La privatisation du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) arrive dans la dernière ligne droite. Désormais au coude à coude pour le prochain appel d’offre, seuls restent en lice les consortiums Bolloré (France) et Sheltam Mvela (Afrique du Sud). De passage à Paris pour des discussions avec la Banque mondiale et l’AFD, le ministre d’Etat congolais, Isidore Mvoumba, fait le point sur la situation et rappelle les différentes attentes du gouvernement.
Propos recueillis par David Cadasse
Qui sera le repreneur du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO)? Bolloré ou Sheltam Mvela? Les deux candidats attendent désormais l’appel d’offre financier des autorités congolaises pour faire leurs propositions. Isidore Mvoumba, ministre d’Etat chargé de la coordination de l’action gouvernementale et ministre des Transports et de la Privatisation, était ce lundi à Paris pour une ultime rencontre avec la Banque Mondiale et l’Agence française de développement afin de préparer le dossier. Il revient sur le processus de privatisation et nous livre quelques éléments du cahier des charges. Le CFCO, reliant Brazzaville à Pointe Noire, souhaiterait garder une mission de service public et ambitionne d’atteindre, à terme, un trafic d’un million de tonne.
A la veille de la privatisation, la Banque mondiale vient de vous accorder une enveloppe de 12 millions de dollars. A quoi est-elle destinée ?
Isidore Mvoumba : Il faut rendre la mariée belle pour séduire le beau chevalier que nous attendons. Cette enveloppe est destinée à régler les problèmes urgents du réseau, comme la réfection d’une partie des voies et la réhabilitation des viaducs détruits pendant la guerre, ainsi que celle de certains équipements et installations de télécommunications.
Comment avez-vous sélectionné les différents candidats à la privatisation de Congo-Océan ?
Isidore Mvoumba : En trois phases. Une phase de présélection, où nous avons retenu quatre candidats : le consortium (français, ndlr) emmené par le groupe Bolloré (qui comprend la SNCF Internationale, Comazar et Maersk, ndlr), Rites (Inde, ndlr), NLPI Spoonet (Afrique du Sud, ndlr) et le consortium Sheltam Mvela (Afrique du Sud, ndlr). A l’occasion de notre phase de sélection technique, en février dernier, nous n’avons gardé que les consortiums Bolloré et Sheltam Mvela. Ils sont désormais les deux seuls en lice.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Isidore Mvoumba : Nous sommes venus à Paris pour discuter avec la Banque Mondiale et l’Agence française de développement (AFD) des documents d’appel d’offre financier que nous remettrons prochainement aux deux candidats.
Combien attendez-vous de cet appel d’offre financier?
Isidore Mvoumba : (Amusé) Nous ne voulons pas épouvanter les candidats. Nous n’avons pas envie de dévoiler nos batteries. Ceci dit, nous ne vendons pas pour récupérer le maximum d’argent. Je tiens à préciser que nous ne cédons pas la CFCO. Il s’agit d’une concession que nous octroyons. Le repreneur devra s’acquitter d’une redevance. Nous privatisons pour mettre un terme à l’hémorragie financière du CFCO. Nous voulons revenir à la vocation de pays de transit du Congo et garantir un certain niveau de qualité, de sécurité et d’accessibilité de notre réseau ferroviaire.
Vous êtes venus à Paris pour discuter avec l’Agence française de développement. Le consortium français conduit par Bolloré n’est pas implicitement favorisé ?
Isidore Mvoumba : Nous tenons à garantir une égalité des chances aux deux candidats. Si nous sommes venus à Paris pour discuter des modalités de l’appel d’offre, le dépouillement se fera à Brazzaville. Nous souhaitons que tout se passe dans la transparence. Et personne ne s’est plaint jusque-là. Il n’y a pas de traitement de faveur. J’en veux pour preuve le fait que nous avons éliminé Spoonet – auprès de qui nous faisons du leasing pour les locomotives – parce qu’ils étaient venus la fleur au fusil avec une proposition qu’ils avaient tirée d’une étude menée en Gambie. Ils sont tombés des nues quand ils ont appris qu’ils étaient disqualifiés quant à leur offre technique.
Si le consortium Bolloré ne remporte pas l’appel d’offre, l’Agence française de développement va-t-elle continuer à vous soutenir financièrement?
Isidore Mvoumba : Je la connais assez bonne joueuse. L’AFD est un bailleur traditionnel du pays et a toujours tenu ses engagements à notre égard. Je suis sûr et certain que quelque soit le repreneur, elle tiendra parole.
Dans votre cahier des charges, avez-vous des exigences en terme d’emploi et de tarifs pour la billetterie ?
Isidore Mvoumba : Nous avons tablé sur un effectif cible de 1 800 employés (le CFCO, emploie aujourd’hui 2 370 personnes, selon le journal L’Intelligent, ndlr). Quant aux tarifs, nous tenons à ce que le CFCO reste un service public. Pour autant, nous ne souhaitons pas enfermer le futur repreneur. Mais nous allons poser des taquets pour éviter des abus.
Les salariés auront-ils une partie du capital de la société ?
Isidore Mvoumba : Nous n’oublions pas les cheminots. Les salariés auront 5% des parts du capital.
Quels sont les objectifs de trafic pour les repreneurs?
Isidore Mvoumba : Nous avons aujourd’hui un trafic compris entre 500 000 et 600 000 tonnes. A titre d’exemple, Bolloré table sur un volume initial de 750 000 tonnes pour les marchandises et 300 000 voyageurs. Il escompte monter jusqu’à un million de tonnes. Avec la guerre, nous avons perdu beaucoup de trafic. Les forestiers ont abandonné la voie congolaise pour lui préférer celle du Cameroun. Il y aura tout un travail de reconquête à faire. Mais nous avons comme atout notre port en eau profonde, véritable tête de pont de notre axe commercial.
A part le bois, quels autres produits sont concernés ?
Isidore Mvoumba : Les hydrocarbures et les produits manufacturés. Pour ce qui est des hydrocarbures, il y a même des possibilités de desservir la Centrafrique.
Avec les récents troubles dans la région du Pool et les menaces proférées, fin janvier, par le Pasteur Ntoumi, la question de la sécurité du trafic n’est-elle pas un frein à la privatisation ?
Isidore Mvoumba : Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir. Il existe aujourd’hui deux groupes de travail, un du pasteur Ntoumi et un gouvernemental, pour mettre en oeuvre le programme DDR (Désarmement, démobilisation, ré-insertion, ndlr) qui est déjà sur de bons rails.