Depuis un an, le continent africain vibre au rythme de la pandémie de Covid-19 comme, d’ailleurs le reste du monde. Après l’Égypte, premier pays touché sur le continent, le 14 février 2020, tous les autres États ont, à tour de rôle, été atteints par la maladie. Si au départ, l’Afrique a fait meilleure figure que les autres régions du monde où les morts se comptent par milliers, la deuxième vague, qui a commencé depuis décembre, frappe un peu plus durement le continent. Certes, l’Afrique reste globalement moins atteinte que les autres continents, mais la courbe des contaminations et des décès a accusé une tendance haussière au cours de la deuxième vague de la pandémie. Retour sur un an de Covid-19 en Afrique.
La résilience africaine face à la maladie : un sujet de préoccupation internationale
Au tout début de la pandémie, l’OMS, se fondant sur la faiblesse des systèmes de santé des États africains, prévoyait l’hécatombe sur le continent. Mais à l’arrivée, rien n’y fit. Plus de peur que de mal. L’Afrique est finalement le continent le moins touché par le Covid-19. Cette résistance des Africains à cette maladie a fait l’objet de préoccupation internationale. La question s’est longtemps posée de savoir pourquoi les Africains ne meurent pas autant que les autres de la maladie. Plusieurs explications sont avancées pour justifier le constat. Certains mettent en doute les chiffres avancés en Afrique. Dans tous les cas, les données disponibles prouvent que le Covid-19 a beaucoup moins tué en Afrique que dans les autres régions du monde. Jusqu’en septembre 2020, l’Afrique n’a compté que 35 000 morts, à peu près le nombre de décès déplorés dans la seule Italie.
A l’occasion d’une conférence de presse qu’elle a tenue le 24 septembre 2020, la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, a soulevé quelques éléments qui auraient pu, selon l’organisation, être à la base de la courbe d’évolution de la maladie sur le continent. Le premier élément concerne les mesures « drastiques » prises dès le mois de mars dans les différents pays pour restreindre les déplacements des populations ainsi que les rassemblements. Ensuite, la responsable régionale de l’OMS a mis l’accent sur l’“isolement relatif” du continent africain qui a également contribué à réduire les cas de contamination.
En effet, puisque « l’Afrique est moins connectée au niveau international », elle s’est, du coup, trouvée moins exposée au risque. Le troisième facteur mis en relief par l’OMS pour expliquer l’évolution de la maladie en Afrique est la jeunesse de la population du continent, puisque la maladie s’est montrée plus dangereuse pour les personnes du troisième âge qui sont minoritaires dans la plupart des pays africains – environ 3% de la population est âgée de plus de 65 ans -. Enfin, le mode de vie des Africains serait également un des éléments de protection contre la maladie. Le Dr Moeti souligne par exemple qu’en Afrique, les personnes âgées vivent généralement avec leurs proches, contrairement en Occident où elles sont accueillies dans des maisons de retraite devenues de véritables foyers de propagation de l’épidémie.
En somme, le constat reste que l’Afrique est moins touchée que les autres parties du monde. Même un an après le début de la pandémie, avec une deuxième vague plus contagieuse.
L’état des lieux, un an après
Un an après le début de la pandémie, la deuxième vague, marquée par l’apparition de nouveaux variants du virus, sévit dans le monde et en Afrique, depuis décembre 2020. Cette deuxième vague, plus sévère que la première, se caractérise par un taux de mortalité plus élevée (2,5 %) sur le continent africain que la moyenne mondiale (2,2%) selon les données du centre de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), et une saturation des structures de santé dans au moins une dizaine de pays dont l’Afrique du Sud. Au cours du seul mois de janvier, le nombre de décès dus au Coronavirus a augmenté de 40% sur le continent. De quoi susciter des inquiétudes.
« Nous sommes en train d’assister à un retournement », laisse entendre John Nkengasong, le directeur d’Africa CDC, à l’occasion d’une conférence de presse, le 21 janvier 2021. Puis il ajoute : « L’augmentation du taux de mortalité marque une rupture avec la première vague, lors de laquelle l’Afrique était restée en dessous de la moyenne mondiale ».
Venant en renfort quelques jours plus tard, le bureau Afrique de l’OMS faisait observer, le 11 février 2021, que « plus de 22 300 décès ont été signalés en Afrique, au cours des 28 derniers jours, contre près de 16 000 décès au cours des 28 jours précédents ».
En termes de taux de létalité du Covid-19 en Afrique, 21 pays battent le record mondial de 2,2%. Il s’agit de la République arabe sahraouie démocratique (15,4%), Soudan (6,2%), Égypte (5,5%), Liberia (4,4%), Mali (4,1%), Tchad (3,6%), Niger (3,5%), d’Eswatini (3,4%), Zimbabwe (3,4%), Gambie (3,2%), Tunisie (3,2%), Comores (3,2%), République démocratique du Congo (3%), Afrique du Sud (2,9%), Somalie (2,7%), Algérie (2,7%), Malawi (2,6%), Mauritanie (2,5%), Angola (2,4%), Sierra Leone (2,4%) et Sénégal (2,3%).
Au total, à la date du 3 mars 2021, l’Afrique compte 3 913 659 cas de contamination dont 3 489 508 guéris, 319 767 encore sous traitement, et 104 384 décès. L’Afrique du Sud, avec 1 514 815 personnes atteintes et 50 271 décès, est de loin le pays le plus touché sur le continent.
