Fatiguée de voir ses compatriotes bouder le café du Cameroun, Nelly Nombob est sortie de sa retraite pour créer des produits dérivés de cette graine. Elle a ainsi mis au point du sirop et une liqueur à base de café. Ces produits connaîtraient un certain succès, mais le manque de moyens ne permet pas de démocratiser leur production et leur commercialisation.
Oubliez le café classique, qui échoue goutte à goutte dans votre cafetière. Avec quatre collaborateurs, la retraitée camerounaise Nelly Nombob a mis au point en 2003 un sirop et une liqueur de café pour que ses compatriotes consomment enfin le café que produit leur pays. Ces dérivés existent déjà ailleurs mais cette soixantenaire qui vit à Mbouda, à quelque 40km de Bafoussam (Ouest), estime que sa création au Cameroun s’adapte bien aux réalités socio-économiques du pays. Elle a d’ailleurs déposé le nom et le logo de ses inventions à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle. Toutefois, depuis 2005, l’activité tourne au ralenti à cause du manque de fonds qui mine la production et la commercialisation. Dynamique, souriante et déterminée, Nelly Nombob a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses.
Afrik.com : Pourquoi avoir mis au point ces produits ?
Nelly Nombob : Tout est parti d’une certaine révolte : celle née du fait que nous vivons pauvres alors que nous avons tant de richesses autour de nous. J’écoute toujours RFI et un jour, en 1999, j’ai entendu Jean-Pierre Boris (chronique des matières premières, ndlr) dire que notre café avait été rejeté au niveau de la Haye. J’ai alors réalisé que parce qu’on ne consommait pas notre propre café. J’ai décidé de le démystifier pour qu’au moins une partie soit consommée par la population. Je me suis demandée comment faire un café buvable à tout moment, en dépit des coupures de courant de plus en plus nombreuses que nous connaissons. Car si on a une cafetière et qu’il n’y a pas d’électricité, elle ne nous servira à rien !
Afrik.com : Comment en êtes-vous arrivée à créer un sirop et une liqueur ?
Nelly Nombob : Je bois mon café amer, mais j’ai constaté que les gens mettent toujours quatre à cinq carreaux de sucre dans leur tasse. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de faire un sirop. Les femmes et les jeunes l’adorent parce qu’il est bien sucré, mais les hommes me disaient à chaque fois qu’ils préféraient l’alcool. J’ai donc créé la liqueur de café.
Afrik.com : Quels sont vos tarifs ?
Nelly Nombob : Pour le sirop, 800 FCFA pour un quart de litre et 1 500 FCFA pour la même quantité de liqueur. Ce prix s’explique par le fait que la fabrication est artisanale. Si nous pouvions produire en quantité industrielle, le prix serait plus bas.
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Afrik.com : Les clients potentiels sont rebutés par l’emballage…
Nelly Nombob : C’est un problème. L’emballage ne donne pas envie : jusqu’à présent nous utilisons des bouteille en plastique d’eau minérale. Si j’arrivais à faire des sachets doses esthétiques comme font ceux qui vendre de l’alcool, on pourrait vendre directement sur le marché.
Afrik.com : La première dame, Chantal Biya, a été attirée par vos produits lors de la Journée internationale de la femme du 8 mars. Votre action est-elle soutenue dans les faits ?
Nelly Nombob : On ne nous soutient pas. Je suis désolée de le dire comme ça, mais ces personnes ont des gorilles autour d’elles. On ne les approche pas comme ça ! J’ai entendu dire à la télévision que le pays allait relancer la filière du café. Ils ne savent pas quoi en faire mais ils ne nous approchent pas. Lorsque le patron de la coopérative de planteurs Uccao (Union centrale des sociétés coopératives agricoles de l’ouest, ndlr) a vu ce que nous faisons, en 2005, il a réprimandé tous ceux qui étaient autour de lui, se plaignant qu’on ne lui avait pas dit que nous faisions de telles choses avec le café. J’ai cru qu’il allait nous permettre d’utiliser sa structure pour notre production, mais non.
Afrik.com : Comment vous faites-vous connaître ?
Nelly Nombob : Tous les deux ans, un ONG fait une foire internationale à Yaoundé. La première année nous avons été sponsorisés par le Pnud (Programme des Nations Unies pour le développement, ndlr) et en 2005 par le ministère de l’Economie et des Finances pour que nous puissions nous faire connaître et dire que le café ne se boit pas forcément chaud. Nous allons aussi sur les marchés pour faire déguster nos produits à moindre coût. Les gens sont agréablement surpris de voir que l’on peut boire le café de cette façon. A Nkongsamba, dans la province du Littoral (Sud-Ouest, ndlr), nous avons fait découvrir aux planteurs notre liqueur et ils étaient très heureux. La plus grande publicité que nous ayons faite était de donner gratis nos produits à des musulmans qui partaient à la Mecque, car ils nous disaient qu’ils adorent tout ce qui est à base de café. Mais on n’a jamais eu de retour. Avec le succès que nous avons eu le 8 mars, nous envisageons de faire du porte à porte.
Afrik.com : Comment financez-vous vos activités ?
Nelly Nombob : Nous sommes cinq, réunis dans un GIC (groupement d’initiative commune, ndlr) et nous nous cotisons pour acheter le café. Quand nous avons la chance d’avoir quelques bénéfices, nous utilisons l’argent pour acheter le sucre. Mais tout devient si cher… D’autant que nous nous sommes endettés à la grande foire Promote, où nous nous étions rendus pour chercher des partenaires. Jusqu’à présent, nous n’arrivons pas à rembourser.
Afrik.com : Vous avez aussi créé du sirop et de la liqueur de gingembre et d’oseille (utilisée pour faire le bissap)…
Nelly Nombob : Beaucoup de Camerounais, et d’Africains en général, ont dans la tête que le café peut faire du mal. J’ai donc essayé de trouver une alternative qui puisse apporter un maximum de clients. Pour ce qui est du gingembre, dont les recettes sont au point depuis 2003, c’est surtout la liqueur qui marche bien : les hommes aiment bien se saouler (rires). Quant au sirop, on peut s’en servir comme anti-grippal. Pour ce qui est de l’oseille, on n’en fait pas trop du sirop au Cameroun comme au Sénégal, où j’ai été déléguée médical. Il y a deux mois, j’ai fait un sirop et une liqueur. Mais comme la couleur rouge ressemblait à celle du vin, les gens buvaient la liqueur sec, sans diluer. Alors je l’ai diluée moi-même pour qu’elle soit à 15%-20% d’alcool. Je veux vendre, mais pas rendre les gens malades !
Afrik.com : Quels sont vos projets ?
Nelly Nombob : J’ai d’autres idées concernant le café. J’ai en tête d’inventer un café liquide prêt à l’emploi, parce qu’avec le sirop il faut encore diluer avant de boire. J’aimerai aussi fabriquer une crème de café prête à tartiner pour le petit-déjeuner.