Dans une démarche historique de souveraineté économique, le Burkina Faso a nationalisé deux importantes mines d’or et vient de recevoir ses premiers lingots issus d’une production locale. Cette initiative, qui s’inscrit dans un mouvement régional de reprise en main des ressources naturelles, marque un dans la politique minière du pays à l’image de ce qui a été fait au Mali voisin.
Le Burkina Faso a pris une décision stratégique majeure pour accroître ses revenus issus du secteur minier : deux mines d’or ont été nationalisées afin de renforcer le contrôle de l’État sur cette ressource précieuse. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de souveraineté économique et de développement alors que les premiers lingots issus de cette reprise viennent d’être remis au gouvernement.
Une nationalisation stratégique après un conflit judiciaire
Les mines d’or de Boungou et Wahgnion appartiennent depuis quelques mois à l’État burkinabè après des accords conclus avec les sociétés minières Endeavour Mining et Lilium Mining. Cette décision intervient à la suite d’un différend judiciaire qui opposait ces deux groupes. En juin 2023, la société canadienne Endeavour Mining avait cédé ses parts à l’américaine Lilium Mining, dirigée par Simon Tiemtoré, homme d’affaires d’origine burkinabè. Le non-respect des échéances de paiement avait conduit Endeavour à saisir la justice.
L’État burkinabè a résolu le litige en concluant un accord de rachat pour 60 millions de dollars, assorti de redevances sur une production de 400 000 onces d’or, portant le total de la transaction à 90 millions de dollars. Cette reprise stratégique permet à l’État de garantir des revenus plus substantiels et de prendre une part active dans la gestion des ressources minières.
Premiers lingots : symbole d’une nouvelle ère
Les effets de cette politique se sont rapidement matérialisés. Le 10 décembre 2024, le Premier ministre burkinabè, Jean Emmanuel Ouédraogo, a réceptionné 44 lingots d’or d’un poids total de 93,197 kg. Ces lingots proviennent de la mine d’Essakane, dont le différend avec l’État a été réglé à l’amiable en décembre 2023. La production a été assurée localement par Golden Hand SA, une société mixte détenue à 40 % par l’État et à 60 % par le secteur privé national, qui a traité 142,37 tonnes de charbon fin.
Le Premier ministre a salué cette étape comme une avancée cruciale pour l’autonomie économique du pays. « Plus jamais notre charbon fin n’ira hors du pays pour être traité. Il sera traité efficacement par nos chimistes, avec une technologie 100 % burkinabè », a-t-il affirmé. Cette décision vise à promouvoir l’expertise locale et à conserver la valeur ajoutée sur le sol national.
Un mouvement régional porté par l’exemple malien
Cette politique de reprise en main des ressources naturelles n’est pas une initiative isolée. Le Mali, voisin du Burkina Faso, a également lancé une offensive sans précédent contre les compagnies minières étrangères. Le gouvernement de transition a exigé 512 millions de dollars d’arriérés fiscaux du géant canadien Barrick Gold, tout en menant une série d’actions spectaculaires, notamment l’arrestation de Terry Holohan, directeur général de Resolute Mining Ltd, et de plusieurs cadres de cette société australienne.
Le ministre des Mines malien, Alousseni Sanou, a annoncé une révision des contrats avec plusieurs grandes compagnies, dans le but d’augmenter la participation de l’État dans les projets miniers de 20 % à 35 %. Cette réforme vise à maximiser les retombées économiques pour la population et à favoriser l’emploi local. L’offensive malienne envoie un signal clair : les contrats déséquilibrés appartiennent au passé, et les entreprises minières étrangères devront désormais contribuer de manière significative au développement national.
Vers une augmentation de la production aurifère
La nationalisation des mines au Burkina Faso s’inscrit dans une ambition plus large d’accroître la production aurifère. Le pays compte intensifier son exploitation minière avec l’entrée en service prochaine de la mine de Kiaka, prévue pour le troisième trimestre 2025. Avec une capacité de production annuelle estimée à 234 000 onces, cette mine, développée par West African Resources, devrait renforcer le statut du Burkina Faso comme l’un des principaux producteurs d’or d’Afrique de l’Ouest.
Selon les projections, le Burkina Faso ambitionne de produire plus de 4,2 millions d’onces d’or sur la prochaine décennie, avec un pic attendu en 2030 à 494 000 onces par an. La mine de Sanbrado, également exploitée par West African Resources, devrait quant à elle fournir entre 190 000 et 210 000 onces en 2024.
En promouvant l’expertise nationale, en augmentant la participation de l’État et en luttant contre les contrats déséquilibrés, le Burkina Faso et le Mali veulent bâtir l’économie de l’Afrique de demain.