Le cinéma marocain célèbre ses 50 ans


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La 10ème édition du Festival National du film marocain s’est déroulée à Tanger, du 13 au 20 décembre. La compétition a réuni les films de long métrage produits cette année ainsi qu’une sélection de courts métrages. Une occasion précieuse pour regarder de près une des cinématographies d’Afrique les plus vivantes.

Par Silvia Angrisani

La 10ème édition du Festival National du Film marocain, qui s’est achevée samedi à Tanger, a été l’occasion pour célébrer les 50 ans du cinéma national (1958-2008) et découvrir le foisonnement de la production cinématographique contemporaine (15 films par an, contre 35 films par an produits par l’Egypte et 15 films produits par l’Afrique du Sud).

Festival-Tanger2008.jpgLe 50ème anniversaire du film marocain a été célébré par une retrospective de 15 films, choisis par un comité de critiques de cinéma: 15 coups de coeur, sélectionnés à partir d’un corpus de plus de 200 films qui constituent la production marocaine à ce jour. Le premier film marocain, objet rare et inconnu pour la plupart des cinéphiles, a fait l’ouverture du festival le 13 décembre.

Produit en 1958 par un artiste bricoleur, Mohamed Ousfour, à la fois réalisateur, scénariste, acteur, monteur, Le fils maudit est un moyen métrage drôle et tendre, mis en valeur par un doublage tardif, réalisé il y a quelques années par l’auteur, qui double lui-même en voice over tous les personnages. “Mon père – raconte Mme Saida Ousfour, fille du réalisateur – se promenait toujours avec sa caméra et tout événement était l’occasion pour filmer. Quand il tournait, la famille entière était engagée: mes soeurs, mes oncles, nos voisins, et même ma grand-mère jouait dans les films. Mon père organisait des projections publiques dans un garage ou même en plein air, pendant la nuit. La magie du cinéma le fascinait depuis l’enfance, quand il avait assisté à une projection de Tarzan. Depuis, il avait fait des économies en travaillant comme vendeur ambulant de journaux et garçon de café et avec cet argent il avait acheté à 17 ans sa première caméra”.

Pour Mme Osfour, l’hommage à ce pionnier du cinéma décédé en 2005 est aussi l’occasion de rappeler le rôle de sa mère, “la première femme du cinéma au Maroc: elle était à la caméra quand mon père jouait ses scènes dans les films, elle réalisait les costumes et s’occupait même de certains aspects techniques, comme le développement”.

La production nationale prend son essor à partir des 90

La rétrospective a permis de voir ou revoir des films des années 70 (Traces, de Hamid Bennani, Chergui ou le Silence violent de Moumen Smihi et Mirage, d’Ahmed Bouanani) et des années 80 (Le coiffeur du quartier des pauvres de Mohamed Reggab, Badis de Mohamed Abderahman Tazi). Toutefois, la plupart des films de la sélection était issue des années 90 et 2000, et cela n’est pas un hasard.

“L’année 1991 constitue un tournant pour le film marocain”, raconte Mohamed Bakrim, critique de cinéma et chargé de la communication au Centre Cinématographique Marocain. “C’est en effet l’année d’Un amour à Casablanca, le film d’Abdelkader Lagtaa qui, sorti dans les salles en même temps que L’exorciste, réalise plus d’entrées que ce dernier. Aucun film n’avait réalisé auparavant une telle performance au box office. Au contraire, les exploitants marocains avaient l’habitude de dire qu’il n’y avait pas de public pour notre cinéma. A partir de cette date, la situation s’est inversée et aujourd’hui c’est grâce au cinéma national que les salles arrivent à survivre, malgré de grandes difficultés”.

