Le GRET, Groupe de recherche et d’échanges technologiques, a plongé dans le monde des radios congolaises, pour en tirer, en décembre dernier, la carte complète des fréquences.
Ville après ville, région après région, le GRET a constitué un inventaire rigoureux des fréquences utilisées… Ont ainsi été pointées plus de 220 radios de toutes les tailles, de toutes les obédiences (catholiques, évangéliques), de toutes les provinces, qu’elles soient internationales, nationales, locales, publiques, commerciales, communautaires, humanitaires ou non.
Réalisée par Ben Kabamba, cette étude comble un vide. « Il n’existait pas d’outil clair et précis dressant l’état des lieux des radios existantes. Avant les élections, et dans un souci de pouvoir faire passer un maximum d’informations à l’ensemble de la population, il nous a paru essentiel de collecter une série de données sur les radios en général et les radios communautaires en particulier », commente Serge Bailly, du Gret. De cette exploration nationale, il ressort une classification rigoureuse qui devrait permettre aux intervenants sur le terrain de disposer de données sur l’état des besoins des radios (matériel, formation, …), de savoir exactement quelles sont les zones couvertes ou non par les radios, de cerner l’état des partenariats des radios.
Précaution d’usage : l’étude menée par Ben Kabamba, avec le soutien de Radio Okapi, de la coopération française, du centre Lokole et de l’Arco (Association des radios communautaires) se définit comme une photo prise à un moment donné (en décembre 2005), à l’issue d’une large enquête de terrain. Depuis lors, les échéances électorales aidant, de nouvelles radios -essentiellement politiques – ont vu le jour. Comme dans d’autres pays d’Afrique, elles auront une durée de vie limitée. Et comme dans d’autres pays d’Afrique, le paysage radiophonique se rationalisera : des radios disparaîtront à cause de l’essoufflement de leurs animateurs, par manque de moyens ou par manque d’auditeurs. Ou plus simplement par manque de professionnalisme.
Les diamantaires aiment les ondes
Si, au delà des radios locales, elles disposent d’une ou deux radios de référence (associatives ou catholiques), les différentes provinces sont très inégalement servies. En effet, une grosse partie des radios sont concentrées sur les frontières, des zones entières du territoire ne sont pas couvertes. Il n’y a pas de radio au Nord de la Province Orientale, ni à l’Est du Katanga, mais il y a une concentration inouïe de petites radios au Kasaï Occidental, radios presque toutes contrôlées par des diamantaires.
La province de l’Equateur est assez bien maillée par quinze radios qui ne brillent pas toutes par le respect de la pluralité des sources, ni par l’indépendance des informations qu’elles diffusent. Neuf d’entre elles sont, en effet, des radios commerciales, labellisées Radio Liberté, proches du MLC. Dans le Bas Congo, ce sont les radios confessionnelles qui sont omniprésentes. Kinshasa abrite une bonne trentaine de radios, mais « c’est franchement le désordre », assure Ben Kabamba.
Hormis les radios internationales, RFI, BBC World ou Radio Okapi, qui respectent scrupuleusement leur programmation, les autres radios y compris les radios publiques prennent une grande liberté avec les programmes annoncés. Et l’auteur de l’étude de constater que certaines radios n’émettent que le matin… Selon les disponibilités du, ou des, animateurs.
Enfin, l’étude pointe l’explosion du nombre de radios fondées par des « églises du réveil ». Elle en a dénombré 45, la plupart d’entre elles émettent sans contrôle, certaines se livrant même à un prosélytisme effréné. Sans doute, l’Arco (l’association des radios communautaires), en n’acceptant pas ces radios parmi ses membres, avait-elle ses raisons. Aux responsables publics et au régulateur de se montrer circonspects et, s’il les autorise à émettre, de vérifier la correction déontologique de ces antennes.
Par Cyrille Kileba Pok-A-Mes