A Angers, en France, un couple franco-camerounais a porté plainte mercredi pour « séquestration de mineurs ». Ils sont victimes d’un réseau de trafics d’enfants du Cameroun. Depuis trois mois, leurs deux filles camerounaises sont retenues en otage par des ravisseurs à Chypre qui leur demandent une « rançon » de 6000 euros. Leur mésaventure témoigne d’un problème récurrent au Cameroun.
Un couple habitant la ville d’Angers (France) a porté plainte, mercredi, auprès du procureur pour « séquestration de mineurs ». Ils sont victimes d’un réseau puissant de trafics d’enfants du Cameroun qui aurait, à sa tête, Alain Drouet de la Cibronerie, un évêque français surnommé « le Seigneur Come » au Cameroun. Leurs deux jeunes filles camerounaises sont retenues à Chypre depuis trois mois par des ravisseurs qui leur demandent une « rançon » de 6000 euros avant de les rapatrier en France. «C’est un réseau de trafic international. Ils ont plein d’intermédiaires en Occident et en France. Depuis jeudi soir, une étudiante camerounaise cacherait les deux mineurs dans un studio à Chypre », explique Amély-James Koh Bela, secrétaire générale de l’association Africa Prostitution. « A leur retour, les enfants pourront témoigner de la vérité. Nous ne savons pas dans quelles conditions ils ont été détenus. La plus jeune, Babeth, serait très malade », déplore-t-elle.
La tragédie a commencé en 2003 quand Marie, une femme camerounaise, a fui les violences de son pays. En rejoignant la France, elle a laissé derrière elle ses deux filles à Yaoundé, chez sa sœur. Les années passent et la mère met tout en œuvre pour les faire venir en France. En 2005, elle épouse René Chesnel qui accepte de reconnaître les enfants. Mais la justice française s’y oppose, les actes de naissance fournis étant des faux. Le Consulat bloque rapidement la procédure. Par désespoir, le couple décide d’utiliser d’autres méthodes pour récupérer les enfants. Ils font dès lors appel à des passeurs. Au total, les Chesnel ont déversé au moins 20 000 euros pour les faire rapatrier clandestinement. « Pour rassurer Marie, un des membres du réseau est même venu à Anger ! », s’est exclamée Amély-James Koh Bela. En novembre dernier, les époux ont appris que les deux filles avaient enfin quitté le Cameroun. Mais, contrairement à ce qui été prévu, elles ont été envoyées à Chypre.
Cameroun, plaque tournante des trafics
Un exemple parmi tant d’autres. Ce genre d’histoire tragique n’est pas rare au Cameroun. « Aujourd’hui, l’état des lieux est catastrophique. L’enfant ne peut pas être une source de revenu. C’est tuer l’avenir de la jeunesse. Dès qu’on parle de trafic sexuel, ça gêne et les problèmes restent en suspens », dénonce l’experte. Pourtant, les trafiquants existent bien. La situation géographique du Cameroun en a fait une plaque tournante des trafics d’enfants à des fins d’exploitations domestiques ou sexuelles. Le pays reçoit les personnes mineures venues d’Afrique de l’Ouest et se présente comme un point de départ vers le Gabon et la Guinée Equatoriale, considérés comme les principales zones d’accueil. « Tous les enfants transitent ou travaillent un moment au Cameroun », a rajouté Mme Koh Bela. Selon les résultats d’une enquête organisée par le Cercle international pour la promotion et la création (Cipcre), présidé par Jean Blaise Kemogne, 40% des jeunes filles camerounaises de 9 à 18 ans sont encore victimes d’exploitation à des fins commerciales. Pour Amély-James Koh Bela, le Cameroun a battu tous les records en matière de prostitution, détrônant le Nigeria qui détenait jusque-là la Palme d’Or des trafics humains.
D’après l’experte, les Camerounaises représenteraient 46% des prostituées africaines en France. Ces chiffres ne sont pas à prendre à la légère et une chaîne de solidarité est essentielle pour protéger l’innocence et la dignité des enfants. En avril, une vaste campagne de sensibilisation « coalition : protégeons nos enfants » se déroulera dans le but d’attirer l’attention sur ces commerces illégaux. Les trafics ne concernent pas seulement le Cameroun mais l’ensemble du continent Africain. La Coupe du Monde de football en Afrique du Sud présente aussi de grands risques pour les enfants. La lutte risque d’être longue.
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