Une kyrielle de “remèdes” africains agités sans suite
Peu de temps après l’entrée de la maladie sur le continent, on a assisté à une forte médiatisation de “remèdes” africains présentés comme étant très efficaces contre le Coronavirus. Au nombre de ceux-ci, il y a Apivirine du Béninois Valentin Agon, qui a défrayé la chronique, entre mars et avril 2020. L’antirétroviral breveté dans des pays africains et même en Europe, et qui aurait guéri une vingtaine de patients du Covid-19 au Burkina Faso, est subitement combattu dans ce pays, sans que les essais cliniques promis ne soient conduits à terme.
Malgré la fermeté de la position de l’inventeur de Apivirine, qui a même lancé un défi public à tous les Présidents africains depuis le plateau de l’émission « Le débat africain » d’Alain Foka sur RFI, le dimanche 19 avril 2020, en ces termes : « Je voudrais lancer un défi à tous les Présidents africains. Je suis disponible à envoyer à partir de demain (lundi 20 avril 2020, ndlr) dix boîtes d’Apivirine à tous les 54 Etats juste pour observer pendant une semaine l’effet d’Apivirine sur dix malades dans chacun de ces pays (…) Quand les preuves scientifiques parlent, la bouche se tait », aucune suite favorable n’a été obtenue.
Du côté du Cameroun, il a été question d’un remède à base de plantes appliqué par l’archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda, un homme versé dans la pharmacopée et qui peut se targuer d’une trentaine d’années d’expérience et de recherche dans le domaine. Au sujet de ce remède, le prélat avait fait quelques mises au point, en avril 2020. « J’étudie les plantes depuis bien longtemps. Ce sont des recettes que j’utilise dans d’autres maladies », a-t-il expliqué, avant de poursuivre : « Tenant compte des symptômes des gens qu’on présente comme des personnes infectées du Coronavirus, j’applique des recettes composées de plantes. Je leur applique ce traitement. Ils réagissent favorablement, c’est-à-dire qu’ils se trouvent mieux. Ils retrouvent la santé. Voilà ce qu’on fait ».
Et puis il tranche : « Je ne dis pas que j’ai trouvé un remède contre le Coronavirus (…) Parce que pour arriver à l’affirmer, il faut faire une étude sérieuse ». Et puis, plus rien.
De tous les remèdes présentés comme efficaces contre le Covid-19, le Covid-Organics malgache a été le plus médiatisé, parce que porté par le Président malagasy, Andry Rajoelina, en personne. Le 19 avril 2020, ce dernier a présenté, devant les médias, le Covid-Organics, remède conçu à base d’Artémisia et d’autres plantes de Madagascar, comme la potion magique contre la maladie à Coronavirus, à titre aussi bien préventif que curatif. Le dirigeant malagasy s’est montré disposé à mettre le médicament à la disposition de ses pairs africains pour freiner la propagation du Covid-19 sur le continent. Dans ce sens, la Guinée-Bissau de Umaro Sissoco Embaló a été le premier pays à recevoir des doses du Covid-Organics. A sa suite, le Congo Brazzaville, avait à son tour, lancé une commande de la précieuse potion. Et puis, silence radio.
Si les “remèdes” africains n’ont pas eu le vent en poupe sur le continent, beaucoup de pays ont adopté, en dépit des mises en gardes de l’OMS, le controversé « protocole Raoult » à base de chloroquine – dont l’efficacité n’est pas prouvée dans ce cadre – et d’azithromycine, en attendant la mise au point de vaccins.
La vaccination : l’Afrique, éternel consommateur
Alors que l’Afrique, moins touchée que les autres continents, avait une longueur d’avance qui aurait pu être mise à profit pour réfléchir sur des remèdes efficaces contre le Covid-19, les « chercheurs » africains sont, comme d’habitude, demeurés dans une position attentiste. Les différents “remèdes” proposés et dont quelques-uns ont été cités ici auraient pu être soumis à de véritables essais cliniques pour aboutir à des conclusions scientifiquement inattaquables. Mais rien n’y fit. Comme toujours, les “chercheurs” africains ont tout simplement croisé les bras devant les propositions de leurs pairs, s’ils ne les ont pas combattus farouchement. Tant et si bien qu’une fois de plus, dans la course au vaccin ant-Covid, l’Afrique est la grande absente. Conséquence : les premiers pays africains à lancer la campagne de vaccination – les Seychelles, l’Égypte, le Maroc, l’Afrique du Sud – se sont approvisionnés chez les Britanniques (AstraZeneca/Oxford), les Chinois (SinoPharm) ou les Russes (Spoutnik V). La plupart des autres pays du continent attendent le dispositif Covax pour recevoir gratuitement des doses. Dans ce sens, le Ghana et la Côte d’Ivoire, les deux premiers pays à bénéficier de ce dispositif en Afrique, ont commencé à vacciner leurs population, ce lundi.
En étant absente sur le terrain de la proposition de remède efficace contre le Covid-19, l’Afrique a sans doute manqué une occasion de s’imposer dans un domaine où elle ne manquait pourtant pas de d’éléments à faire valoir. Mais comme le dit si bien Francine Ntoumi, maître de conférences en immunologie à l’Université Marien Ngouabi au Congo, cette absence « n’est que le reflet de l’absence de politique de recherche adaptée sur le continent et en particulier dans la recherche de solutions ».