Lors d’un sommet ordinaire tenu dimanche à Abuja, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont annoncé une prolongation de six mois pour les régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger, après leur départ officiel de l’organisation prévu pour fin janvier 2025. Cette décision intervient dans un contexte tendu entre l’organisation ouest-africaine et ces pays, gouvernés par des régimes militaires depuis plusieurs années.
Une période de transition jusqu’en juillet 2025
Lors de son discours d’ouverture, Omar Touray, président de la Commission de la Cedeao, a expliqué que les trois pays concernés, bien que devant quitter l’organisation à partir du 29 janvier 2025, bénéficieront d’une « période de transition » jusqu’au 29 juillet 2025. Cette mesure a pour but de maintenir « les portes de la Cedeao ouvertes » pendant cette période, tout en donnant aux régimes militaires le temps de reconsidérer leur décision de retrait. Selon les règles de l’organisation, les pays en question ne seront plus membres de la Cedeao après le 29 janvier 2025, mais l’option d’une réintégration reste ouverte, du moins dans un futur proche.
Avant le sommet, les régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont réaffirmé leur intention de quitter définitivement la Cedeao, qualifiant leur départ d’« irréversible ». Ils ont justifié cette décision en estimant que l’organisation était utilisée comme un outil de la France, une accusation qui reflète l’intensification des tensions entre ces pays et l’ancienne puissance coloniale. Malgré cette rupture, la Cedeao continue de saluer les efforts diplomatiques en cours pour tenter de maintenir les liens avec ces nations.
Les médiations pour apaiser les tensions
Des efforts de médiation ont été engagés pour éviter une rupture totale. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, désigné médiateur entre les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) et la Cedeao, a participé au sommet d’Abuja. La semaine précédente, Faye avait évoqué des « progrès » dans ses négociations, affirmant qu’il n’y avait aucune raison que ces pays rompent définitivement leurs relations avec la Cedeao, notamment en raison de la situation sécuritaire dans la région.
En parallèle, le président togolais Faure Gnassingbé a également joué un rôle de médiateur entre l’AES et la Cedeao au cours des derniers mois. Lors du sommet, la Cedeao a prolongé le mandat de médiation des Présidents du Sénégal et du Togo jusqu’à la fin de la période de transition, dans l’espoir de ramener les trois pays membres au sein de l’organisation. Cette extension vise à favoriser un dialogue constructif, bien que la situation reste complexe, et à éviter un isolement complet des régimes militaires.
Les origines de la crise : les coups d’État successifs
La rupture entre la Cedeao et les pays du Sahel est survenue après le coup d’État au Niger, en juillet 2023, qui a été le sixième coup d’État en Afrique de l’Ouest en trois ans. Avant cela, le Mali et le Burkina Faso avaient connu deux renversements de gouvernement militaires chacun, et la Guinée un autre. Ces événements ont créé un climat de méfiance croissante vis-à-vis de la Cedeao, qui, dans le passé, a souvent réagi de manière ferme, notamment en imposant des sanctions économiques et en menaçant d’interventions militaires pour restaurer l’ordre constitutionnel.
Bien que les sanctions contre le Niger aient été levées depuis, la Cedeao reste déterminée à prévenir de nouveaux coups d’État dans la région et à restaurer la stabilité. Le départ des trois pays de la Cedeao représente une évolution importante pour l’organisation, qui se retrouve face à une situation de plus en plus complexe. Tandis que certains estiment que la médiation peut encore aboutir à une réconciliation, d’autres craignent que cette rupture n’aboutisse à un isolement diplomatique de ces nations.
Le contexte régional, marqué par l’instabilité sécuritaire, la montée des groupes armés et les tensions géopolitiques, complique encore la situation. En attendant, la Cedeao continue de chercher une issue pacifique, même si la reconquête de la confiance des régimes militaires semble de plus en plus difficile.