Moussa Konate fait de l’édition un combat personnel. Avec peu de moyens et une foi inaltérable. Rencontre d’un pionnier en marge du Salon du livre africain de Lille.
Moussa Konate est malien. Il est romancier, dramaturge et metteur en scène. Cherchant à démocratiser et autonomiser la littérature au Mali, il créé en 1997 les Editions du Figuier. D’abord tournées vers les livres de jeunesse, ces dernières vont devenir généralistes et essayer de tenir un pari : offrir des livres accessibles. Afrik.com a rencontré Moussa Konate au Salon du livre africain de Lille qui s’est terminé hier.
Afrik.com : Racontez-nous la génèse de votre maison d’édition, les Editions du Figuier, et parlez-nous de votre ligne éditoriale.
Moussa Konate : J’ai fondé les Editions du Figuier en 1997. Je suis parti d’un double constat : je vis dans un pays où il est difficile d’acheter un livre à cause de son coût. N’importe quel livre est inaccessible à la bourse d’un malien moyen. Mes livres n’étaient lus qu’en bibliothèque et c’est une vraie frustration d’écrire et de ne pas être lu par ses concitoyens. Autre motivation : j’ai beaucoup lu étant enfant et je trouvais triste de voir des enfants qui n’avaient pas la possibilité de lire. Nous avons ici un patrimoine culturel assez riche pour offrir à lire à tous les enfants.
Au début, notre production était destinée à la jeunesse. Les thèmes étaient puisés dans le patrimoine culturel du Mali : des légendes, contes, devinettes. Puis nous nous sommes élargis pour devenir totalement généralistes : romans, essais, polars, BD…
Afrik.com : Votre pari était de faire des livres accessibles. Comment avez-vous réussi ?
M.K. : Je ne peux pas dire » j’ai réusi » car nos problèmes sont réels. Nous publions tant bien que mal et faisons en sorte que les livres jeunesse ne dépassent jamais 15 FF, mais nous utilisons la quadrichromie et le papier glacé, ce qui donne des marges bénéficiaires extrêmement étroites. Notre chance c’est d’éditer aussi dans les langues maliennes, ce qui nous apporte une certaine marge de manoeuvre et qui permet de réinvestir.
Afrik.com : Comment votre maison fonctionne-t-elle ?
M.K. : Nous avons sept personnes à plein temps, dont quatre pour l’édition proprement dite. Nous n’arrivons pas à faire face à l’afflux de manuscrits. Car comme nous avons peu de moyens, nous ne pouvons pas payer des lecteurs extérieurs, sauf pour les manuscrits très spécialisés, scientifiques, et nous lisons tout nous-mêmes ! Tout le monde voudrait être édité mais nous avons une programmation à respecter. Les auteurs sont frustrés et nous aussi car il y de bons manuscrits qui attendent d’être publiés. Nous sortons en moyenne quinze livres par an, ce qui est déjà un peu trop pour le marché malien. C’est pourquoi nous essayons d’en sortir, avec des coéditions. Grâce à notre collaboration avec Edicef (groupe Hachette) en France ou Heurtebise au Canada, nous avons accès à un plus grand nombre de marchés.
Afrik.com : Quel est le paysage éditorial du Mali ?
M.K. : Il y a une dizaine de maisons d’édition, mais elles ne sont pas toutes dynamiques. Chacun essaie de faire ce qu’il peut dans les conditions qui sont celles du Mali. La littérature jeunesse se développe beaucoup, c’est le genre le plus édité. Chez nous, c’est ce qui se vend le mieux. Mais l’édition n’en est qu’à ses balbutiements au Mali. Il nous manque des techniciens de l’édition : il faudrait former des éditeurs, des graphistes, des commerciaux. Tout est à faire. Il y a un travail à effectuer au niveau même de la structure de l’édition pour s’ouvrir aux autres. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un marché concurrentiel : il y a un minimum à assurer comme la présentation, la mise en page, les illustrations. Il y a également un problème de trésorerie : il faut de l’argent pour que l’édition puisse se faire. Une des solutions est la coédition avec des maisons d’édition qui ont déjà une assise, comme les maisons européennes.