Alors que le continent a été le théâtre, en 2008, de conflits sanglants en République démocratique du Congo, d’élections violentes étaient contestées au Kenya et au Zimbabwe, le Ghana, démontre qu’il n’y a pas « de fatalité en Afrique ». Après 2000, c’est la deuxième fois qu’un chef d’Etat élu au Ghana transmet le pouvoir à l’opposition de manière paisible sans que cela engendre des violences postélectorales. La leçon donnée par le Ghana ne se limite pas à cet événement puisque le nouveau président du Ghana, le professeur John Atta Mills met en place les fondations d’un fait politique rare sur le continent : une administration publique de taille raisonnable.
Les ghanéens se sont récemment rendus aux urnes pour élire un nouveau président succédant au président sortant Kufuor. Cela a été la deuxième fois dans la courte histoire de la démocratie naissante du pays qu’un parti politique passait le relais à un autre sans violence. On peut donc dire que le Ghana a fait honneur à l’Afrique après le carnage dont le monde a été témoin à l’occasion des élections au Kenya et au Zimbabwe.
Cependant il y a un autre élément dont Ghana peut être fier. Après trois semaines au pouvoir, le nouveau président du Ghana, le professeur John Atta Mills met en place les fondations d’un fait politique rare sur le continent : une administration publique de taille raisonnable.
Contrairement à son prédécesseur John Kufuor qui suggérait que la complexité de gestion gouvernementale (à « l’africaine » bien sûr) appelait une expansion de la taille de l’Etat, le nouveau président du Ghana est en train de démontrer qu’il est possible d’avoir une administration moins gourmande.
Le nouveau président a réduit les ministères de 27 à 23. Ce n’est peut être pas extraordinaire mais par comparaison aux penchants quelques peu extravagants de son prédécesseur, et dans le respect d’une des nombreuses promesses de campagnes, le bon vieux professeur paraît être sérieux.
Même si elle a été engagée pour accumuler des points politiques, une telle réduction de la taille de l’Etat est nécessaire parce qu’elle épargne aux contribuables ordinaires la dépense de milliers de litres de carburant gratuit, de centaines de luxueuses voitures de fonction et de millions de dollars qui seraient dépensés en salaires mirobolants, en généreuses retraites et ridicules indemnités de fin de mandat. On estime que 40% du carburant au Ghana est utilisé « librement » par les ministères, départements et agences de l’Etat.
Il n’a pas été surprenant d’apprendre que les dépenses de l’Etat de la dernière administration ont généré un déficit de près de 14% du PIB. Lorsque le parti sortant était arrivé aux fonctions en 2001 le déficit était de 9%. Pour 2008, les dépenses réelles excédent de 670% les dépenses budgétées. Il est crucial de ne pas continuer sur le chemin des gaspillages, sous peine de revenir à des niveaux de pauvreté des jours post-indépendance.
Bien que l’exemple a été sur-utilisé, il est tout de même important de se rappeler qu’en 1957 le Ghana et la Corée du Sud avaient le même PIB par tête et que cinquante ans plus tard le premier a stagné quand la deuxième est devenue une puissance économique de premier plan. Les destinées politiques différentes des deux pays s’expliquent par deux types distincts de choix de gouvernance. La Corée du Sud a pu adopter une forme bienveillante de dictature, mais elle n’était rien en comparaison avec l’expérimentation occasionnelle du Ghana avec l’aventurisme militaire qui se jouait de l’économie.
L’économie du Ghana a commencé enfin à se développer ces dernières années et semble être en bonne voie. De bonnes institutions et un Etat de taille raisonnable permettent au secteur privé de croître. D’ailleurs, signe de bonne gouvernance, l’indicateur de liberté économique (Fraser Institute) du Ghana est passé de 2,9/10 (dernier pays du classement de l’époque) en 1980 à 6,3 en 2006 (66ème sur 142).
Alors qu’il nous faut effectivement saluer ce rare accomplissement sur un continent où l’Etat est le principal employeur, il est possible de gouverner le Ghana avec seulement quinze ministères, si les politiciens reconnaissent qu’il est opportun de nommer des professionnels compétents sachant déléguer des fonctions au sein de leurs juridictions respectives. Il n’est plus possible de nommer les décideurs publics sur le critère de la seule loyauté au parti politique, sans un quelconque pré-requis en termes de compétences.
La rationalisation et les économies au sein de l’administration de l’Etat sont un élément important de la bonne gouvernance. Le Président Mills semble avoir fait un pas, modeste mais significatif, dans la bonne direction.
Franklin Cudjoe est le responsable d’Africanliberty.org et directeur exécutif d’IMANI, un centre d’analyse des politiques publiques au Ghana.
Un article publié en collaboration avec UnMondeLibre.org