La troisième édition du Festival Gwo-ka de Paris débute ce vendredi, à La Java. L’occasion, pendant trois jours, de retrouver ou de découvrir cette musique de la Guadeloupe, centrée sur le chant et le tambour, dans ses expressions les plus traditionnelles et ses évolutions les plus récentes.
Philippe Makaïa, Jacques Schwartz-Bart, François Ladrezeau (du groupe Akiyo), Trio Laviso, Indestwas Ka, Aka Sosso… Du 28 au 30 septembre, la troisième édition du Festival Gwo-ka de Paris présente une pléiade de groupes et d’artistes. Ils feront vivre le Gwo-ka, cette musique créée en Guadeloupe par les esclaves africains et leurs descendants aux siècles derniers, sur les plantations de cannes-à-sucre, de café, et qui, aujourd’hui, continue de se développer. Liliane Coliné et Raphaël Epaminondas sont les directeurs de ce festival. Ils ont accordé une interview à Afrik.com.
Afrik.com : Comment vous est venue l’idée de créer le Festival Gwo-ka de Paris ?
Raphaël Epaminondas : C’était une vieille idée que j’avais. En 2003, j’ai rencontré Liliane, tout de suite elle a adhéré au projet et on y a travaillé. En 2004, on n’a pas réussi à avoir d’argent, mais en en 2005, oui. Donc nous avons fait venir deux musiciens de la Guadeloupe, Griv-la et Michel Laurent et invité des musiciens qui vivent ici (en France hexagonale, ndlr).
Afrik.com : Et vous, Liliane, vos motivations ?
Liliane Coliné : Ca me tenait à cœur ! Trouver quelqu’un de sérieux avec qui monter un projet culturel original, j’ai trouvé ça formidable. Il manque de rendez-vous culturels caribéens à Paris. Aujourd’hui le nôtre se pérennise, d’autres naissent, je trouve ça très bien. Et puis, en organisant un festival de Gwo-ka, je peux écouter toutes les chansons interdites pendant mon enfance. C’est génial !
Afrik.com : Pourquoi étaient-elles interdites, ces chansons ?
Liliane Coliné : Tout ce que chantaient des artistes comme Chabin, Loyson, Conquête, était très mal vu en Guadeloupe. Ils parlaient de la vie quotidienne, des problèmes économiques et politiques de l’île. De plus, le tambour avait une mauvaise image. Autour de lui gravitait le rhum, les jeux d’argent, les « vieux nègres », un environnement social duquel voulaient nous éloigner nos parents.
Afrik.com : Alors pourquoi voulez-vous promouvoir cette musique aujourd’hui, à Paris ?
Liliane Coliné : Parce que j’aime le gwo-ka depuis l’enfance. Mon côté tête brûlée me poussait vers cette musique. Et puis, je voulais me confronter à mes parents. Mais finalement, je me suis rendu compte que mon père était très proche de cette musique, même si socialement, il convenait de ne pas le montrer. Le gwo-ka, les paroles et les sentiments qu’il véhicule sont magnifiques.
Afrik.com : Et vous, Raphaël, quelles sont vos motivations profondes ?
Raphaël Epaminondas : Je voudrais revaloriser cette musique, la montrer à d’autres et, à Paris, parce que c’est la ville où nous vivons et une capitale prestigieuse où notre tradition a le droit de cité. Je voudrais donner l’occasion aux musiciens guadeloupéens qde montrer que lorsqu’ils travaillent et font de la belle musique, ils peuvent trouver un large public, en dehors de leur île.
Afrik.com : Quels seront les temps forts de cette troisième édition du Festival Gwo-ka ?
Raphaël Epaminondas : Cette année, nous voulons mélanger les genres. Donner à entendre la musique traditionnelle avec un boula, un makè (deux tambours, ndlr), avec des groupes comme Baltazia et Omer Thicot ; et le gwo-ka dans ses évolutions les plus modernes avec des musiciens comme Makaïa et Jacques Shwartz-Bart. Nous avons invité aussi François Ladrézeau, le chanteur mystique du groupe Akiyo. Et Liliane a tenu à convier un groupe de femmes, dirigé par Marilyn Dahomay. Une initiative qu’il nous fallait soutenir lorsqu’on sait que le milieu du gwo-ka a été longtemps considéré comme machiste…
Afrik.com : A quelles difficultés avez-vous dû faire face pour monter ce festival ?
Raphaël Epaminondas : D’abord, trouver la salle, nouer des accords avec ses gérants pour avoir un bon matériel technique, et ensuite trouver le fric ! C’est un vrai parcours du combattant. Par exemple, cette année le ministère de la Culture a refusé de nous soutenir alors que l’an dernier, oui. Le ministère de l’Outre-mer ne nous soutient pas non plus, alors qu’a priori il était d’accord. En Guadeloupe, exceptées celles du Conseil régional, nous n’avons guère reçu d’aides. Les mairies, le Conseil général, l’office du tourisme sont restés sourds à nos appels bien que notre initiative mette en valeur la culture de la Guadeloupe. Cependant, la Mairie du 10ème arrondissement de Paris que nous connaissons bien, certaines entreprises comme AGS et les rhums Saint-Etienne nous soutiennent. Ensuite, passées les difficultés financières, il nous faut communiquer et gérer les artistes. Donc, organiser un festival est un travail assez lourd.
Afrik.com : Quelles satisfactions tirez-vous de la réalisation de cet événement ?
Liliane Coliné : Jusqu’à maintenant, les personnes qui découvrent le festival sont très heureuses, très anthousiastes. Elles nous disent qu’elles veulent revenir. D’autre part, j’ai fait du théâtre pendant des années et, pour moi, c’est un plaisir de faire des artistes monter sur scène, d’ouvrir d’autres horizons à des créateurs qui ne sont pas forcément dans la norme. Beaucoup de musiciens nous appellent et nous disent qu’ils souhaiteraient revenir. Tout cela représente pour nous une immense source de satisfaction.
Festival de Gwoka, à La Java, 105, Rue du Faubourg-du-Temple, 75010 Paris. Tel : 01 42 02 20 52.
Les concerts commencent à 19 heures.
Vendredi 28 : Omer Thicot – Aka Sosso – François Ladrezeau – Trio Laviso.
Samedi 29 : Chaltouné – Indestwaka – Makaïa group – Schwartz-Bart.
Dimanche 30 : Indestwaka – Aka sosso – Baltazia.