Abdellatif Kechiche raconte La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 et émeut la Croisette grâce aux performances remarquables d’une révélation, Adèle Exarchopoulos, et de Léa Seydoux. Le film du franco-tunisien, en compétition au Festival de Cannes, est un prétendant sérieux à la Palme d’Or.
Adèle est une jeune fille en fleur. Elle va encore au lycée, vit chez ses parents, parle avec ses copines des garçons mais surtout découvre sa sexualité. Comme tout le monde, elle aura bientôt un petit copain. Jusqu’à ce coup de foudre pour une jeune femme aux cheveux bleus qui répond au nom d’Emma et étudie les Beaux-Arts. Dans La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2, en compétition au Festival de Cannes, le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche filme la naissance et l’évolution d’une relation amoureuse passionnée. En parallèle, il raconte aussi le cheminement à la fois humain et professionnel de ces jeunes femmes qui n’appartiennent pas aux mêmes milieux sociaux. Face à Emma l’artiste, Adèle rêve de devenir institutrice pour transmettre, elle aussi, ce qu’elle a reçu sur les bancs de l’école. Leur amour résistera-t-il à cette opposition ?
D’amour, tout simplement
Librement inspirée de la BD de Julie Maroh, Le bleu est une couleur chaude, La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 évacue le tragique et transcende la question de l’homosexualité pour traiter des vicissitudes de la vie amoureuse. Sa naissance, la passion sexuelle qu’elle peut impliquer et qui est mise en images au travers des scènes d’amour rarement montrées avec cette audace au cinéma, et la rupture sont abordées sur trois heures. Sans jamais lasser. Car le résultat est sublime. Du sens, de l’émotion, de la subtilité, des enjeux pour des comédiens talentueux et un vrai parti pris artistique, notamment dans le choix des plans, confèrent qualité et force au long métrage. Aussi, c’est avec une grande fluidité qu’Adèle passe de l’adolescence à l’âge adulte et grandit dans sa vie amoureuse.
Le jeu des héroïnes – Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux – d’une finesse et d’une grande véracité est l’un des piliers d’une oeuvre au scénario ciselé. Dans la peau d’Adèle, Adèle Exarchopoulos se livre tout entière – un prix d’interprétation féminine serait largement mérité – et justifie à chaque scène, à l’instar de sa partenaire, le choix d’Abdellatif Kechiche de filmer toujours en gros plan cette magnifique histoire d’amour. La caméra ne rate pas une miette des émotions suscitées, d’autant qu’elles sont gravées sans fard sur le visage de ses protagonistes et transpercent l’écran. La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 transmet aussi sa gourmandise. Comme dans La Graine et le Mulet (2007), Abdelattif Kechiche filme avec délectation les scènes de repas et toutes ces bouches qui mastiquent avec plaisir et détermination.
Un bon candidat à la Palme d’or
L’autre véritable atout de cette fiction est la densité d’un scénario comparable à un mille-feuilles. Outre les thématiques liées à l’amour et de la différence de classes sociales , La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 est aussi un hommage à la transmission du savoir et au corps enseignant. Une problématique déjà abordée dans L’Esquive (2003) et qui est, en partie, à l’origine de son dernier film. L’attachement du cinéaste pour Marivaux et à La Vie de Marianne ou les aventures de Madame la comtesse de *** nourrissent également cette fiction, à travers la notion de coup de foudre. Abdellatif Kechiche multiplie aussi les clins d’œil à cette France multiethnique, à « l’arabité » – Adèle signifie « justice » en arabe et l’un de ses personnages passe en dérision les préjugés des Américains sur les Arabes – et à « l’africanité ». Certains des petits élèves de son héroïne apprennent ainsi à exécuter des pas de danse africaine.
La Vie d’adèle – Chapitre 1 et 2 est une fresque riche en sensations, qui s’aborde de multiples manières, tout en préservant son essence et sa singularité. Abdellatif Kechiche livre une oeuvre intense et, peut-être, l’une de ses productions les plus abouties. Envisager alors une Palme d’or peut se concevoir aisément.
La Vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 de Abdellatif Kechiche
Avec Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux
Sortie française : 9 octobre 2013