Ce rythme traditionnel des populations méridionales du Tchad trouve un souffle inédit loin de ses bases. Quand message citoyen, musique connue et nouveaux instruments se combinent pour renouveler un genre.
Kops and Co Music. Ce nom empreint de fantaisie ne vous dit peut-être rien à priori. Pourtant, ce studio d’enregistrement, souterrain et insonorisé, situé rue de Charonne dans le 11 ème arrondissement de Paris est le repaire d’artistes en quête d’un » produit » susceptible de figurer au top du hit parade de la musique africaine des musiciens africains.
Koffi Olomidé, Papa Wemba, Awilo Longomba, Yondo Sister etc, sont déjà passés par là. C’est aussi là que Ingamadji Mujos s’est enfermé depuis plus de trois semaines pour la réalisation de son disque. Artiste tchadien installé à Péronne, à quelques encâblures d’Amiens (au nord de Paris), Mujos envisage la sortie de son album au mois d’octobre. « Il me reste quelques reprises des choeurs et le mixage pour boucler le travail en studio. L’autre étape non moins importante est de trouver un producteur qui accepte d’injecter de l’argent dans le disque. A défaut, je ferai une autoproduction en assumant toutes les charges, ce qui serait très difficile » explique l’artiste, à sa sortie du studio. Résolu à exploiter le fond culturel de l’ethnie ngambaye , le musicien reste toujours, comme c’est le cas dans son premier disque, dans l’optique de l’offensive Dalla, la danse traditionnelle de son terroir à Moundou (Sud du Tchad).
Le guitariste n’entend pas le ngambaye
Un rythme loin d’être étranger pour Caïen Madoka, le soliste congolais. Calme et par moment taquin ce virtuose de la guitare ne manque pas d’égayer le studio en entonnant des refrains en ngambaye. Une langue pourtant étrangère au guitariste : « Cela ne m’empêche pas d’y jouer les instruments, le langage de la musique est universel » lâche, d’un air pressé, Caïen Madoka. Ancien soliste d’Afrisa international de Rochereau, l’homme devenu guitariste indépendant, s’apprête à prendre son vol pour un concert en Ouganda.
« Intar Africa » – Lève toi Afrique – c’est le titre éponyme de son deuxième album. Mujos y exhorte les travailleurs immigrés et les détenteurs du savoir à travailler pour sortir le continent du sous-développement. » Forçat « , » j’arrive « , » retour aux sources « , » orphelin » sont quelques-uns des morceaux de ce disque composé de huit titres.
Pour cet album, l’esprit a changé, souligne Mujos. « Il y a plus de percussions; moins de rythme soukous. Cet album est en fait une mise en garde contre la politique coloniale, un appel à un prise de conscience des enfants déshérités… En fait, j’ai utilisé ce rythme pour véhiculer des messages et je crois que notre dalla traditionnel mérite sa place sur l’échiquier musical international « , explique l’artiste.
Rythme traditionnel propre aux populations méridionales du Tchad, » le dalla est une danse spécifique, elle n’est ni le soukous (congolais) ni le bikutsi (camerounais) » précise le musicien. A ses côtés, l’ingénieur du studio Vincent Lepoivre et le manager Sec Bidens, visiblement satisfaits du produit.
Par ailleurs, on note une innovation de taille dans le Cd. Avec un titre de rap » Diiwaa » – que se passe t-il de Christian Djasangar alias MC Boss, un musicien tchadien vivant à Bruxelles. De même, pour la première fois, transperce dans certaines chansons, une voix féminine. Patricia Ingamandji, fille aînée du musicien âgée de 16 ans, commence à tenir le micro auprès de son papa. Mujos a t-il transmis le virus de la chanson à sa fille ? Difficile de l’affirmer. En revanche, Patricia, encore timorée et peu loquace, consent à dire : « je pense franchement faire une carrière musicale… mais papa ne m’a pas encore appris la guitare « . La sortie de l’album est prévue en octobre prochain.