La gestion de l’après-guerre s’avère très délicate pour les Congolais (RDC). La profondeur du traumatisme a fini par créer la méfiance entre enfants d’un même pays. Des artistes essaient de réussir là où les politiques ont tout l’air d’avoir échoué : la réunification des corps et des esprits. C’est le pari du MICA 2003.
Les artistes congolais ne manquent pas d’imagination. A l’heure où se taisent les armes automatiques sur le front de la guerre, ils pensent remplacer les percussions des armes automatiques par les tam-tams. Tel est le sens de MICA 2003, le Marché International de la Culture et des Arts, qui s’est ouvert dimanche 25 mai au jardin botanique de Kinshasa, à l’initiative de Moïse André Bopili Lewanga (directeur général du Mica). » Les guerres successives, en 1996 et 1998, ont inhibé l’intérêt du Congolais envers les activités culturelles « , estime-t-il.
Réunification culturelle
» Le Congolais ne rit plus, ne s’amuse plus, ne pense plus à rien d’autres qu’aux horreurs de la guerre. Et forcément ne crée plus. L’actuelle manifestation est une interpellation pour le sortir de sa torpeur et lui redonner le goût à la vie « . Depuis dimanche dernier le jardin botanique de Kinshasa allie la beauté naturelle du parc a la variété des manifestations culturelles des différents terroirs du Congo. Peu importe la quiétude des pique-boeufs et des petits rongeurs que les bruits des tam-tams et les décibels des synthétiseurs vont forcément déranger.
La journée, les groupes folkloriques rivalisent de performances tandis que les soirées sont plutôt réservées aux orchestres et danses plus modernes. » C’est notre manière de concevoir la réunification du pays, ajoute le directeur général du Mica 2003. Des groupes culturelles en provenance de tous les coins du pays ont dit non au cloisonnement dont ils sont et ont été victimes depuis près de dix ans. Aujourd’hui, pendant les deux semaines que vont durer les manifestations, les Congolais de la province de l’Equateur vont pouvoir approcher ceux du Katanga et apprécier les secrets gastronomiques de la province du Bas-Congo ou du Nord-Kivu ».
Chikwangues, chenilles, porcs-épics et boas
Car la culture, c’est aussi les habitudes alimentaires. La RDC est un territoire tellement vaste et varié que certains mets appréciés dans un coin du pays font hérisser les poils dans un autre. Les organisateurs du MICA 2003 entendent éliminer ce handicap en faisant goûter aux uns et aux autres les mets qui ne constituent pas les plats habituels traditionnels de chaque terroir.
Etienne Kakule vient des hauteurs du Nord-Kivu, au bas du massif du Ruwenzori, à environ 2 500 km de Kinshasa. » J’ai difficilement accepté de goûter du boa hier et toute la nuit j’ai fait des cauchemars, dit-il. A mon réveil, j’ai constaté que les réactions étaient plus psychologiques que physiques. Je ne suis pas prêt de recommencer mais je comprends que tout ce qui est comestible est mangeable « . Le boa est un met très apprécié des originaires de la province de l’Equateur dans le nord-ouest de la RDC.
Marie Eboma exploite un petit restaurant à Kinshasa spécialisé dans la cuisine de l’Equateur. A l’occasion du Mica 2003, elle propose, outre le boa, une variété de poissons du fleuve ainsi que des produits de la chasse : antilope, sangliers et même porcs-épics. » Le porc-épic est très apprécié des Kinois, dit-elle. Non seulement il ne coûte pas cher mais on peut s’en procurer dans les alentours immédiats de Kinshasa. Dans mon nganda (petit restaurant), je le prépare sous forme de ‘maboke’, dans des feuilles appropriées qui lui donnent une saveur particulière ».
Peinture hors de portée des bourses congolaises
Le Mica 2003, c’est enfin les arts plastiques dans lesquels les Congolais sont passés maîtres. C’est également le coin préféré des expatriés. Peintures sur tableaux, sculptures sur bois ou bronzes rivalisent de beauté et d’originalité. Mais il y a un inconvénient de taille. Les objets d’art coûtent excessivement cher. En tout cas trop chers pour le Congolais moyen : » J’aurais bien voulu m’offrir ce tableau intitulé Coucher du soleil sur village de pêcheurs. Mais il faut débourser 250 dollars « , regrette Mambu Ndotoni.
» Curieusement, plus c’est difficile à interpréter et à comprendre, plus c’est cher « , poursuit la jeune femme. Un Européen vient effectivement d’acheter un tableau que Mambu Ndotoni qualifie de complètement « maboul » (fou en arabe, ndlr). Il a coûté 1 000 dollars. Moïse André Bopili, le directeur général du Mica 2003, comprend que les Congolais ne soient pas familiarisés avec l’art abstrait. » L’intérêt vient avec l’habitude, dit-il. Le Mica transplantera ses tentes à l’intérieur du pays afin de mettre les Congolais en phase avec l’art de leur pays. Avec l’habitude, les tableaux, dits abstraits et incompréhensibles, trouveront preneurs « .