Avec cette dernière vague de prisonniers politiques libérés à la veille du 53ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’ivoire, le Front Populaire Ivoirien (FPI) se reconstitue progressivement. Ses cadres les plus importants sont désormais en position de reconquête de leur électorat et d’une nouvelle crédibilité tant au niveau national qu’international.
Après d’âpres négociations secrètes et officielles, pratiquement toute la direction du FPI est désormais libre et en mouvement pour reprendre sa place de leader de l’opposition ivoirienne. Ces libérations successives depuis deux ans maintenant, devraient encourager les autres cadres du FPI en exil à rejoindre leur pays.
Pour montrer sa détermination à combattre politiquement la coalition RHDP au pouvoir, Affi N’guessan, président du FPI, ne ménage pas ses efforts pour remobiliser ses militants et sympathisants. Il sait surtout que ces ex-détenus ne doivent pas donner l’impression à ces derniers d’avoir été libérés de prison pour des raisons autres que leur innocence. Ils doivent se construire un mythe du prisonnier, défenseur du droit, des libertés et de la démocratie. Pour lui, comme pour tous ces camarades, leur emprisonnement et leur libération doivent être traduits comme la continuité de leur combat politique. Ils doivent exprimer des actes politiques forts de poursuite d’un combat politique qui, pour beaucoup de leurs militants et sympathisants, est très loin d’être terminé.
D’abord faire un auto-bilan de la politique menée par le FPI
En privé, certains de ces cadres reconnaissent volontiers qu’il faudrait changer de combat. Mieux encore, il faudrait d’abord faire un auto-bilan de la politique menée par le FPI, à partir de 2000, lorsqu’il était au pouvoir. Était-il vraiment nécessaire de se lancer aveuglément, et à corps perdu, dans cette politique identitaire et xénophobe qui montrait déjà les signes d’un désastre politique, économique et social national ? Certains de ces cadres se demandent aujourd’hui s’il était vraiment utile pour le FPI de s’engouffrer dans cette impasse identitaire, en dépit du désir des intellectuels et de la jeunesse qui aspiraient au changement, à la démocratie et aux libertés individuelles et collectives. Qu’on le veuille ou non, cette politique très risquée, voire incertaine, qui a engendré la violence et la haine, a été, selon certains cadres et militants de LMP, à l’origine de leur perte du pouvoir. Entre 2000 et 2002, ils avaient tous les pouvoirs d’État. Ils géraient un pays unifié et sans rébellion. En deux ans, ils auraient pu commencer à mettre en place leur programme de développement et de modernisation du pays. Malheureusement, toute leur énergie était concentrée sur qui était ou n’était pas Ivoirien. Pendant ce temps là, toutes les routes du pays étaient impraticables, y compris celles qu’empruntaient les plus hauts dignitaires de l’État pour rejoindre leur domicile et leur lieu de travail. Les rues étaient de véritables dépotoirs et la Côte d’Ivoire avait perdu toute crédibilité au niveau international. La Côte d’Ivoire n’existait plus dans les relations internationales. Au niveau économique et social, c’était un véritable désastre.
Confronté à un triple défi
Aujourd’hui, Affi N’guessan qui est à nouveau président du FPI, sait que les enjeux ne sont plus les mêmes. Nous sommes désormais dans un environnement politique qui a considérablement évolué, avec une profonde prise de conscience de certains de ses ex-camarades. Certains reconnaissent aujourd’hui s’être trompés dans leurs choix stratégiques, une fois au pouvoir. Il sait également, comme Mamadou Koulibaly, qu’il sera lui aussi victime de ses origines ethniques dans un parti fortement dominé malheureusement par les réalités ethniques, comme dans tous les autres partis politiques ivoiriens. Il est désormais confronté à un triple défi. D’abord, celui de reconstituer son électorat, en durcissant ses propos contre le pouvoir actuel de manière à séduire sa base, tout en prenant soin d’éviter certains propos qui peuvent à nouveau réveiller les vieux démons de la haine et de la violence. Puis, celui d’organiser son parti, en le rendant plus fréquentable au niveau international, par des prises de positions, discours et actions responsables, afin de le rendre crédible. Et enfin, il doit toujours faire en sorte de ne pas donner l’impression de vouloir prendre la place du fondateur du FPI, emprisonné à La-Haye. Il le saura très vite, car des snipers seront toujours là, tapis dans l’ombre, pour lui rappeler que le boss, ce n’est pas lui, mais Laurent Gbagbo.