Le désastre éducatif africain


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Une classe
Une classe vide

Pourquoi les pays africains souffrent-ils tous de la médiocrité de leur système éducatif ? Tel est le fil conducteur qui guide la réflexion que nous propose ici Eustace Davies, de la Free Market Foundation en Afrique du Sud.

En montrant les limites d’un enseignement de masse qu’il assimile au modèle de production taylorien, il explique comment le monopole public de l’enseignement et l’absence d’incitations aux investisseurs privés a empêché le développement d’une éducation orientée pour la demande. Le seul moyen pour permettre le développement du capital humain en Afrique est de passer de la logique selon laquelle les étudiants doivent s’adapter à l’école à une logique qui veut que ça soit l’école qui s’adapte aux étudiants. Autrement dit, l’auteur plaide pour l’adoption d’un marketing éducatif où l’offre d’enseignement est élaborée en fonction de la demande exprimée par les élèves et les étudiants.

Alors que les jeunes se débattent avec leurs examens de fin d’études secondaires, les adultes se souviennent de leurs propres expériences. Les grands-parents et même les arrières grands-parents, ont vécu la même expérience, malgré les années qui les séparent. Les contenus disciplinaires pourraient être différents, mais les méthodes fondamentales sont pratiquement les mêmes. Comment est-ce possible quand le monde qui nous entoure a changé de manière spectaculaire au cours des 100 dernières années?

En 1908, Henry Ford introduisit le modèle T, vendu à 825 $, pour le marché américain. Grâce à une technologie améliorée et les techniques de production de masse, il réussit à baisser le prix régulièrement. En 1916, la voiture Touring basique coûtait 360 $. Il vendit 472,00 exemplaires cette année-là. Comment a-t-il atteint cet objectif de rendre l’automobile accessible aux gens ordinaires ? En refusant d’ajouter les extras augmentant le coût. Un de ses slogans était : «Vous pouvez avoir n’importe quelle couleur que vous aimez tant qu’elle est noire ». Ce n’est que lorsque la variété croissante des caractéristiques et de couleurs qu’offrent ses concurrents a commencé à éroder sérieusement les ventes de Ford que celui-ci a accepté d’introduire les changements que nous voyons encore dans les voitures actuelles.

La scolarisation dans le monde entier est restée bloquée dans le mode de production de masse du modèle T d’Henry Ford. Les critiques utilisent le terme de « machine à saucisse » pour décrire la scolarisation. La raison est le manque de choix, comme pour les couleurs que Henry Ford proposait à ses clients.

Les jeunes sont les otages de technocrates. Les parents exercent très peu d’influence sur ce que leurs enfants reçoivent comme enseignement ou la façon dont le succès ou l’échec du processus est mesuré. Le mieux qu’ils puissent faire est de scolariser leurs enfants dans les écoles où ils sont bien traités et où les enseignants tentent d’enseigner aux élèves quelque chose de valeur.

Les enfants ne sont pas des objets pour le modelage et l’uniformité qui ont initialement fait leurs preuves dans la fabrique du modèle T de Ford. Chaque enfant est unique et non transformable en un individu standard. Un système devrait être mis en place qui permet à chaque jeune personne de se développer en fonction de tout son potentiel.

Certains jeunes ne peuvent pas mémoriser l’information, se concentrer sur les mots, faire de l’arithmétique, ou passer des examens. Toutefois, ils pourraient être au-dessus de la moyenne en sport ou en musique, en menuiserie, en cuisine, ou quoi que ce soit de manuel et cent une autres choses absentes du programme de baccalauréat. Les compétences dont ils sont dotés le plus sont très demandées dans le reste du monde, mais pas au sein des limites étroites de la classe.

Les étudiants sont forcés de s’adapter à l’école. Or, c’est l’école qui devrait être contraint de s’adapter aux élèves. Entre 1880 et 1920, les derniers bastions de la scolarisation orientée par la demande, le Royaume-Uni et les États-Unis, sont tombés sous les assauts de la législation publique. Une législation qui a introduit le « nouveau modèle » de la manière dont les enfants doivent être éduqués pour s’assurer que tous les jeunes reçoivent une bonne éducation. Cent ans et quelques années plus tard, ce « modèle » a fait l’objet de nombreuses commissions d’enquête, de recherches et d’études, toutes vouées à l’échec parce que leur point de départ reste fixé : la non-remise en cause de la domination de l’État dans le processus.

