Le décès de Rachid Mekhloufi unit les Verts de France et d’Algérie


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Rachid Mekhloufi
Rachid Mekhloufi à Saint-Étienne

Figure légendaire de l’AS Saint-Étienne et héros de l’indépendance algérienne, Rachid Mekhloufi s’est éteint à l’âge de 87 ans. Son parcours exceptionnel entre les Verts du football français et l’équipe du FLN en fait un symbole unique de l’histoire sportive et politique franco-algérienne.

La France et l’Algérie pleurent ensemble Rachid Mekhloufi, figure emblématique du football et héros deS deux nations. Attaquant prodige de l’AS Saint-Étienne et symbole du combat pour l’indépendance de l’Algérie, Mekhloufi laisse une empreinte indélébile dans l’histoire du football. Son héritage transcende les stades, incarnant des valeurs de courage et de fraternité partagées des deux côtés de la mer Méditerranée.

Les débuts prometteurs

L’histoire de Rachid Mekhloufi débute sa carrière en 1954, à Sétif, sa ville natale en Algérie, où il est repéré à 18 ans. Frêle mais doté d’un talent exceptionnel, il quitte sa terre d’origine pour rejoindre la France. Avec l’AS Saint-Étienne, il découvre pour la première fois le Chaudron, mythique terrain du stade Geoffroy-Guichard. Dès son premier match, il inscrit trois buts, se forgeant instantanément une place qu’il ne quittera dans le cœur des Stéphanois. Son talent et sa fougue lui permettent de former un duo redoutable avec Eugène N’Jo Léa. Ensemble, ils offrent à l’ASSE son premier titre de champion de France en 1957.

Doté d’une technique exceptionnelle et d’une vision du jeu remarquable, Mekhloufi s’impose rapidement comme l’un des joueurs les plus talentueux de sa génération. Sa carrière avec l’AS Saint-Étienne est jalonnée de succès : quatre titres de champion de France (1957, 1964, 1967, 1968), une Coupe de France (1968), un Challenge des champions (1967) et une Coupe Charles Drago (1955). Avec 151 buts toutes compétitions confondues, il reste à ce jour le deuxième meilleur buteur de l’histoire du club, derrière Hervé Revelli.

C’est également lui qui marque le tout premier but européen de Saint-Étienne en coupe d’Europe, lors d’un match historique contre les Glasgow Rangers. Les Stéphanois en font leur Capitaine et le jeune prodige devient l’une des grandes légendes de l’ASSE, dont il porte fièrement le maillot vert, couleur qui le liera plus tard à une autre équipe et un autre combat.

Une carrière auréolée de succès

En 1957, alors que sa carrière est en pleine ascension, il remporte avec la France le championnat du monde militaire à Buenos Aires, préfigurant ce qui aurait pu être une participation historique à la Coupe du monde 1958. Sa décision de rejoindre l’équipe du FLN le prive de cette opportunité unique de participer au Mondial aux côtés des légendaires Raymond Kopa et Just Fontaine, une équipe de France qui atteindra les demi-finales et remportera la 3è place.

Le choix de l’Algérie : le football au service de l’indépendance

En 1958, alors que la Guerre d’Algérie bat son plein, Mekhloufi fait un choix décisif pour son pays d’origine. Aux côtés d’autres joueurs algériens, il quitte la France pour rejoindre l’équipe du FLN, établie en Tunisie, incarnant ainsi la lutte pour l’indépendance algérienne. Durant quatre ans, ces matchs amicaux et tournées internationales font de l’équipe du FLN un symbole de la résistance algérienne.

Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, Mekhloufi revient à Saint-Étienne, le club de son cœur, bien que son retour se fasse dans un climat tendu entre la France et l’Algérie. Son premier match, sous une ovation, marque le retour triomphal de l’idole stéphanoise.

S’ensuivent d’autres succès avec l’ASSE : nouveau titre de champion de France, puis une victoire en Coupe de France en 1968 où Mekhloufi inscrit les deux buts décisifs pour son dernier match, assurant à Saint-Étienne son premier doublé Coupe-Championnat. En 1968, il accueille celui qui deviendra la nouvelle légende stéphanoise, la panthère Salif Keita. Ces victoires en vert scellent sa place de légende dans le club et auprès des supporters. Entre ses périodes stéphanoises, il connaît également un passage remarqué en Suisse, remportant le championnat avec le Servette FC en 1962.

Son talent individuel est régulièrement récompensé, notamment par trois Étoiles d’Or France Football (1964, 1966, 1967), qui le consacrent comme le meilleur joueur du championnat de France. Ces distinctions témoignent de son influence majeure sur le jeu de son époque.

L’héritage d’un ambassadeur du football

La fin de sa carrière le mène à Bastia, où il devient entraîneur-joueur, avant de prendre les rênes de l’équipe nationale d’Algérie, qu’il conduit à des succès marquants. En 1982, il mène l’Algérie à une victoire historique contre l’Allemagne en Coupe du Monde, bien que l’équipe soit injustement éliminée par la suite.

Ambassadeur de l’ASSE à partir de 2013, Rachid Mekhloufi incarne des valeurs d’humanité et de développement, militant pour un football porteur de solidarité et de paix. Portant fièrement deux maillots verts, celui de l’ASSE et celui de l’Algérie, Rachid Mekhloufi a incarné une double fierté, réunissant deux nations dans la mémoire et le respect. Aujourd’hui, ses compatriotes, ses coéquipiers et les amoureux du football pleurent sa disparition.

Dans un communiqué, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune déclare avoir « appris avec une profonde affliction, le décès de la légende du football algérien, le moudjahid, Rachid Mekhloufi, joueur de l’équipe du Front de libération nationale, ancien entraineur de l’équipe nationale et ancien président de la Fédération algérienne de football« . Il serait de bon ton que le gouvernement d’Emmanuel Macron se souvienne aussi de ce joueur qui fut Champion du Monde militaire avec l’équipe de France.

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