Les femmes et les hommes congolais surprendront toujours. Intéressés ou pas, ils refusent de nommer l’état du Congo. Jusqu’à quand?
C’est un cadavre riche. Exquis, donc. L’objet des convoitises. Untel croit être le médecin qu’il lui faut; un autre défend bec et ongles un programme minimal pour le tirer définitivement de son coma. Tous espèrent une Pâques politique, économique et sociale. Et, à défaut d’un miracle imminent, une véritable « rentrée en religion » les allèche. Non pas au sens où la propose Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique; non pas au sens l’évoque JJ Rousseau dans son contradictoire chapitre7 du Contrat social. Non, rien de tout cela. Il y a suffisamment d’assemblées religieuses ou de sectes au Congo, pour ajouter à cette misère plurielle. En fait, la classe politique congolaise a épousé la méthode Coué. L’autosuggestion. « Le Congo va mieux », ressassent-ils. Une partie s’est abandonnée dans une litote de mauvais goût: le Congo ne se porte pas mal. En tout état de cause, les uns comme les autres s’embourbent sinon dans une oraison funèbre, du moins dans une cécité assez cétacée. Aucune perspective d’avenir, tout au plus de résurrection, ne se dessine au Congo. Un pessimisme optimiste? Peut-être. Mais comment justifier le zèle du pouvoir à faire inscrire le Congo sur la liste des pays pauvres très endettés? Entre ce que dit la majorité présidentielle et la réalité, il y a une contradiction que même un enfant décèlerait.
Le fonctionnaire qui gagnait 80000Fcfa en 1985, perçoit le même salaire en 2009. Pas de tissu économique solide. Seules les maisons à étages, au toit en tuiles, pullulent. A Brazzaville, l’ancienne zone industrielle de Mpila a été remplacée par de belles maisons en pente. Tout le monde ne jure plus que par la municipalisation accélérée, une aberration. Un gâchis. Certes l’intention est noble! Mais les résultats escomptés sont moyens. Un seul homme décide des travaux à réaliser et des fonds à injecter. Le ministre des travaux publics et les maires ne servent à rien…
« Le chemin d’avenir », un chemin du chaos définitif à venir?
Il y eût fallu un autre slogan. Et pour cause: la préposition « d' » suivie du substantif « avenir » ne porte pas chance. En France, « Désirs d’avenir », un laboratoire d’idées (ou plutôt d’idées inutiles), aux dires de Ségolène Royal, a contribué à l’agonie du Parti socialiste. Au Congo, « Le Chemin d’avenir » n’est pas tracé et ne le sera jamais. Le sol est jonché d’arsenic: la dette. Oui, la dette congolaise est une mort-aux-rats. Amplifiée par les « prêts gagés », elle a atteint un tel trou noir qu’une remontée, même par ascenseur, est impossible. Et les créanciers commettraient une faute monumentale en l’annulant. Un acte injuste et immoral. Injuste envers les pays tels le Mali, le Botswana ou le Cap-vert qui, eux, remboursent leur dette; immoral car ces mêmes pays pourraient se dire: pourquoi rembourser la dette puisqu’on va l’annuler? Alors que l’Afrique est le seul continent qui a des excédents commerciaux avec la Chine, en ce temps de crise, les bénéfices congolais sont invisibles. Le Burkina-Faso et le Bénin ont chacun constitué un trésor de plus de 400 millions de dollars de paiement. Chose impossible au Congo. Les vautours engraissés, lesquels trimbalent leur gros ventre dans Brazzaville, Pointe-Noire, Oyo, Impfondo, etc, guettent la moindre rentrée financière pour se repaître davantage. Le Congo compte les meilleurs professeurs en détournements de fonds. Des agrégés de corruption. Plus grave encore, l’arrogance dont ils font preuve. Et, parfois, la facilité avec laquelle ils se livrent aux fanges de l’inhumanité. Qui ignore l’assassinat gratuit et sans suite d’un jardinier par son patron, sous prétexte qu’il lui aurait volé des millions?
Aussi, dans l’attente d’une Pâques congolaise, il faut saluer le discours d’investiture du président réelu, si tant qu’il ait été sincère. Un discours percutant, qui restera dans les annales. Denis Sassou Nguesso s’est fait du mal, et c’est tout à son honneur. Ce jour-là, plusieurs visages sont soudain devenus inexpressifs, même ceux de ses amis qui ne sont pas exempts de reproches. Cependant, le cadavre a entamé sa décomposition, nonobstant l’embaumement. Difficile de stopper le processus. Le nouveau gouvernement en est la preuve probante. Il y a surabondance de ministres inutiles. Comme toujours! Les femmes sont les dernières de la classe avec cinq strapotins. Tous les ministres éternels ou presque ont été réconduits. Est-ce à dire qu’ils sont tous « intègres »? L’histoire rendra son jugement. D’ores et déjà, Denis Sassou Nguesso bénéficie d’une circonstance atténuante: il a appliqué à la lettre un principe universel: quand on veut régner en maître, on choisit ceux dont on est sûr de manipuler.
La médiocrité, une spécificité congolaise
Ce ne sont pas ceux qui font une révolution, qui la gèrent ensuite. Cette citation est vraie. Partout ailleurs. Les hommes qui avaient lutté pour l’indépendance partis, ceux qui ont géré la période d’après l’indépendance se sont révélés médiocres. A la limite. Pascal Lissouba, surtout, a brillé par ses cours sur la médiocrité. Les débats politiques sont bas, sinon inexistants. La hauteur de vue et les fortes personnalités font défaut. Et, dans la perpétuelle course aux portefeuilles, tous ou presque vénèrent platement le président actuel. On se croirait en France, où un seul homme écrabouille la Droite: « Le président a dit…; le président a arbitré…; le président a tranché… » La presse congolaise, foisonnante pourtant, semble se complaire dans son paléolithique. Si le Congo ne dispose pas du Haut-Débit – un crime; le site officiel du Congo serait basé à l’étranger, peut-être à Reims -, sur Internet la presse pillulent d’articles pompeux, ennuyeux. Une presse à ragots, dont on vient de voir l’illustration, à propos du voyage du président réélu en Espagne…
Le Congo doit tomber enceinte d’un nouveau Congo, mais les spermatozoïdes et la virilité politiques se font attendre. En attendant l’embryon d’un nouveau pays, il faut multiplier les requiem.