Le Burkina Faso dans la ligne de mire : après Sankara, une nouvelle cible de l’impérialisme occidental ?


Lecture 4 min.
Pression sur le Burkina Faso

Alors que le Burkina Faso intensifie ses partenariats avec la Russie, un haut gradé américain met en garde contre des choix jugés néfastes pour le peuple burkinabè. Une sortie qui réveille les fantômes de l’histoire.

Le 3 avril 2025, le général américain Michael Langley, commandant de l’US AFRICOM, déclarait devant le Sénat des États-Unis que les partenariats du Burkina Faso, notamment avec la Russie, ne profiteraient pas à la population. Une déclaration lourde de sens, qui résonne comme l’écho d’un passé que le Burkina n’a jamais oublié : celui de l’assassinat de Thomas Sankara en 1987, orchestré avec la complicité tacite d’intérêts extérieurs inquiets face à sa politique souverainiste et panafricaniste.

Dans sa déclaration officielle, le général Langley a exprimé une inquiétude stratégique quant aux alliances du Burkina Faso avec la Russie et d’autres acteurs non occidentaux, notamment en lien avec le groupe Wagner. Selon lui, ces partenariats seraient « préjudiciables à long terme » et ne serviraient pas les « véritables intérêts du peuple burkinabè ». Mais au nom de quel principe une puissance étrangère peut-elle s’arroger le droit de juger des choix diplomatiques d’un État souverain ?

Le gouvernement de transition burkinabè n’a pas tardé à réagir. Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, il a qualifié ces propos de « regrettables, infondés et dénués de toute preuve concrète », affirmant que le Burkina a pleinement le droit de choisir ses partenaires en fonction de ses priorités sécuritaires et de développement (LeFaso.net, avril 2025). Confronté à des attaques terroristes depuis près d’une décennie, le pays a choisi de réorienter sa diplomatie vers des partenaires qui respectent sa souveraineté – la Russie en tête.

Le spectre de Thomas Sankara hante inévitablement cette séquence politique. Le président révolutionnaire, figure emblématique de l’Afrique des peuples, avait osé défier les logiques impérialistes, rejeter la dette, et imposer un modèle de développement endogène. Il fut assassiné à 37 ans dans un contexte où les puissances occidentales voyaient d’un très mauvais œil son influence croissante. Aujourd’hui, alors que le Burkina s’éloigne de l’orbite française et américaine, les critiques pleuvent de nouveau.

L’histoire récente nous assène une vérité dérangeante : lorsque les pays du Sud s’écartent de l’axe occidental, ils deviennent des cibles. L’Irak de Saddam Hussein, la Libye de Kadhafi, ou plus récemment la Syrie, en sont des exemples criants. Toujours justifiées au nom de la « protection des populations » ou de la « démocratie », les interventions américaines ont semé le chaos, la misère et l’instabilité pour des générations entières.

Les propos du général Langley pourraient bien marquer le début d’un narratif de légitimation – celui qui précède souvent les sanctions, les sabotages économiques, ou pire, les ingérences militaires. En ciblant le Burkina Faso, les États-Unis envoient un message à toute l’Afrique : toute volonté d’émancipation hors du giron occidental sera systématiquement combattue, par la politique ou par la force.

Le véritable enjeu est donc là : le droit des peuples africains à choisir librement leur destin, leurs partenaires, leurs idéologies. Il est temps de dire non à cette tutelle masquée sous les habits de la démocratie. Le cas du Burkina Faso ne relève pas seulement d’un débat de politique étrangère ; il incarne un symbole de la lutte entre souveraineté assumée et domination perpétuée.

L’histoire semble vouloir se répéter, mais les peuples, eux, ne sont plus les mêmes. Le Burkina d’aujourd’hui, malgré ses difficultés, est debout, fier et lucide. À l’heure d’un monde multipolaire, aucun pays ne devrait être sommé de choisir entre soumission ou punition. L’Afrique a le droit de tracer sa voie, même si elle déplaît à l’Oncle Sam.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News