Le Bwiti ensorcelle Montpellier


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Une première mondiale. Les 25 et 27 juillet dernier, la très secrète ethnie gabonaise des Tsogho se produisait à l’étranger. Le public du Festival de Radio France a découvert, à Montpellier, les Nuits du Bwiti, le culte sacré des ancêtres. Subjuguant.

Tout était fin prêt jeudi pour accueillir les Nuits de Bwiti. Les 25 et 27 juillet, de 20 heures à l’aube, à l’initiative du Festival de Radio France et du futur musée du quai Branly, le groupe d’initiés Gnima Na Kombwe allait célébrer le Bwiti, à la fois culte des ancêtres et mythe des origines de l’ethnie Tsogho, dans le parc du Château d’Ô à Montpellier. Bien loin de son Gabon natal. Une première mondiale, obtenue à force de négociations avec les autorités religieuses et d’un travail acharné pour recréer à l’identique le temple et la configuration des lieux sacrés. Restait une inconnue : la réaction du public. Et sa capacité à saisir la symbolique et la portée du Bwiti.

Incertitudes

 » Il est impossible de savoir ce qui va se passer ce soir. Pendant le rituel, chacun s’investit à sa manière, en fonction de sa personnalité », commentait inquiète Sylvie Le Bomin, ethnomusicologue et directrice artistique et scientifique des Nuits, à quelques heures de la cérémonie. Jérôme Mba Bitôme, professeur à l’université Omar Bongo de Libreville et spécialiste du Bwiti, traduisait a posteriori les craintes des bwitistes :  » L’attitude du public nous inquiétait beaucoup. Après tout, la population française passe pour être très rationnelle ! Jamais nous n’aurions imaginé une telle participation.  »

Rien en effet ne le laissait présager lorsque, à 20 heure,s plusieurs centaines de spectateurs prennent place autour du temple aux sons lointains de la harpe, des tambours et du chant des initiés encore invisibles. Les plus curieux se plongent dans la lecture du livret explicatif. Pendant que d’autres cherchent à se procurer  » le programme de la soirée » et que les enfants trépignent d’impatience. Et lorsque le groupe apparaît enfin en dansant et en chantant, un léger flottement parcourt l’assistance. Le temps de décider si elle doit applaudir comme au spectacle ou rester discrète. Même Pierre Amoungho-Mba, ministre de la Culture gabonais, est sur la réserve :  » Je suis ce soir comme le public français. J’ai fait une bonne partie de mes études ici, alors je regarde cela un peu de l’extérieur.  »

Contagieuse ferveur

Cependant le rythme s’accélère. Danseurs, acrobates et avaleurs de feu -petite concession spectaculaire au public occidental- investissent les abords du temple. Et le public s’enhardit avec eux. Les gens applaudissent, frappent dans leurs mains et dansent autour des bwitistes. Quitte à les envahir un peu et à obliger M. Mba Bitôme à intervenir pour qu’ils regagnent leurs places.

Mais au fil des heures, l’ambiance change. L’iboga aidant -cette substance hallucinogène qui favorise la communication des initiés avec les ancêtres- la ferveur se fait plus perceptible. Et gagne le public. Jusqu’au ministre qui se met à disserter sur les pouvoirs de l’iboga pour relier l’individu à son passé. Et peu à peu le recueillement l’emporte.  » Nombreux sont ceux qui venaient me poser des questions très pertinentes. Cela montre bien qu’ils saisissaient la portée du rituel. D’autres repassaient chez eux prendre des couvertures pour assister à la cérémonie jusqu’à l’aube », explique Jérôme Mba Bitôme.

 » Les ancêtres étaient là, c’est certain. D’ailleurs, tout au long du rituel les enfants n’ont pas eu peur et ont continué à jouer. Pour nous c’est le signe de leur présence.  » Et le public n’a pas tardé à le faire savoir. Dès le lendemain les coups de téléphone affluaient pour assister à la nuit de samedi. Et on réfléchissait déjà aux précautions à prendre pour contenir l’enthousiasme de la foule.

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