Le passage au passeport biométrique, en Afrique, peut être douloureux. Muni d’un passeport congolais (RDC) pourtant valide jusqu’en 2011, Braly Nsingi, 20 ans, s’est vu refuser par la douane ivoirienne le retour en France parce qu’il n’était pas titulaire d’un passeport biométrique. Il meurt le 28 janvier d’une crise cardiaque. Sa famille réclame justice.
Le passeport biométrique est censé faciliter la circulation des personnes en apportant des informations plus fiables sur l’identité de leurs titulaires. Mais dans de nombreux pays d’Afrique, le passage à ce nouveau passeport ne se fait pas sans heurts. Le cas de Braly Nsingi en est une illustration dramatique. Après des vacances d’un mois en Côte d’Ivoire, ce dernier n’a pu rejoindre sa famille à Paris. Titulaire d’un passeport « ordinaire » pourtant valide jusqu’en 2011, il a été retenu à l’aéroport de Côte d’Ivoire alors qu’il s’apprêtait à rentrer en France, son pays de résidence, parce qu’il n’avait pas en sa possession un passeport biométrique. Atteint d’une douleur aux poumons, il est mort cinq jours après d’une crise cardiaque. La famille souhaite porter plainte contre le République Démocratique du COngo (RDC).
Depuis le 1er janvier, une circulaire interdit formellement aux citoyens congolais de voyager sans passeport biométrique. « On est allé en Côte d’Ivoire le 23 décembre. Or le passeport de la République Démocratique du Congo a changé le 1er janvier », explique Pacôme Audigier, ami proche de Braly. Après avoir passé de « superbes vacances », les deux jeunes hommes sont allés à l’aéroport d’Abidjan le 23 janvier pour amorcer ensemble le chemin du retour vers Paris. Mais Pacôme terminera seul ce voyage, à cause de la circulaire congolaise stipulant que les anciens passeports ne sont désormais plus valables.
Lenteur administrative et crise cardiaque
« C’était son premier voyage en Afrique depuis qu’il est arrivé en France», confie tristement Landy, la sœur du défunt. Pris dans la torpeur de l’administration congolaise et saisi de complications pulmonaires, Braly ne reviendra pas en France. Le jeudi 28 janvier, il meurt d’une crise cardiaque dans un hôpital ivoirien. Il aurait eu 21 ans le 28 mars.
Braly avait pourtant protesté et montré sa carte d’identité française. Mais c’est grâce à son passeport congolais qu’il était entré en Côte d’Ivoire, et il ne pouvait en repartir que comme citoyen congolais… Renvoyé vers l’ambassade congolaise de Côte d’Ivoire, il a été empêtré les jours suivants dans un imbroglio administratif entre Abidjan et Kinshasa pour obtenir son passeport biométrique.
Durant cette période, son médecin en France prit contact avec un médecin en Côte d’Ivoire pour invoquer la nécessité du rapatriement de Braly en raison de ses problèmes de santé. « Il est certainement mort d’une infection pulmonaire, explique sa sœur Landy Nsingi, il toussait beaucoup mercredi soir, il paraît qu’il a même toussé jusqu’au sang ». Il avait rendez-vous pour se faire soigner le lendemain à 9 heures. Elle termine en réprimant un sanglot, « Une fois entré dans le bureau du médecin, il a touché son cœur, il a crié, puis il est tombé ».
« Je suis en colère », a déclaré Landy, « Sur son site, l’ambassade de la République Démocratique du Congo ne donne pas assez d’informations. Elle évoque le passage au passeport biométrique à compter du 1er janvier 2010 mais ne signale pas que si vous êtes congolais en France, vous ne pouvez revenir sans passeport biométrique ». Elle n’est pas la seule à s’en prendre à l’administration congolaise. « S’il y avait une notification à faire (quant à la nécessaire obtention du passeport biométrique, ndlr) et bien ils n’avaient qu’à le faire à l’aller!», s’indigne Pacôme Audigier, le compagnon de voyage de Braly.
Le passeport biométrique, une mise en vigueur précipitée
« Le passeport biométrique fait des victimes », prévient une vidéo diffusé par Yves Kampala, journaliste congolais, sur Youtube. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une transition plus progressive vers ce passe-frontière numerisé aurait été plus judicieuse. « Ils n’ont pas les moyens de distribuer ces nouveaux passeports à tout le monde », s’est insurgé M. Kampala, « Le Congo, c’est tout un continent! La diaspora congolaise est implantée dans le monde entier. Les pays développés ont engagé un long processus pour imposer graduellement le passeport biométrique dans leurs frontières ». Or, la RDC essaye de le faire subitement, alors qu’elle n’a ni les infrastructures ni les moyens informatiques adaptés.
Ce n’est pas tant le passeport biométrique qui est en faute que le manque patent de communication autour de celui-ci. La mise en vigueur du passeport biométrique -qui contient une photo numérisée et les empreintes digitales de huit doigts de la main- a été officialisée le 1er Janvier 2010. Les autorités congolaises ont manqué à leur devoir de prévenir les ressortissants de leurs pays. Depuis, les Congolais, qui ne sont pas munis dudit passeport, sont interdits de voyage. Les conséquences sont désastreuses pour ceux qui ont des urgences personnelles liées au travail ou à la santé.
« Je vais porter plainte contre la République Démocratique du Congo », affirme Landy. « Ce qui est arrivé à Braly, ça peut arriver à vous ou à l’un de vos proches », insiste-t-elle. Le Congo n’est d’ailleurs pas seul concerné par les couacs du passeport numérique. Les ressortissants du Gabon ou encore de Côte d’Ivoire connaissent des problèmes similaires.
Un concert en l’hommage de Braly Nsingi aura lieu ce samedi à Paris, au 2/3 rue des Lilas, dans le 19ème arrondissement, entre 18 heures et minuit. LDR, RDG, E.F.T, Despo Rutti, Poison, Ange d’Afrik, Ange d’or et d’autres artistes seront présents. Tous les bénéfices seront reversés à la famille de Braly pour aider à financer les obsèques et les frais de rapatriement du corps.