Le « casse tête » des transports urbains en Afrique


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Se déplacer dans une ville africaine est une vraie gageure ! Avec la croissance accélérée de l’urbanisation, les déplacements sont de plus en plus difficiles. Les acteurs s’organisent, inventent des solutions locales adaptées et multiplient les partenariats. Malgré la décentralisation en plein essor, les collectivités locales ont encore du mal à y trouver leur juste place.

Par Florence Le Nulzec, consultante

Les transports urbains sont un enjeu majeur pour les villes africaines d’aujourd’hui. Même s’ils ne sont pas inscrits dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), d’aucuns s’accordent à penser qu’ils ne peuvent plus être négligés. Ils accompagnent le développement et la vie quotidienne, permettent la mobilité des populations vers les centres économiques et sont, de ce fait, source de production de richesse. Les organisateurs du sommet Africités en ont pleinement pris la mesure, en y consacrant une session spéciale. Les problèmes sont clairement définis et les exemples de réponses commencent à voir le jour, laissant espérer quelques améliorations dans les années à venir. Cependant, la part qu’y prennent les collectivités locales reste encore limitée par des compétences le plus souvent restreintes aux aménagements de voiries.

Quand le « système D » remplace le service public

Le Partenariat pour le développement des municipalités, organisateur d’Africités, est à l’origine d’une étude sur les transports urbains dans 8 grandes villes africaines. Ses conclusions, d’où il résulte que les difficultés comme les enjeux sont considérables, font l’objet d’un guide méthodologique[[<*>Guide des collectivités locales africaines pour une gestion de la mobilité urbaine, Partenariat pour le Développement Municipal, sous la direction de Xavier Godard et Claude Baehrel, août 2006 (version provisoire).]], source de réflexion et d’action sur les pratiques actuelles et les difficultés des collectivités locales face à cette problématique. Elles ont également servi de base aux débats, confortées par les témoignages des divers acteurs présents.

Depuis la disparition progressive des sociétés publiques de transport en Afrique (des indépendances aux années 1990), le secteur privé, et surtout le milieu artisanal, longtemps appelé « informel », a pris la place laissée vacante. Ils offrent un service peu lisible (opérateurs multiples), parfois totalement anarchique (pas d’arrêts, pas d’itinéraires, ni d’horaires, des tarifs aléatoires, des conducteurs peu ou mal formés), ils s’avèrent par ailleurs onéreux sur de longs parcours (le prix est établi par courts tronçons successifs) et sont, le plus souvent, surchargés. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes de sécurité routière. Rapide et souple, ce système permet toutefois des déplacements de porte à porte sur les circuits les plus fréquentés et la desserte de quartiers où des véhicules classiques ne peuvent accéder, vu la médiocrité du réseau viaire. Il répond au moins en partie aux besoins de mobilité des populations.

Chaque pays explore ses pistes de solutions

L’expansion rapide (plus de 4% par an) des villes africaines accentue le problème pour une population aujourd’hui en majorité urbaine. Les plus pauvres, ceux qui habitent dans les quartiers de plus en plus éloignés des centres villes, mais qui ont besoin d’y accéder – soit pour travailler, soit pour s’y procurer de quoi développer une activité économique dans leur quartier – sont les plus pénalisés. Les commerçants en tout genre, vendeuses de fruits et légumes, de petites préparations culinaires, se levant tôt et rentrant à la nuit tombée, doivent aller se procurer leurs produits à pieds ou à grands frais de transports. La marche à pied reste le principal moyen de mobilité et les trois quarts des déplacements se font à proximité du domicile.

Les premières autorités organisatrices des transports – d’abord nées au Sénégal (le Conseil exécutif des Transports Urbains de Dakar, CETUD), au Cameroun (la Société camerounaise de transport urbain, SOCATUR), en Côte d’Ivoire (l’Agence des transports urbains, AGETU), et plus récemment au Niger ou au Bénin – tentent de structurer le système. A Dakar, on professionnalise les artisans et un prêt de la Banque Mondiale permet aux opérateurs (avec 25% d’apport) de renouveler leur parc de véhicules. A Douala (Cameroun), on mobilise les transporteurs pour la mise sur pied d’une police municipale régulant la circulation ou pour alimenter et gérer un fonds destiné à l’entretien et l’aménagement de la voirie. Pour sa part, Dar Es Salam (Tanzanie) développe un projet de bus de transit rapide (BRT : Bus Rapid Transit) et Nairobi (Kenya) celui d’un accord avec les « boda-boda » (taxi-vélos) pour améliorer leurs conditions de travail. Et pourquoi pas « taxer les gros véhicules pour contribuer à garder en état les infrastructures ? », propose Madame le Maire de Kampala, seule femme à ce poste en Ouganda. Les solutions émergent selon les réalités et les potentiels de chaque ville.

Une mise en œuvre laborieuse

Cependant, le temps est long entre l’idée, le projet, le passage à l’action et sa visibilité. A ce titre, l’exemple de Dakar laisse rêveur. Si le CETUD[<*>cf article Les routes sont des facteurs de développement] a été créé en 1997 les premières concessions de lignes (une dizaine) ne l’ont été que fin 2005. Le renouvellement du parc autobus commence tout juste et les formations des artisans ne concernent encore qu’une partie des 6 000 conducteurs et 250 receveurs. Et il est de plus en plus difficile de bouger à Dakar ! Pire encore, les premières études alertant sur la situation préoccupante des transports de Nairobi remontent à 1973 et, depuis, le nombre d’ingénieurs de la ville affectés aux transports est passé de 12 à 3… L’ampleur de la tâche et l’absence, pendant longtemps, de portage politique laissent encore sceptique quant à une possible amélioration à court terme. Les syndicats de transporteurs s’organisent avec difficulté, les Etats gardent pour l’essentiel la maîtrise des décisions, y compris celle de structurer l’activité.

La décentralisation est encore récente dans la plupart des pays africains. Et le transport n’est pas une délégation de compétence prioritaire. Elle se limite, quand elle existe, à confier aux villes l’aménagement des infrastructures. Cette place laissée aux collectivités locales dans la problématique des transports urbains leur laisse peu de marge de manœuvre, poussées par leur population mais sans moyens d’agir ! La plupart des élus rencontrés à Africités ont évoqué la mobilité comme une difficulté majeure tout en regrettant de n’avoir aucun moyen, qu’ils soient administratifs ou financiers, pour y travailler.

Pour contacter l’auteur : f.le.nulzec@free.fr

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