L’œuvre commune du réalisateur égyptien Youssef Chahine et de son jeune collaborateur Khaled Youssef est un pamphlet sur la société égyptienne. Le Chaos, sorti en salles ce mercredi en France, témoigne du militantisme d’un cinéaste que ni l’âge ni la maladie n’ont érodé.
Dès les premières images du dernier film de Youssef Chahine, co-réalisé avec son jeune compatriote Khaled Youssef, Le Chaos dont les cinéastes égyptiens entendent entretenir le spectateur prend corps. Une scène d’émeute, durement réprimée, ouvre ce long-métrage qui s’inscrit dans la plus pure tradition du cinéma égyptien pour délivrer un message politique fort. Dénoncer les dérives de cette Egypte qu’il aime tant, c’est l’un des exercices préférés de Youssef Chahine.
Le Chaos est l’allégorie d’un Etat miné par la corruption. Un mal incarné par Hatem, policier véreux qui règne en maître absolu sur le quartier populaire de Choubra, au Caire, et de ses habitants. Exception faite de Nour, jeune femme moderne qu’il convoite et harcèle de ses assiduités. Il ne sait d’ailleurs à quel saint se vouer pour trouver le chemin de son cœur. L’homme personnifie une Egypte rongée par l’impunité, où une minorité, guidée par ses propres intérêts, décide pour une majorité brimée, violentée et qui vit dans une pauvreté grandissante. Au milieu de ce Chaos, des femmes et des hommes se battent, mettent leur jeunesse et leur fougue au service de l’avènement d’une Egypte nouvelle. Des étudiants ou encore le substitut du procureur, Cherif, dont Nour est amoureuse, toujours soucieux de faire de la loi un garant des libertés individuelles.
Quand le pouvoir menace la liberté…
Youssef Chahine et Khaled Youssef dépeignent dans leur œuvre toutes les facettes de la société égyptienne. Du parti au pouvoir, qui en impose aux citoyens, aux islamistes qui sont devenus pour les plus démunis la solution à tous leurs problèmes, en passant par la jeunesse dorée égyptienne et les militants des droits de l’homme. Les cinéastes racontent l’Egypte d’aujourd’hui avec la subtilité que l’on reconnaît au doyen Youssef Chahine. « Notre collaboration (avec Khaled Youssef, ndlr) a commencé dès le scénario, explique le réalisateur, qui très malade, a dû s’appuyer sur son collaborateur. Bien sûr, il a son caractère mais il a su tourner les scènes comme je les ai voulues. Khaled le fait magnifiquement bien : on ne peut pas savoir si cette scène est une de Khaled ou une des miennes ».
A 81 ans, l’homme est toujours sans concession à l’égard de son pays, notamment de ceux qui participent à sa ruine. Tout en soulignant que ceux qui lui font du mal ne sont pas ceux qui l’aiment le moins. Bien au contraire : le personnage de Hatem en est la parfaite illustration. Avec Le Chaos, Youssef Chahine démontre encore une fois une fidélité à toute épreuve à ses convictions. « Dans Le Chaos, dit-il, je tente de mettre le doigt sur le destin de mes compatriotes, qui ont si peu à dire en ce qui concerne les affaires du pays. Démunis de presque tout, éducation, moyens de communication, ils souffrent d’une lourde répression imposée par le pouvoir. » Et à un cinéma dont il est devenu l’un des plus grands ambassadeurs sur la scène internationale. Le Chaos figurait, cette année, dans les sélections officielles de la Mostra de Venise 2007 et du Festival du Film International de Toronto.
Quelques longueurs, des mièvreries qui font plutôt sourire, participent à un spectacle qui vaut largement le détour. Surtout pour la qualité du message que Le Chaos véhicule. Un vibrant appel à un renouveau de l’Egypte face à un péril clairement identifié.
Le Chaos de Youssef Chahine et Khaled Youssef
Durée : 2h04, titre original : Heya Fawda avec Khaled Saleh, Mena Shalaby et Youssef El Cherif
Le site officiel du film
Lire aussi :
Chahine politiquement incorrect
La comédie selon Chahine