Partout des pédagogues sont nommés pour découvrir les raisons de l’échec. Quel pédagogue sensé admettrait que la solution à l’échec de l’éducation est de libérer les jeunes esprits captifs pour qu’ils choisissent pour eux-mêmes, avec les conseils de leurs parents, quoi, quand et comment apprendre, et choisir leurs propres enseignants ?

D’un autre côté, les enseignants des écoles publiques sont devenus aussi captifs. Ils ont oublié leur droit de refuser l’admission dans leurs salles de classe aux jeunes perturbateurs qui n’ont aucune intention d’apprendre.

Aucune alternative au système scolaire actuel

Les alternatives au système scolaire actuel n’existent pas, parce qu’elles n’ont pas été autorisées à émerger. Les jeunes ne peuvent sortir d’une école demain et trouver immédiatement une solution de rechange d’apprentissage mise en place pour les accueillir. Une fois qu’une demande est identifiée, les établissements d’enseignement s’occupant de jeunes souhaitant se spécialiser dans les mathématiques, le football, la science, le golf, la musique, le cricket, la technologie informatique, la cuisine, l’investissement, le théâtre, l’ingénierie, la médecine, le design, le massage et une myriade d’autres compétences émergeraient pour fournir toute la formation nécessaire.

Qu’en est-il du programme? Un programme obligatoire est un mécanisme qui empêche les jeunes d’apprendre volontairement ce qui les intéresse le plus, et ce pourquoi ils sont individuellement les plus aptes à apprendre. Les enfants consacrent volontairement des heures de leur temps à l’acquisition intensive de connaissances et de compétences quand ils ne sont pas obligés de le faire. L’idée selon laquelle les jeunes préfèrent ne rien faire de constructif, s’ils ne sont pas dirigés, est fausse. Ce qui est vrai c’est qu’ils se rebellent quand ils sont poussés à faire ce qu’ils ne considèrent pas être dans leur propre intérêt.

En mettant en phase des élèves qui acquièrent connaissances et compétences qui les intéressent, avec des enseignants ou des formateurs qui sont en concurrence avec d’autres dans le domaine de la jeunesse, vous avez une recette pour le succès. D’un autre côté, en contraignant des jeunes gens à étudier des matières auxquelles ils ne portent aucun intérêt, encadrés par des enseignants qui agissent en tant que geôliers, vous avez une recette pour un désastre éducatif.

L’éducation orientée par la demande peut être facilement instituée. Que les contribuables paient pour la scolarisation des enfants dont les parents sont incapables de payer les frais de scolarité ne signifie pas pour autant que le gouvernement doive gérer les écoles. Les contribuables peuvent tout aussi facilement payer pour les frais de scolarité offerte par les établissements d’enseignement privés qui sont en concurrence.

La tâche première et la plus difficile qui nous attend est de persuader les politiciens et les éducateurs de libérer tous les enfants captifs de sorte qu’ils puissent acquérir, avec l’aide des contribuables, si nécessaire, et les conseils de leurs parents, les compétences et les connaissances qui conviennent le mieux à leurs talents individuels et à leurs capacités. La seconde, est de supprimer la législation qui empêche les entrepreneurs concurrents de créer l’environnement d’apprentissage et les installations qui satisfont la demande des jeunes clients assoiffés de savoir.

Le besoin de changement est pressant. Les environnements d’apprentissage inappropriés anéantissent les vies de millions de jeunes du monde entier. La scolarité obligatoire, et tous les droits acquis qu’elle a engendrée, doit apprendre à faire de la place pour l’apprentissage volontaire.

Eustace Davie est directeur de la Free Market Foundation en Afrique du Sud. Cet article a été publié originellement en anglais par AfricanExecutive.com.

Publié en collaboration avec Un Monde Libre

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