Accord inattendu à Pretoria sur la possibilité d’un retrait des troupes rwandaises de la RDC. Enthousiasme généralisé des milieux gouvernementaux. Par contre, scepticisme de nombreux Congolais quant à la bonne foi des Rwandais et à l’applicabilité de l’accord. Joseph Kabila se déclare prêt à signer.
De notre correspondant à Kinshasa
Les discussions ne devaient durer qu’une journée. Une routine. Mais les experts rwandais et congolais ont dû prolonger jusqu’à cinq jours au bout desquels ils s’en sont sortis avec un accord de cessation de belligérance. L’accord a été obtenu, le samedi 20 août 2002, à Pretoria, en Afrique du sud. Il reste que les deux chefs d’Etat apposent leurs signature au bas de l’accord pour permettre à ce » jusqu’ici impossible » de se réaliser. Aux termes de l’accord, le Rwanda s’engage à retirer ses troupes du territoire congolais dès que la RDC aura identifié, regroupé et désarmé les ex-forces armées rwandaises (ex-Far) et les célèbres milices « Interahamwe » supposées être disséminés sur le territoire congolais et financées par le gouvernement de Kinshasa. L’opération doit, en tout, durer trois mois à partir de la date de la signature de l’accord par les chefs d’Etat.
Les Congolais sceptiques
Bien que le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, se soit déclaré prêt à entériner l’accord, les Congolais restent sceptiques sur la bonne foi du gouvernement rwandais. Le seul élément positif dans ces pourparlers de Pretoria c’est le fait que Kinshasa soit arrivée à discuter directement avec le Rwanda, commanditaire de la rébellion et donc, le véritable interlocuteur. » A la limite, je trouve que c’est le Rwanda qui a encore gagné dans cette réunion de Pretoria, déclare Jean-Marie Lungeni Kalala, chroniqueur politique à la Radio-Télévision Nationale Congolaise. Non seulement, Kigali a réussi à faire accepter aux Congolais qu’ils gardent et gèrent beaucoup d’éléments ex-Far et les milices interahamwe au Congo, ce qu’ils avaient toujours nié, mais en plus, la RDC permet au Rwanda de sortir les mains propres de l’aventure congolaise qui aura, tout de même, coûté la vie à 3 millions de Congolais « .
Manoeuvres politiques
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits Humains vient d’établir fermement les responsabilités des rebelles du RCD/Goma dans les tueries extrajudiciaires à grande échelle sur les populations de Kisangani. Pour des raisons de susceptibilités diplomatiques, l’Onu ne veut pas citer nommément le Rwanda dont les troupes ont pris part aux représailles contre la mutinerie des officiers congolais à Kisangani. Elle l’enjoint par contre d’insister auprès du RCD/Goma pour que celui-ci livre les responsables militaires qui avaient dirigé les opérations de représailles.
Après sa mission d’enquête en RDC, en juin dernier, Asma Jangahir, l’envoyée spéciale du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits Humains chargée des crimes extrajudiciaires, avait établi à environ 200, le nombre de victimes des massacres de Kisangani. Or cette décision de l’Onu de poursuivre les auteurs des massacres de Kisangani survient en même temps que l’accord de Pretoria sur la volonté du Rwanda de retirer ses troupes du Congo.
Localiser les milices extrémistes
Le problème qui va sûrement surgir dans l’application de l’accord de Pretoria, est celui de la localisation de ces ex-Far et interahamwe sur le territoire congolais. Le Rwanda estime qu’il y a plus de 50 000 militaires et milices rwandais sur le territoires congolais à désarmer et à rapatrier au Rwanda. La Monuc (Mission d’Observation de l’Onu au Congo) qui, à la demande de l’Onu, s’était chargée d’inventorier les militaires rwandais au Congo estime, pour sa part, qu’il n’y en a plus que 12 000 au total, disséminés à travers le territoire sous contrôle du RCD/Goma.
Retour d’exil
Le gouvernement congolais avait, en 2001, regroupé, sur la base militaire de Kamina, les 3 000 éléments rwandais, militaires et milices, qu’il estimait se trouver sur le territoire sous son contrôle. Ces éléments, dûment identifiés et recensés par la Monuc ont été visités par de nombreuses personnalités occidentales et par beaucoup de diplomates accrédités à Kinshasa.
Ils seraient prêts à regagner le Rwanda mais à condition que le pouvoir de Kigali accepte d’ouvrir l’espace politique aux partis d’opposition. Ils se sont érigés en formations politiques en exil dont la plus connue est le Front de Libération du Rwanda (FDLR). Christophe Hakibareza, son Secrétaire général, réagissant à l’accord de Pretoria et à la perspective de regagner son pays, a confirmé l’intention des Rwandais en exil de regagner leur pays. » Nous aimerons rentrer dans notre pays mais pas pour nous nous faire tuer, car telle est l’intention du pouvoir de Kigali. Nous voulons participer à la création d’un Rwanda démocratique où tout le monde peut discuter la manière de gérer le pays « .