Arrêté peu avant les attentats du 11 septembre parce que son permis de séjour aux Etats-Unis n’était plus valide, Zacarias Moussaoui a été inculpé par la justice américaine qui le soupçonne d’avoir été préparé pour participer aux détournements tragiques de cette journée noire. Retour sur l’itinéraire d’un intégriste qui a commencé en France.
Abd Samad Moussaoui raconte son frère adoré, leur enfance difficile dans les banlieues françaises, leur père invisible après la séparation de leurs parents, leur mère autoritaire et exigeante, qui les coupa de leurs racines marocaines et les éleva volontairement hors de toute éducation religieuse. Il raconte leurs soeurs et les itinéraires divergents de chacun d’entre eux, confrontés à la fois aux difficultés d’insertion dans la société française (quelles études faire, comment trouver un emploi fixe ?) et à leur communauté d’origine, dont trop de choses les séparent. Ils ne parlent pas arabe, ils ne pratiquent pas l’Islam.
Une culture reniée par la mère
Du Maroc, il raconte la découverte médusée de leur famille, quand pour la première fois ils la rencontrent, alors qu’Abd Samad a déjà dix ans et Zacarias un peu moins. Sa plus grande surprise est d’entendre sa mère parler : » Elle qui d’habitude se plaignait de se tuer à la tâche, de la dureté de la vie, affirmait alors à toute la famille que nous menions en France une existence très confortable ; que nous ramassions l’argent par terre, que là-bas il suffisait de vouloir pour réussir… » Couverts de cadeaux pendant leurs quelques séjours marocains, ils sont néanmoins coupés de cet univers originel qui leur aurait offert un cadre plus structurant que les bandes des banlieues successives où ils habitent.
Impuissant face à la dérive
Il raconte le racisme ordinaire, dont ils se sentent d’autant plus blessés que leur mère a voulu les insérer complètement dans la communauté française où elle est parvenue à entrer, à force de travail et d’épargne…
Il raconte enfin l’incompréhensible dérive, le voyage à Londres, les comportements de moins en moins explicables de Zacarias, ses absences, ses silences, son retrait dans une réprobation universelle, ses coups de gueule inattendus contre l’imam de Perpignan ou de Montpellier… Emporté par les certitudes hautaines du wahhabisme, au mépris des pratiques sunnites de ses parents et des aïeux, Zacarias n’accepte plus la discussion et rejette toute parole opposée. Il y a quelque chose de pathétique dans ce récit d’un jeune homme qui assiste impuissant à l’égarement de son frère, qui, sans pouvoir agir, le voit renier les siens pour plonger dans un fanatisme sans frein.
Propagande intégriste universitaire
Les explications sociales, politiques et religieuses sont esquissées Les coupables désignés : ces recruteurs de l’intégrisme wahhabite qui exercent sur les jeunes étudiants arabes esseulés des campus européens, et en particulier anglais, une séduction d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur des moyens de propagande importants combinés de multiples outils d’assistance sociale et matérielle (allocations, repas offerts, facilité de logement trouvées…) financés par des fonds apparemment sans limite…
De ce livre simple et clair, sans colère et sans affectation de style, Abd Samad Moussaoui n’attend pas la gloire. Il ne s’agit pas pour lui d’un acte de dénonciation héroïque, ni d’une apologie du terrorisme. C’est la tentative de comprendre, et de faire comprendre, quel fut l’itinéraire d’un homme, ce qui gouverna ses actes. Pour lui et pour nous tous, cet homme juste a fait oeuvre utile.
Commander le livre : Zacarias Moussaoui, mon frère, de Abd Samad Moussaoui et Florence Bouqillat. Editions Denoel, 2002