Salif Diallo, le ministre burkinabé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, a visité cette semaine des plantations expérimentales de coton transgénique situées dans l’Ouest du pays. Il s’est voulu rassurant sur les atouts économiques du « coton OGM », mais pas assez pour convaincre les militants anti-OGM.
Le Burkina Faso, premier producteur africain de coton, teste actuellement des variétés locales de coton génétiquement modifiés : le FK37 et le FK290 (FK pour Farakoba, la variété cultivée au Burkina). Le ministre burkinabé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo a visité, en début de semaine, les plantations concernées. « Le coton OGM est une production d’avenir en ce sens qu’elle va réduire les coûts de production pour les paysans en éliminant 4 des 6 ravageurs du cotonnier qui existent au Burkina », a affirmé le ministre. L’espoir que suscite le coton OGM ne fait cependant pas l’unanimité, notamment parmi les militants anti-OGM.
« Pour l’instant, on n’en connaît pas encore les conséquences au plan sanitaire et écologique. Vous savez que le coton, ici au Burkina, est utilisé dans l’alimentation sous forme d’huile, que les grains sont utilisés pour la préparation de sauces, que les tourteaux de coton servent à nourrir les vaches… On ne sait, par exemple, si le lait d’une vache nourrie ainsi contiendra des résidus susceptibles d’être transmis à l’homme. Par ailleurs, la plupart des producteurs de coton sont des petits paysans qui n’ont pas le niveau de technicité requis pour adopter cette nouvelle technologie. Nous avons déjà mis en point au Burkina des variétés hybrides qu’ils ont été incapables d’adopter, faute de détenir les compétences nécessaires.» Ce sont là quelques unes des inquiétudes de Bernadette Ouattara, formatrice à l’Inades-Formation Burkina Faso, relais burkinabé de la Coalition pour la préservation du patrimoine génétique africain (Copagen). L’objectif de cette organisation panafricaine, née en janvier 2004 en Côte d’Ivoire, est de sensibiliser aux risques liés à l’utilisation des OGM. Selon l’activiste burkinabé « si l’on s’en tient, aux différentes conventions internationales relatives aux OGM que le Burkina Faso a signé, un cadre législatif doit d’abord être mis en place avant toute introduction. Cela n’a pas été le cas ». Les premières expérimentations sont autorisées au Burkina Faso en 2003 et le cadre législatif sera mis en place en 2005.
Informer le monde rural de tous les risques
En matière d’OGM en Afrique de l’Ouest, ce pays fait figure de pionnier, mais les premiers essais sur son territoire se sont faits à l’insu de l’opinion publique, constate Mme Ouattara. « Il a fallu que la société civile burkinabé soulève la question lors d’un atelier national pour que ces expériences soient révélées. Ces firmes forcent un peu les choses parce qu’elles savent que dans nos pays, nous ne sommes pas toujours bien informés ». Des scientifiques auraient été approchés dans les années 96-97 par les entreprises en question, mais auraient refusé de collaborer en évoquant l’absence de cadre législatif approprié pour développer ces nouvelles technologies.
« Il faut informer et dire toute la vérité aux paysans qui vont se voir proposer l’option du transgénique, plaide la militante. Si on ne leur fait miroiter que les gains de productivité, bien évidemment qu’ils seront prêts à l’adopter. Les gens doivent choisir en connaissance de cause. Ils se verront peut-être offrir dans un premier temps ces semences. Comme ils se sont vus, par exemple, offrir des engrais dans le cadre de la Révolution verte. Mais cette fois-ci, pour être finalement contraints de signer des contrats. Etant pour la plupart analphabètes, ils ne sauront même pas à quoi ils s’engagent.»
Disponible dans « deux ou trois ans »
Ces nouvelles variétés de cotonniers permettraient d’utiliser nettement moins de pesticide. « Un effet bénéfique pour l’environnement », note Georges Yameogo, directeur de la production cotonnière de la Société burkinabé des fibres textiles (Sofitex). Elles permettraient ainsi de réduire les coûts de production par hectare de 36 000 F CFA (environ 50 euros). Argument que Bernadette Ouattara remet en cause. « A quel moment ont-ils pu effectuer des études économiques ? A ma connaissance, il s’agissait plutôt de vérifier que ce coton est adapté au Burkina Faso. Au vu de tout cela, nous disons qu’il faut y aller doucement. Autrement, parce qu’on touche à la génétique, à l’essence de la vie, ce sera un pas de trop.»
Pour elle, le problème du Burkina Faso n’est pas lié à la production. « Mais c’est de vendre son coton à un prix rémunérateur sur le marché mondial. Ce sont [les Américains] qui subventionnent leurs cotonculteurs. Nous savons également que pour que la culture de ces OGM soit rentable, il faut les cultiver sur de grandes surfaces. Ce que ne sont pas en mesure de faire les petits producteurs. Ne risquent-ils pas de se transformer en ouvriers agricoles sur les grandes plantations de ces grosses firmes ? Est-ce là une manière de lutter contre la pauvreté. On peut se demander dans quel intérêt on souhaite que soit développé ce coton transgénique si cela équivaut à faire disparaître les petits producteurs ? » Selon Georges Yameogo, si les résultats des expériences menées sur le Farakoba s’avéraient concluantes, le coton transgénique serait disponible au Burkina dans « deux ou trois ans ».
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