Une petite société pharmaceutique suisse s’apprête à commercialiser un nouveau médicament qui élimine le parasite de la malaria en trois jours. Un espoir pour les continents touchés par ce fléau, notamment l’Afrique.
Le paludisme est la pathologie la plus répandue de la planète. Plus de 40% de la population mondiale vit dans les régions ou la malaria est active, sous la ligne de l’Equateur. Le paludisme fait entre 1,5 et 2,7 millions de morts par an, dont 1 million d’enfants de moins de cinq ans. On recense 400 millions d’infections ou de réinfections par an. Les médicaments en circulation sur le marché ont des effets secondaires indésirables et le parasite de la malaria a tendance a développer des résistances aux traitements actuels, notamment à la Chloroquine, le plus utilisé. Pour endiguer le fléau, une petite société pharmaceutique genevoise, Cipka, tient la solution : un nouveau médicament, baptisé Gadelpas, qu’elle s’apprête à commercialiser. Non sans mal. Interview de son vice-président, Eric Stauffer.
Afrik : Qu’est-ce-que le Gadelpas ?
Eric Stauffer : C’est un médicament anti-paludéen, totalement nouveau, obtenu à partir de l’extraction moléculaire de deux plantes, dont la peschiera fuschsiaefolia, une plante médicinale. Nous ne voulons pas faire une molécule de synthèse à partir de ces plantes, contrairement aux autres laboratoires. Nous allons laisser le naturel combattre le naturel.
Afrik : Quel sont les propriétés de ce médicament ?
Eric Stauffer : Le Gadelpas est surpuissant. On nous a d’ailleurs accusés de soigner la malaria comme si nous utilisions un canon pour abattre un moineau. C’est une forme liquide dont on prend deux cuillérées à café matin et soir. Au cours de la première journée de prise, on observe la disparition des symptômes cliniques. Au bout de trois jours, la rémission est totale et on continue le traitement pendant sept jours. A la suite de quoi, le parasite a complètement disparu du sang du patient. Bien sûr, les personnes restent sujettes à une recontamination. Nous avons trouvé la solution médicale au fléau et nous ne pouvons faire plus. Nous n’avons pas la possibilité de nous attaquer aux moustiques ou aux problèmes plus vastes que rencontre l’Afrique (hygiène, information…).
Afrik : A-t-il des effets secondaires ?
Eric Stauffer : Aucun effet secondaire indésirable n’est connu à ce jour. En revanche, il y a des effets secondaires positifs, comme le renforcement du système immunitaire du patient. Les enfants que nous avons traités, qui peuvent contracter de huit à douze paludismes par an, n’ont rien attrapé pendant huit à douze mois après le traitement.
Afrik : Quel est le prix d’un tel traitement ?
Eric Stauffer : Nous ne voulons pas dépasser un coût de 1 à 2 dollars pour un traitement complet adulte. Nous tenons compte de la réalité sociale des populations que notre médicament vise.
Afrik : Avez-vous réalisé des tests ?
Eric Stauffer : Au Cameroun, au Mozambique et au Nigeria. Au Nigeria les tests sont conduits par un éminent professeur, consultant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’agit de tests multicentres (le pays est découpé en quatre zones de test) rondomisés (les tests sont pratiqués sur un échantillon de population représentatif, toutes couches sociales confondues) et comparatifs (comparé à la Chloroquine). La Chloroquine est le médicament le plus utilisé. Il détruit la malaria, certes, mais aussi le patient ! Au Nigéria, nous avons traité 80 patients avec le Gadelpas. Les résulats sont très positifs. Sur les 18 enfants testés, nous avons eu 100% de guéris. Le Nigéria sera d’ailleurs le premier pays à commercialiser le médicament et grâce aux accords inter-Etats, nous pourrons le vendre dans quatorze pays africains, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Zimbabwe.
Afrik : Les grandes firmes pharmaceutiques ne se sont pas intéressées à la Peschiera fuschiaefolia ?
Eric Stauffer : Depuis dix ans, nos deux scientifiques – les Italiens Giuseppe Bertelli Motta et Silvio Rossi – planchent sur le sujet. Les grands groupes pharmaceutiques ne s’intéressent pas à la malaria car ce n’est pas un marché lucratif. L’endémie touche 750 millions de cas cliniques mais ceux-ci se trouvent dans des pays qui n’ont pas d’argent. Tant que nos recherches étaient tournées vers les pays pauvres, personne ne s’intéressait à nous. Or, le Gadelpas détruit également les souches de la tuberculose et lorsque nous nous sommes intéressés aux 1 200 000 millions de tuberculeux que compte New-York, nous avons commencé à déranger.
Afrik : Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés ?
Eric Stauffer : Bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait confirmé, en 1998, la positivité de notre médicament, c’est un parcours du combattant pour le faire commercialiser. Nous attendons encore l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). On nous demande de faire d’autres tests. Mais cela coûterait 50 millions de dollars – avec une répercussion sur le prix de vente final – et prendrait cinq ans de plus – d’ici là on aura compté encore 21 millions de morts… Or nous avons suffisamment d’éléments pour affirmer que notre médicament est non toxique. Nous sommes dans une situation d’urgence. Et nous sommes prêts à commercialiser.
Afrik : Que vous manque-t-il encore ?
Eric Stauffer : Lors du dernier sommet du G8 à Gênes, 800 millions de dollars ont été débloqués pour combattre la malaria, la tuberculose et le sida. Nous aurions pu au moins en toucher une petite partie. Jusqu’ici, nous nous sommes autofinancés avec des fonds privés mais nous recherchons des partenaires financiers. Nous avons besoin de 20 millions de dollars pour créer les quatre unités de production à travers le monde qui nous permettrons de produire 380 millions de traitements par an. Soit un peu plus de 40% de la demande globale.