Le général Palenfo condamné, mardi, à un an de prison pour » complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat « , se pourvoit en cassation malgré la promesse de grâce du président Gbagbo. L’avocat de la défense, Me Ibrahima Doumbia, crie au procès politique. Interview.
Selon l’avocat des généraux Lassana Palenfo et Abdoulaye Coulibaly, Me Ibrahima Doumbia, la condamnation par un tribunal mixte civil et militaire, mardi soir, de l’ancien numéro 2 de la junte à un an de prison pour » complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat « , obéit à des motivations politiques. Les deux généraux étaient poursuivis, ainsi qu’une trentaine de militaires, pour l’attaque, dans la nuit du 17 au 18 septembre dernier, de la résidence abidjanaise du général Gueï, alors chef de la junte au pouvoir. Deux soldats loyalistes avaient été tués dans cet assaut mené par des éléments de la garde rapprochée de l’ancien chef de l’Etat.
Afrik : Quelle est votre opinion sur la condamnation de votre client, le général Palenfo, par le tribunal civil-militaire d’Abidjan, à un an de prison ?
Me Ibrahima Doumbia : Mon sentiment c’est que les juges ont failli à leur mission. On leur avait donné mandat de condamner Lassana Palenfo et Abdoulaye Coulibaly à 20 ans de prison. Mais devant un dossier aussi vide, ça leur a été très difficile. C’est une condamnation qui intervient après un procès où la victime, le général Gueï, non seulement est absente, mais fait dire par son avocat qu’elle ne porte pas plainte, conformément à l’article de loi qui amnistie les membres du Conseil National de Salut Public (gouvernement provisoire formé par les putschistes de décembre 1999, dont Palenfo occupait la seconde place). Un procès où le seul témoin à charge, le caporal Maho, multiplie les contradictions. Les charges qui pèsent sur eux ressemblent à une peau de chagrin : d’abord on les inculpe pour » assassinat, tentative d’assassinat et atteinte à la sûreté de l’Etat « , puis pour « tentative d’assassinat et atteinte à la sûreté de l’Etat » ; comme ça ne tient toujours pas, on les charge pour » complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat « .
Afrik : Pourquoi avoir condamné Palenfo alors ?
I.D. : Parce que les juges refusent le principe de l’acquittement. S’il est réellement coupable de complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat, un an ce n’est pas cher payé, vous ne trouvez pas ? (Rires). Au fond, il y a derrière ce procès politique, l’orgueil du président Gbagbo. Il fallait condamner Palenfo afin que le président le gracie et apparaisse comme le grand conciliateur de la classe politique ivoirienne.
Afrik : Pourquoi Palenfo a-t-il été condamné, et non pas l’autre accusé, Abdoulaye Coulibaly ?
I.D. : Coulibaly a été accusé dans le seul but d’être acquitté et de faire croire à un jugement équitable. Coulibaly, c’est le verre d’eau pour faire avaler la pilule de la condamnation de Lassana Palenfo. Palenfo était à Sydney (avec la délégation ivoirienne au Jeux Olympiques. Ndlr.) au moment de l’attaque de la résidence du général Gueï. Quand il a su que son ami était dans le collimateur de Gueï, Coulibaly a envoyé une escorte à l’aéroport pour le prévenir du danger qui pesait sur lui. Gueï ne lui a jamais pardonné ce qu’il a considéré comme une trahison. Voilà les seuls motifs de la présence de Coulibaly dans le box des accusés.
Afrik : Est-ce cela qui a poussé votre client à décliner la grâce présidentielle et à se pourvoir en cassation ?
I.D. : Exact. Maintenant il faut savoir que la loi ne définit pas de délai pour un pourvoi en cassation. Il va falloir se battre pour que le second jugement ait lieu rapidement. Je crains que beaucoup de gens au sein de la magistrature aient intérêt à traîner des pieds.
Afrik : En attendant Lassana Palenfo reste en prison ?
I.D. : Lassana reste en prison, mais aussi Abdoulaye Coulibaly. L’accusation d’atteinte à la sûreté de l’Etat ne suffisant pas, le pouvoir leur attribue un autre délit, celui de détournement de fonds publics. Les faits reprochés remontent à octobre dernier, alors que mes clients étaient réfugiés à l’ambassade du Nigeria ! En dépit du bon sens, l’affaire est en cours d’instruction. Ils sont donc toujours sous mandat de dépôt.