle est perçue en France, où le président Jacques Chirac a tenu à honorer tout spécialement le président algérien en allant l’accueillir à sa descente d’avion, geste rarissime, et en prévoyant que l’escorte d’honneur du cortège soit assurée pour traverser Paris par la Garde Républicaine à cheval, attention qui n’avait été réservée à aucun visiteur depuis bien longtemps.
Prévu à partir du mardi 13 juin et jusqu’au vendredi 16 juin, le séjour à Paris du président algérien devait avoir une durée exceptionnelle pour une visite d’Etat. Les obsèques d’Hafez El Assad retarderont toutefois l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika, dont l’agenda sera d’autant plus chargé, toutes les rencontres prévues au programme étant apparemment maintenues, au prix de quelques aménagements.
Un élan vers l’avenir
Ces signes symboliques sont aussi et avant tout des actes. Non seulement ils témoignent de l’entier soutien de la France à la démarche de reconstruction de l’unité nationale entreprise en Algérie par Abdelaziz Bouteflika, mais surtout ils soulignent la volonté symétrique, de part et d’autre de la Méditerranée, de tirer un trait définitif sur le passé.
Et de se tourner résolument vers l’avenir : car la diversité des interlocuteurs qui rencontreront Abdelaziz Bouteflika ne doit pas masquer l’essentiel : ses rencontres avec le MEDEF, et les patrons français, et l’élan qu’il entend donner à cette occasion à l’investissement français en Algérie.
Car ce n’est pas seulement pour le prestige et pour la gloire que le Président algérien s’est attaché à restaurer l’image de l’Algérie à l’étranger : c’est aussi et surtout parce qu’il a conscience que l’insertion rapide de l’économie algérienne dans les courants d’activités internationaux est la seule manière d’obtenir de rapides résultats sur le front social. La réforme rapide de la société algérienne repose sur une croissance de ses échanges avec l’Europe et plus généralement les pays occidentaux : Abdelaziz Bouteflika est prêt à ouvrir son pays pour lui faire accomplir cette mue décisive.
Impatiences
La France peut encore, si elle le souhaite, jouer les premiers rôles : c’est le message que le président algérien vient délivrer à Paris. Elle reste un partenaire naturel de l’Algérie, largement francophone. La perche qui lui est tendue mérite d’être saisie, car elle ne le sera pas deux fois : chacun à vu comment le voyage d’Abdoulaye Wade aux Etats-Unis, immédiatement consécutif à son voyage à Paris, lui avait permis d’obtenir de l’autre côté de l’Atlantique les investissements et les promesses qui lui avaient été refusés en France. Les diplomates français ne peuvent pas ignorer qu’Abdelaziz Bouteflika et son entourage ont déjà traversé plusieurs fois l’Atlantique, officiellement pour se rendre aux réunions de l’ONU, à New-York. Officieusement, les rencontres américaines n’ont pas été vaines non plus.
Maladresse, désintérêt, manque de moyens ? La France a fort à perdre à laisser tous ses partenaires anciens se tourner vers de nouveaux horizons, mondialisation économique aidant. Ce n’est pas seulement pour l’Algérie, mais aussi pour elle-même, qu’elle doit donner un nouvel élan à ses partenariats africains. Fort de sa stature retrouvée, c’est le discours qu’Abdelaziz Bouteflika peut aujourd’hui faire entendre à Paris. Pour l’Algérie, et aussi au nom de toute l’Afrique.