Près de deux ans après la canicule de 2003, une nouvelle polémique mettant en cause la capacité des services de santé français à gérer une crise sanitaire, vient de voir le jour. La gestion de l’épidémie de chikungunya qui sévit sur l’île de La Réunion depuis février 2005, révèle une fois de plus l’incapacité des autorités françaises à prendre en temps réel, la mesure d’un problème de grande envergure.
Le chikungunya, une maladie devenue mortelle. Apparue sur l’île de La Réunion en février 2005, cette maladie infectieuse transmise par les moustiques aurait fait à ce jour 77 morts et touché entre 130 000 et 160 000 personnes, soit près de 20% de la population. Après un premier pic en mars, l’épidémie s’est essoufflée en octobre avant de répartir de plus belle entre la fin décembre et la mi-janvier. Un Réunionnais sur cinq est malade, mais d’aucuns estiment que les chiffres sont largement sous estimés.
Face à cette catastrophe sanitaire, nombreux sont ceux qui, à La Réunion, pensent que tout ceci aurait pu être évité si les autorités sanitaires et politiques n’avaient pas sous-estimé l’ampleur de l’épidémie dès le début. La direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) a quelque peu minimisé l’ampleur du problème, même si elle a communiqué régulièrement les cas des personnes contaminées, comme le veut la procédure. Tout le monde a surtout insisté sur le caractère inoffensif de la maladie. Les autorités ont ainsi misé sur la diminution naturelle des moustiques avec l’arrivée de la saison fraîche, entraînant par la même occasion la disparition de la maladie. Mauvais calcul, puisque, non seulement les moustiques n’ont pas diminué, mais la pandémie a continué à progresser jusqu’à causer la mort de plusieurs personnes.
L’extension de l’épidémie de chikungunya : à qui la faute ?
Aujourd’hui, une véritable polémique est lancée quant à la capacité des autorités à gérer en temps réel un important problème sanitaire. Les médecins, la presse et Gélita Hoarau, sénatrice du Parti communiste réunionnais (PCR) sont les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme. Les médecins généralistes, en première ligne sur le front de l’épidémie, ont officiellement accusé les représentants de l’Etat et les fonctionnaires locaux de la santé d’avoir laissé, par leur laxisme, l’épidémie progresser de manière fulgurante jusqu’à ce qu’elle devienne incontrôlable.
Les responsables politiques locaux sont eux aussi dans la ligne de mire pour avoir longtemps hésiter pour financer les opérations de démoustication. Les pouvoirs publics nationaux, notamment le ministère de l’Outre-Mer et le ministère de la Santé sont ceux qui sont les plus critiqués, en particulier par Gélita Hoarau. Plus de deux ans après le fameux scandale de la canicule de 2003, ils sont taxés de manque de professionnalisme pour ne pas avoir su prendre les mesures d’urgence à temps. La presse parisienne, trop occupée à chercher d’hypothétiques volailles contaminées par le virus H5N1 de la grippe aviaire, ont complètement oublié de parler de ces Français d’Outre-Mer gravement touchés par cette maladie mortelle. Alors que de la presse réunionnaise en faisait sa « une » depuis des mois, allant même jusqu’à titrer « Au secours » sur l’une de ses dernières éditions.
Face à ces attaques, le Premier ministre Dominique de Villepin a répondu en annonçant lors de son voyage à la Réunion, une allocation de 76 millions d’euros pour développer les moyens médicaux d’urgence et de la recherche. Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, a quant à lui, demandé aux laboratoires français de mobiliser « toute la pharmacopée » dans la lutte contre le virus, rappelant que jusqu’à présent « les scientifiques pensaient que le chikungunya ne tuait pas », comme pour justifier de la lenteur de son administration. Leur intervention est jugée tardive par la majorité des Réunionnais qui se sentent une fois de plus, comme des « laissés pour compte » ou des « citoyens de seconde zone ».
« Des victimes portent plainte contre X »
La polémique autour des responsabilités administratives et politiques n’est pas prête d’être finie. Un groupe de victimes directes et indirectes du chikungunya a récemment déposé « une plainte pénale contre X pour mise en danger délibérée d’autrui » auprès du juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Saint-Denis, a indiqué leur avocat, maître Alain Antoine dans un communiqué à la presse. « Cette plainte émane directement des victimes du chikungunya », a-t-il ajouté. Il a expliqué que ces victimes souhaitent de cette manière que « la justice détermine les responsabilités administratives et politiques » de l’extension fulgurante de l’épidémie.
Elles sont par ailleurs soutenues par des associations comme l’Organisation générale des consommateurs de La Réunion (Orgeco) ou l’association l’Île de La Réunion contre le chikungunya, qui déposent également plainte contre X pour « mise en danger d’autrui par imprudence et négligence ». « Le sentiment d’injustice, de peur et de révolte, le nombre grandissant de victimes de la maladie, l’assistance tardive à ‘Réunion en danger’, ont crée un traumatisme collectif d’envergure auquel seule la justice pourra apporter une réponse en posant le problème de manière apaisée », indiquait le communiqué de l’Orgeco.
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