Nabil AyouchEn quelque sorte, l’histoire du festival national permet de suivre l’histoire du cinéma marocain, explique M. Bakrim. “Né en 1982 avec un objectif pédagogique – montrer le cinéma marocain au public marocain – le festival a eu un rythme assez irrégulier au début, à cause de la pauvreté de la production nationale. C’est en 1991 que le festival commence a prendre plus d’ampleur et les éditions se succèdent avec plus de régularité. La dixième édition cette année marque une initiative importante: le festival se tiendra désormais tous les ans avec un objectif différent: les films marocains ayant une distribution plus régulière, il s’agit maintenant de s’adresser aux professionnels pour s’ouvrir aux nouveaux marchés”.

Une grande variété dans la programmation

Les cinéastes marocains semblent reconnaître toute la valeur du Festival National. Nabil Ayouch, dont le film Whatever Lola Wants (déjà en tête du box office marocain selon les premiers chiffres 2008), a remporté le Grand Prix du Festival, déclare: “Au début des années 90, les cinéastes marocains de la diaspora n’étaient pas connus au Maroc. En 1995, nous avons été invités à participer au Festival national pour la première fois. C’était un signe de reconnaissance de notre travail et de notre appartenance au cinéma marocain”.

Palmarès de la compé?tition officielle du long-me?trage:

Grand prix du festival national : Whatever Lola wants de Nabil Ayouch

Prix du cinquantenaire : Nos lieux interdits de Laila Kilani

Prix spe?cial du jury: Les cris de jeune fille des hirondelles de Moumen Smihi

Prix de la premie?re œuvre: Le temps des camarades de Mohamed Cherif Tribek

Prix du sce?nario: Amours voile?es de Aziz Salmi

Palmarès de la compé?tition officielle du court-me?trage:

Grand prix du court me?trage: Chant fune?bre de Mohamed Mouftakir

Prix du sce?nario: Sellam et Demetan de Mohamed Amin Benamraoui

Mention spe?ciale du jury pour le film : Paris sur Mer de Mounir Abbar

Le Festival national 2008 a été l’occasion pour faire le point sur la vitalité de ce cinéma: 14 films de long-métrage et 14 courts métrages étaient présentés en compétition. On a pu ainsi apprécier la pluralité d’expressions culturelles, en commençant par la diversité linguistique, car des films en langue amazigh étaient présents à côté des films en langue arabe. Le film de Nabil Ayouch, en outre, est tourné presque entièrement en anglais.

L’histoire récente était mise en scène par deux films: Le temps de camarades, de Mohamed Chrif Tribak, qui relate l’affrontement entre étudiants de l’UNEM et islamistes au début des années 90 et Nos lieux interdits de Leïla Kilani, film-enquête sur les violences d’Etat. L’effervescence des années précedentes l’avènement de l’indépendance nourrit les histoires de deux films: Les cris de jeunes filles des hirondelles de Moumen Smihi et Itto Titrit, de Mohamed Abbazi.

Des légendes ancestrales inspirent les films Kherboucha de Hamid Zoughi et Kandisha, de Jérôme Cohen-Olivar, alors que le Maroc contemporain est exploré sous des angles différents par plusieurs films: Tu te souviens d’Adil, de Mohamed Zineddaine tourné entre le Maroc et l’Italie; Number One, une comédie de Zakia Tahiri centrée sur la situation de la femme; Française, le film de Souad El Bouhati sur le drame d’une jeune fille d’origine marocaine née et élevée en France et obligée de retourner au Maroc avec sa famille; Amours voilées d’Aziz Salmy, encore sur la position des femmes dans la société contemporaine; Casa Negra de Noureddine Lakhmari, qui se déroule dans le Casablanca contemporain.

L’atmosphère de fête n’a pas empêché le débat critique autour de la qualité des films ainsi que du potentiel des nouveaux talents, grâce à la participation active des cinéastes, comédiens et journalistes présents, marocains et étrangers.

A l’occasion du 10ème Festival National du Film, le Centre Cinématographique Marocain a publié une Filmographie générale des films de long-métrage 1958- 2008 ainsi qu’un coffret DVD, hommage au cinéma des années 70.

 Pour plus d’informations, consulter le site du Festival

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