Le Caire – Une des images les plus emblématiques de la révolution égyptienne est celle d’hommes et de femmes côte à côte, unis pour un changement positif. Or, depuis la révolution, les femmes ont été aux prises avec le harcèlement sexuel et marginalisées par la transition politique. Malgré cela, elles n’ont jamais cessé de combattre – et aujourd’hui elles trouvent bien des alliés.
Certains Egyptiens arguent qu’il faut donner la priorité à la démocratie avant même de s’attaquer aux droits des femmes. En réalité, la lutte contre la marginalisation des femmes est une action essentielle pour faire de l’Egypte un pays véritablement démocratique. Cette question ne relève pas uniquement de l’égalité entre hommes et femmes, mais aussi de la justice. Les femmes ont trop souvent été traitées comme des citoyens de seconde classe et ont subi l’injustice – elles font face au harcèlement dans la rue, elles sont victimes de tests de virginité infligés par l’armée, elles sont exclues de bien des occasions de prendre part à la vie politique du pays. Par exemple, les militantes des droits des femmes ne sont pas inclues dans le processus de rédaction de la nouvelle constitution. Si bien les femmes sont légalement autorisées à occuper des positions dirigeantes telles que juges ou officiers politiques de haut rang, la pression sociale les empêche le plus souvent de les faire.
Toutefois, les militantes des droits des femmes ne sont pas restées les bras croisés face à ces obstacles. C’est le cas de Bothaina Kamel, qui a exercé son droit en devenant la première femme égyptienne à se présenter comme candidate à la présidence. Bien qu’elle n’ait pas récolté suffisamment de signatures pour être votée, elle a prouvé aux autres femmes égyptiennes qu’elles aussi doivent pouvoir prendre part à la vie politique.
En ce qui concerne la société civile, de nombreuses organisations féministes déjà existantes ont vu leur nombre de membres augmenter, et de nouvelles organisations ont été créées. Par exemple, l’Union féministe, fondée en 1923 par la militante Hoda Shaarawy, a été relancée en octobre 2011, chapeautant plus de 1 000 organisations, afin de soutenir les candidates aux élections parlementaires et d’encourager les femmes à voter.
Outre ces exemples, il existe également des histoires d’hommes qui soutiennent les femmes. De nombreux membres libéraux du parlement, dont Amr Hamzawy, se sont exprimés sur l’importance de rendre prioritaires les questions en lien avec les femmes. Le soutien masculin s’est également étendu au niveau de la population. Au cours de l’année dernière, les hommes ont participé à des marches organisées par les femmes et les ont protégées du harcèlement. De plus, des projets tels que Harassmap, qui documente et dénonce le harcèlement dans la rue comptent des hommes parmi leurs volontaires.
Le seul moyen d’obtenir des droits pour les femmes sur le long terme est en les intégrant aux processus de prise de décision – y compris dans la révision de la constitution. La nouvelle constitution égyptienne doit exiger la disparition de toute forme de discrimination fondée sur le genre. Elle doit comprendre des mesures encourageant les femmes à prendre part au gouvernement, à occuper des position dirigeantes et à protéger leurs droits socio-économiques, tels que l’éducation. L’an dernier, en effet, de nombreux groupes féministes, en collaboration avec l’ONU, ont rédigé un projet de charte des femmes égyptiennes, qui pourrait servir de modèle à une constitution qui tienne compte des questions de genre.
Qui plus est, les militantes des droits des femmes doivent s’engager dans le gouvernement – et être présentes à la fois dans les partis de l’opposition et celui du gouvernement de Mohamed Morsi. Quant à l’Etat, il peut promouvoir les droits des femmes en finançant les projets de nombreuses organisations pour les femmes, et inclure ces dernières dans le cabinet qui est actuellement en train de se constituer. Dans le gouvernement français, Najat Vallaud-Belkacem occupe la fonction de ministre des Droits des femmes – une fonction qui vaudrait la peine d’être reproduite en Egypte.
Il est également important de garder à l’esprit que les Frères musulmans comptent de nombreuses femmes parmi leurs membres. En effet, beaucoup d’entre elles occupent des positions dirigeantes dans leur parti ainsi que dans l’organisation. C’est le cas de Hoda Abdel Moneim, avocate et membre du Comité des affaires féminines du parti de la liberté et de la justice. Bien des femmes chez les Frères musulmans gèrent également des programmes sociaux. Sur la base de mes conversations avec elles, il est évident qu’elles désirent réellement occuper des fonctions dirigeantes, et qu’elles œuvrent à améliorer les conditions de vie des femmes égyptiennes.
Les militantes des droits des femmes des tous les milieux doivent rester unies et participer activement à la transition politique en Egypte. Lors d’un entretien personnel, Mme Abdel Moneim a insisté sur le besoin pour les femmes des Frères musulmans de travailler en vue d’une réforme des sphères politique et sociale en Egypte, aux côtés de femmes d’autres mouvements. Ce sont de tels partenariats dont les femmes ont besoin – des militantes de tous les horizons, croyantes ou non, unies pour relever des défis.
Par Notre partenaire Common Ground (CGNews)
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