Vingt femmes, vingt points de vue sur l’actualité dans le monde et le quotidien dans leur dix pays d’origine. « Le blog des femmes » est le produit fini d’un séminaire de formation sur les nouveaux médias dispensés à des femmes de média de la zone euro-méditerranéenne. L’une d’elle, la journaliste marocaine Hasna Boufkiri évoque cette expérience unique.
Vingt femmes issues du monde des médias de la zone euro-méditerranéenne ont été formées en novembre 2007 aux nouveaux médias et à leur appropriation par les femmes. Une initiative conjointe de la Fondation Anna Lindh, de la Conférence permanente de l’audiovisuel euro-méditerranéen (Copeam), de la Bibliothèque d’Alexandrie, du journal libanais L’Orient-Le Jour et de Canal France International (CFI). De cette formation est né « Le blog des femmes », un portail fédérateur et un bébé blog de six mois nourri de plus de 400 posts inspiré du quotidien et du regard sur l’actualité de ses animatrices. Ces dernières envisagent d’en assurer la pérennité et l’ouverture en se réunissant dans le cadre d’une association dont la Corse abritera le siège, révèle la pétillante journaliste marocaine Hasna Boufkiri, un véritable phénomène dans son pays. A 22 ans, cette journaliste-reporter et présentatrice du JT en français à la télévision nationale marocaine (RTM) et blogueuse très avertie est la benjamine d’un projet en phase avec l’actualité politique de cet espace géographique. Sur « Le blog des femmes », Hasna Boufkiri a notamment fait écho aux déboires judiciaires d’un jeune marocain qui avait usurpé l’idendité du prince Moulay Rachid, le frère de Mohamed VI sur le réseau social Facebook. Fouad Mourtada a été récemment grâcié par le souverain marocain.
Afrik.com : Vous êtes l’une des blogueuses qui participe au projet Newslab, « Le blog des femmes » qui est né à la suite d’une formation sur l’appropriation des nouveaux médias par les femmes ? Comment ce projet est arrivé jusqu’à vous ?
Hasna Boufkiri : J’ai répondu à l’appel à candidature qui a a été fait sur le site de la Copeam pour suivre cette formation. C’est une thématique qui m’intéresse et m’interpelle. L’Internet a toujours été pour moi un espace de liberté supplémentaire. Je peux faire sur Internet ce que l’on ne me donne pas le droit de faire ailleurs. J’ai également beaucoup œuvré dans le monde associatif pour lequel la toile est une exceptionnelle plate-forme d‘échanges. Pendant cette formation, nous avons appris à mettre en place un blog, faire des podcasts, à produire du contenu pour l‘alimenter, aussi bien avec des sujets sérieux que ceux relevant de notre vie personnelle.
Afrik.com : Outre l’aspect technique qui vous était familier compte tenu de votre rapport au Net et aux images, que vous ont apportés la formation et plus tard le Newslab ?
Hasna Boufkiri : Le véritable plus de cette formation a été cette rencontre avec dix-neuf autres femmes venus d’horizons très différents, de vivre le quotidien des gens à travers leur regard. Lelia (Mehzer, journaliste à L’Orient-Le jour et coordinatrice du Newslab), par exemple, m’a non seulement apporté son éclairage de journaliste sur la guerre au Liban qui avait fait l’actualité récente, mais aussi son éclairage de femme qui a vécu cette guerre au quotidien. Son témoignage et son vécu ont enrichi ma propre perception de journaliste marocaine qui traitait cette guerre sous le seul prisme de l’actualité. Le blog est un espace supplémentaire d’expression. Je peux m’étendre sur des sujets qui m’interpellent et que je ne peux pas traiter, par exemple, plus en avant dans mon journal. Comme le problème de la leishmaniose qui sévit dans la région de Zagora, dans le Sud-Est marocain. Je me sens en sécurité quand je m’exprime sur le blog parce que j’ai le soutien de 19 autres femmes. L’une de nous, Shahinaz, milite activement contre le régime d’Hosni Moubarak en Egypte. Elle nous avait informées de la détention d’un de ses amis blogueurs à qui nous avons envoyé une lettre de soutien. Elle lui a valu d’être torturé après sa réception. Ce qui a donné lieu à de nouvelles manifestations qui ont coincidé avec de nouvelles autres contre la vie chère dont Shahinaz a fait écho sur notre blog. Nombres de ses camarades ont été arrêtés durant ces évènements, mais la police l’a épargnée quand elle a leur appris qu’elle participait au Newslab avec 19 autres femmes.
Afrik.com : L’actualité et le quotidien vus par des femmes présentent-ils des particularités ?
Hasna Boufkiri : Je lisais un article la semaine dernière qui disait que le regard des femmes est empreint de plus de justice que de rationalité. Je trouve que cela correspond parfaitement à ce qu’on lit, à ce qui est posté sur « Le blog des femmes ». Il y a aussi cette synergie particulière entre nous qui venons d’horizons si différents.
Afrik.com : Le calendrier politique qui verra la naissance de l’Union pour la Mediterrannée en juillet prochain est-il à mettre en lien avec votre blog, ou ce sont pour vous deux choses complètement différentes ?
Hasna Boufkiri : On peut tout aussi bien les différencier que constater que cela tombe à point nommé. Je le disais récemment à Bucarest, où nous nous nous étions réunies, que notre blog, cette expérience unique d’interculturalité, est la matérialisation d’un concept qui jusqu’ici, justement, n’en était qu’un. Nous donnons corps à une question qui a toujours été abordée de façon très abstraite.
Afrik.com : Si vous deviez évaluer la liberté d’expression dans votre pays et la contribution du Net à son intensification, qu’en diriez-vous ?
Hasna Boufkiri : Pour ce qui est du développement du net, le Maroc roule à deux vitesses. Il est très important dans les grandes villes du pays comme Casablanca, Rabat ou Tanger. Il en est autrement dans le reste du pays. Quant à la liberté d’expression, nous avons fait de nombreux progrès mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Je pense à des journaux comme Tel quel et bien d’autres tout aussi contestataires qui existent aujourd’hui au Maroc. On sent bien que les années de plomb et la répression exercée sur et autour de l’information sont derrière nous, sont complètement dépassées. Mais dans chaque pays, il y a des lignes rouges [[Au Maroc, la monarchie et la question du Sahara Occidental qui est une affaire d’Etat, restent des questions sensibles, ndlr]].
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