Le clarinettiste martiniquais Stellio, star de la Biguine dans le Paris des années 30


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Stellio

Les éditions Frémeaux rendent hommage à Stellio (1885-1939), clarinettiste martiniquais de génie, qui fit découvrir la Biguine au public parisien, dans les années 30, musicien très populaire alors qui enregistra une trentaine de disques.

Qui connaît encore Stellio, jazzman martiniquais qui fut une star dans le Paris des années 30, et dont les funérailles, en 1939, attirèrent une foule nombreuse à Notre-Dame-de-Paris, ainsi que le relate sa veuve dans un témoignage audio inclus dans le quadruple coffret qui vient de sortir, aux éditions Frémeaux : « Stellio, l’étole de la musique créole » ?

Stellio – qui était un nom de scène – est né à St Pierre en Martinique, et débarque en 1902, après l’éruption du volcan qui dévasta la ville et fit 30.000 victimes, à Cayenne avec sa famille, âgé de 17 ans. Issu d’une famille modeste, il exerce alors le métier de cordonnier, et se passionne pour la clarinette, qu’il apprend en autodidacte, sans savoir lire une note de musique.

Il anime bientôt des bals à Cayenne, retourne en Martinique en 1919 où on le retrouve animant des bals à Fort-de-France – rappelons que la plupart des musiciens de l’époque, et pas seulement en Martinique, devaient gagner leur vie avec un autre métier – puis il s’embarque en 1929 pour Paris : là, pendant une décennie, Stellio sera le roi des bals antillais et des soirées créoles, fort nombreux à l’époque dans la capitale : le Bal Blomet dans la rue homonyme, derrière Montparnasse (ressuscité il y a quelques années comme club de jazz) ; la Boule Blanche rue Vavin ; le Bal Créole qui se tient à l’Alcazar au Faubourg Montmartre ; l’Elan Noir boulevard du Montparnasse ; la Rhumerie Martiniquaise boulevard St Germain (qui survit encore sous le nom « La Rhumerie ») ou encore Chez Joséphine à la Cité Pigalle.

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Stellio finira même par ouvrir son propre cabaret, Tagada, rue de l’Arrivée, dans ce Montparnasse de l’entre-deux-guerres, le Montparnasse de Modigliani, Picasso, Cendrars, Sonia et Robert Delaunay et consorts, qui était le quartier le plus artistique – et l’un des plus fêtards – de Paris à l’époque. Stellio fut consacré par les autorités françaises, animant par exemple tous les après-midis en musique le Pavillon de la Guadeloupe, lors de l’Exposition Coloniale de 1931, ou encore le grand gala mondain baptisé « La Nuit Antillaise et Guyanaise », en 1935 à l’Opéra de Paris, en présence du Président de la République Albert Lebrun.

Car dans ces années 30, tout le Paris fêtard est entiché des musiques antillaises, etde la Biguine, découvertes au Bal Blomet, bal populaire créé par l’homme d’affaires martiniquais Jean Rezard-Desvouves en 1924, qui deviendra bientôt le rendez-vous du Tout-Paris « branché » de l’époque. Dans les années 40, la concurrence des musiques cubaines, et du jazz venu d’Amérique après la guerre, auront bientôt raison des musiques antillaises – qui auront ainsi été les premières musiques « noires », avec la centralité donnée au rythme et à la vitalité, à séduire les Français de métropole…

Stellio enregistra une trentaine de 78 tours, et c’est une sélection de ses succès que le label Frémeaux nous offre aujourd’hui : un coffret de 4 cds, titres composés entre 1932 et 1938, qui fait suite à un premier coffret consacré aux années 1929-1931. Biguines bien sûr mais aussi valses, polkas, mazurkas, et autres musiques de danses. Car ne l’oublions pas : ces musiques étaient faites pour animer des bals et faire danser les foules, en ces années de l’entre-deux-guerres où l’on dansait énormément, et au moins tous les samedis soirs, aussi bien aux Antilles qu’en métropole !

Le grand clarinettiste de jazz Benny Goodman (19091986) disait de Stellio, qu’il avait entendu à Paris, qu’il était « le plus grand instrumentiste de France » ! La magie de la technologie du CD permet de faire ressusciter cet autre grand clarinettiste, venu des Antilles, et de faire justice à son immense talent. Avec son livret de plusieurs pages, remarquablement documenté, rédigé par Jean-Pierre Meunier, ce disque est absolument indispensable à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des musiques antillaises ou à à l’histoire du jazz en France. Car les musiques antillaises et la Biguine, à Paris dans les années 20 et 30… c’était du jazz avant la lettre !

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