Le difficile équilibre du Maroc entre soutien à la Palestine et coopération militaire avec Israël


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Dans un contexte géopolitique tendu au Moyen-Orient, le Maroc tente de jouer sur deux tableaux. D’un côté, la population du royaume chérifien affiche un soutien public sans faille à la cause palestinienne, tandis que de l’autre, le gouvernement de Mohammed VI renforce discrètement sa coopération militaire avec Israël. Cette semaine, un contrat de 1 milliard de dollars vient d’être conclu pour l’achat de deux satellites « d’observation ».

Le royaume du Maroc se trouve dans une position délicate, cherchant à concilier son soutien historique à la cause palestinienne avec ses intérêts stratégiques récents liés à Israël. Cette ambiguïté a été récemment mise en lumière par l’affaire du ravitaillement d’un navire de guerre israélien au port de Tanger. Le 6 juin 2024, l’INS Komemiyut a fait escale pour se ravitailler en carburant et en provisions avant de poursuivre sa route vers Haïfa. Cet accueil d’un navire de guerre israélien a déclenché une vive polémique au Maroc, avec notamment le « Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation » qui a protesté contre cet accueil.

La controverse a été amplifiée par la comparaison avec la position de l’Espagne. En effet, Madrid avait un peu auparavant refusé l’escale du navire marchand Marianne Danica, transportant des armes destinées à Israël. Cette décision espagnole, saluée par les organisations pro-palestiniennes, a marqué une différence notable avec la politique marocaine.

Le double discours de Mohammed VI

Ce double discours de Mohammed VI, président du Comité Al-Qods chargé de défendre les intérêts du peuple palestinien, mais également au centre du rapprochement entre son pays et Israël, a déclenché de nombreuses manifestations au Maroc.

Parallèlement à ces tensions, le Maroc poursuit son rapprochement stratégique avec Israël. Selon des informations récentes des médias israéliens, le royaume aurait conclu un accord d’un milliard de dollars avec Israel Aerospace Industries (IAI) pour l’acquisition de deux satellites d’observation de type Ofek 13. Cette transaction marquerait le plus important contrat entre les deux pays depuis la normalisation de leurs relations en 2020.

La vente des satellites israéliens au Maroc marque une intensification de la coopération militaire entre les deux pays. Ce contrat, qui remplace les satellites Airbus et Thales, témoigne de l’importance stratégique accordée par le Maroc à son partenariat avec Israël. Ainsi, ce partenariat vient remplacer l’alliance traditionnelle avec la France et l’Europe.

Ce renforcement des liens militaires s’inscrit dans la continuité d’un accord de coopération militaire signé en novembre 2021. En février 2022, IAI avait déjà signé un accord de plus de 500 millions de dollars pour fournir au Maroc le système de défense aérienne et antimissile Barak MX.

Priorité au Sahara occidental

Malgré ces développements, le Maroc continue d’afficher son soutien à Gaza. Pour cela, il envoi de l’aide humanitaire et appelle à l’arrêt des combats entre Israël et le Hamas. Cette position ambiguë semble découler de la priorité donnée par le souverain chérifien au dossier du Sahara occidental, une préoccupation qui semble primer sur toutes les autres.

Cette situation met en lumière la complexité de la diplomatie marocaine, tiraillée entre ses engagements envers la cause palestinienne que défend son peuple et les intérêts économiques du pouvoir et de son entourage, qui souhaite exploiter les ressources du Sahara. Alors que le gouvernement autorise les manifestations pro-palestiniennes comme « soupape » pour l’expression populaire, il poursuit en coulisses une coopération militaire étroite avec Israël.

Le « Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation » prévoit de mobiliser l’opinion publique contre la coopération militaire avec Israël. Cette mobilisation soulève des questions sur la capacité du Maroc à maintenir cet équilibre précaire entre ses différents engagements diplomatiques et stratégiques, et sur les conséquences potentielles de ce double jeu sur la scène internationale. Une position qui risque de devenir intenable si le conflit au Moyen-Orient venait à se poursuivre.

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