Le Conseil représentatif des associations noires organisait vendredi soir et samedi, à Paris, ses deuxièmes états généraux. Décevant de nombreuses attentes, il n’a prononcé aucune consigne de vote et a encouragé chacun à choisir le candidat qui « servira la cause des noirs en France ». Il a cependant présenté un Plan pour la diversité : une série de 60 mesures pour améliorer la situation des minorités en France.
L’après-midi du 7 avril, alors qu’allaient s’achever les deuxièmes états généraux du CRAN, à Paris, une question courrait sur toutes les lèvres, une interrogation imprégnait, tenace, les chuchotis des quelque trois-cents personnes qui avaient fait le déplacement jusqu’au Palais de la Mutualité : pour quel candidat l’organisation allait-elle appeler à voter ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Patrick Lozès, le président du CRAN, a su faire durer le suspense. Car ce n’est qu’à la toute fin de son discours de clôture que, plongeant la main dans sa poche pour en sortir un flyer estampillé au nom de son association, il s’est écrié : « Nous n’avons pas de consigne de vote à donner ! Quel que soit le candidat pour lequel vous votez, demandez-vous d’abord s’il servira la cause des Noirs de France ! Le vote noir n’appartient à personne ! »
Nulle consigne de vote, donc. Voilà, après une si longue attente et un si bel effet d’annonce, une réponse qui en a déçu plus d’un. Cependant, il y avait dans les débats et les déclarations tenus durant la journée tous les signes avant-coureurs de cette non prise de position. En effet, aucun des candidats majeurs à l’élection présidentielle française, dont la présence avait été annoncée, ne s’était présenté au Palais de la Mutualité. Seule Dominique Voynet, candidate des Verts, créditée de moins de 2% des intentions de vote, était venue. Marie-George Buffet avait envoyé le porte-parole du Parti communiste, le Guadeloupéen Stéphane Coloneaux, la représenter. Et pour le Parti socialiste, seule la Guyanaise Christiane Taubira, ralliée à la dernière minute à la candidature de Ségolène Royal, faisait acte de présence.
Autre signe laissant pressentir que nulle consigne de vote ne serait délivrée : les réactions suivant la prise de parole d’un jeune homme, dans le public, qui avait critiqué les appartenances politique des responsables du CRAN. Le porte-parole de l’organisation, Louis-Georges Tin, avait alors répondu que, pour cette dernière, une inscription trop claire dans les luttes partisanes était difficile. Et se prenant lui-même en exemple, il avait déclaré être un fidèle supporter de Dominique Voynet, tandis que d’autres membres soutenaient des candidats différents.
Le souhait d’une mise en place d’un « Plan pour la diversité »
De fait, le point fort des seconds états généraux du CRAN résidait dans la présentation par le porte-parole et le président de l’organisation d’un Plan pour la diversité, constitué de 60 mesures, dont ils ont réclamé l’adoption par le futur président de la République. Parmi elles : la mise en place de statistiques de la diversité, la création d’un corps d’inspecteurs des discriminations, l’attribution préférentielle des marchés publics aux entreprises dirigées par des minorités, la création d’écoles de la deuxième chance pour les élèves sortis du système scolaire sans qualification, le versement d’une prime d’éloignement aux ressortissants des DOM travaillant en métropole, ou encore l’instauration d’une Commission vérité réconciliation sur les crimes de la françafrique, de la décolonisation et de l’esclavage. Patrick Lozès a également appelé de ses voeux la construction d’une Maison des Noirs de France, « un lieu de travail et de rencontres, un lieu d’échanges, culturels, économiques et sociaux, qui abritera aussi le siège du CRAN. »
Présents à la manifestation, des dirigeants de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), spécialement venus des Etats-Unis, ont insisté sur la nécessité de faire adopter en France l’idée d’utiliser officiellement des statistiques ethniques. Pour Myrlie Evers Williams, présidente émérite de l’organisation, seule cette technique permettra de « mesurer les progrès de la lutte contre la discrimination ». Pour l’heure, Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Marie-George Buffet et Dominique Voynet s’y sont déclarés favorables, tandis que Ségolène Royal, qui ne s’est pas exprimée clairement sur le sujet, serait plutôt contre.
Observant la faible affluence à ces états généraux et les comparant aux débuts difficiles de la lutte pour l’égalité et les droits civiques dans son pays, Myrlie Evers Williams s’est dite optimiste quant à l’évolution du CRAN, à condition que les dirigeants de l’organisation y mettent la volonté et l’énergie nécessaire et que la population noire se reconnaisse dans leurs mots d’ordre.
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