De passage à Paris, le ministre de la Communication et porte parole du gouvernement congolais, François Ibovi, fait le point, ce samedi, sur les affrontements entre les forces gouvernementales et les ex-miliciens ninjas. L’Etat soupçonne leur chef, le pasteur Ntoumi, d’être manipulé et assure que le processus électoral se poursuit normalement. Interview.
Afrik : Confirmez-vous que les affrontements entre les forces de l’ordre et les ex-miliciens ninjas ont déjà fait 6 morts dans les rangs de l’armée et 38 dans ceux des rebelles ?
François Ibovi : C’est exact. Suite à l’attaque d’un train civil début avril par les ex-miliciens ninjas dans la région du Pool (deux morts et douze blessés, ndlr), que vouliez-vous que l’Etat fasse ? Il est responsable de la sécurité de tous. Il s’agit de la vie des gens. Face à ces actes terroristes, l’intervention de la force publique répond à son devoir de mettre leurs auteurs hors d’état de nuire.
Afrik : Il y a eu un large mouvement de panique, mercredi, dans les quartiers sud de Brazzaville après que des coups de feu eussent été entendus. Que s’est-il passé exactement?
François Ibovi : Quand nous étions en opération dans les quartiers sud de Brazzaville, quelques éléments incontrôlables en ont profité pour tenter de commettre des vols et des pillages. Les forces de l’ordre ont procédé à quelques tirs de semonce. La rumeur a fait le reste. Les gens ont pris peur, ils ont paniqué et ont commencé à fuir. Personne n’aime la guerre. Mais il n’y a eu aucun mort dans les quartiers de Bacongo et de Makélékélé. Le maire a même tenu un meeting au centre sportif de Makélékélé pour rassurer la population.
Afrik : En parlant des exactions des ninjas, vous parliez tout à l’heure d’actes terroristes. Pensez-vous que ces actes sont isolés ou réfléchis ?
François Ibovi : Au départ, tout peut partir d’un rien, pour créer ensuite une situation qui entraîne tout le monde. Soit Ntoumi ne parvient pas à maîtriser la situation, soit tout se fait avec son accord.
Afrik : Que cherche au juste Monsieur Ntoumi ?
François Ibovi : Après la signature des accords de cessez-le-feu en 1999, plus d’une vingtaine de missions sont allées le voir pour faire avancer le processus de réconciliation nationale. A l’issue de chaque discussion il était d’accord pour rentrer à Brazzaville, mais dès qu’il se retrouvait seul il changeait d’avis. Soit il faut se poser des questions sur son équilibre mental, soit il faut en conclure qu’il est manipulé, qu’il reçoit des ordres contraires de l’extérieur.
Afrik : Vous voulez parler de Monsieur Kolélas ?
François Ibovi : Je ne parle de personne en particulier. Mais sur quoi Ntoumi compte-t-il pour rester sur ses positions ? On peut raisonnablement penser qu’il n’agit pas seul et qu’il existe une complicité avec des éléments extérieurs, opposés au processus de paix. Personne ne veut de Ntoumi dans le pays. C’est un homme isolé, à la tête d’une secte armée adepte de la violence et de la pensée unique. Des délégations de population de sa région sont même venues demander une intervention musclée du gouvernement pour mettre fin à la terreur.
Afrik : Monsieur Ntoumi souhaite rentrer à Brazzaville mais a émis quelques conditions, quelles sont-elles ?
François Ibovi : Ses dernières conditions sont d’être nommé général d’armée et instructeur spirituel de l’armée congolaise. Ce qui est impensable. Cela ferait de nos militaires des » fous de Dieu « . Il est d’accord pour rentrer à Brazzaville, à condition qu’il puisse en plus le faire avec une escorte de 400 ninjas.
Afrik : Quelles sont les solutions pour régler la situation ?
François Ibovi : S’il continue dans la voie des armes, il rencontrera invariablement sur son chemin la force publique. Mais en aucun cas il n’y aura d’exécution sommaire. S’il meurt, c’est qu’il sera mort les armes à la main. Si nous l’arrêtons, il sera traduit en justice. S’il se présente de lui même aux autorités en acceptant le processus de paix, soit nous appliquerons rigoureusement la loi devant les tribunaux, soit le gouvernement étudiera une solution politique conduisant à la pacification.
Afrik : Est ce que toute cette affaire va affecter le calendrier électoral congolais ?
François Ibovi :Le processus électoral va se poursuivre normalement. Le calendrier a été modifié mais uniquement pour des raisons techniques. A savoir les difficultés administratives des candidats du centre pour réunir certaines pièces exigées par la loi, comme le certificat de moralité fiscale. Le dépôt des candidatures est repoussé au 26 avril. Le premier tour des législatives est repoussé du 12 au 26 mai. Le deuxième tour au 23 juin. Date également des élections locales. La session inaugurale du parlement aura lieu le 20 juillet. La fin de la transition se fera comme prévu au plus tard le 15 août 2002.