Le « Black History Month » (mois de l’histoire noire) était commémoré fin février dans la Dorothy’s gallery, à côté de la Bastille, dans le 11e arrondissement de Paris.
On se salue chaleureusement à l’accueil de ce petit espace réservé à la culture américaine. Un public d’habitués se croise, notamment des couples, en majorité des expatriés américains venus assister à l’événement, intitulé Black Voices in Paris (les voix noirs à Paris). Une bonne moitié de Noirs dans la salle venus pour célébrer « leur » mois, le mois de février aux Etats-Unis et au Canada, celui d’octobre au Royaume-Uni.
C’est un mois de souvenir, l’occasion de se rappeler des personnages et des événements importants dans l’histoire de la diaspora africaine. Le mois de l’histoire noire est instauré aux Etats-Unis par Gerald Ford en 1976, qui reprend le week-end de l’histoire noire créé par l’historien Carter G. Woodson en 1926. La Dorothy’s gallery fête cet événement tous les ans au mois de février, depuis 2006. Pour Dorothy Polley, à la tête des lieux, l’organisation de cette soirée « fait partie de notre engagement ».
Une commémoration institutionnelle
Un engagement notamment en faveur du parti démocrate américain et de Barack Obama. La galerie a soutenu la candidature du Président américain pendant sa première campagne électorale par une exposition Barack Obama in Paris, organisée avec le soutien du Democrats Abroad France, section du parti démocrate à l’étranger, du Comité français de soutien à Obama, et même du quotidien satirique français Charlie Hebdo.
Des éclats de rire, une ambiance chaleureuse, du vin est servi aux convives, les Américains sont chez eux à Paris, ce vendredi 28 février. Dorothy Polley est à l’entrée et honore ses invités d’un large sourire. La petite entrée laisse place à une salle à l’arrière de la galerie où vont avoir lieu deux conférences ainsi qu’un concert de jazz soul.
« La plus américaine des galeries parisiennes », comme elle aime à se faire appeler, se remplit progressivement tout au long de la soirée et finit par être comble pour le concert de fin. Une jeune artiste originaire de la Californie, Shola Adisa-Farrar, livre une prestation de jazz pas à la hauteur de son talent, elle n’est malheureusement pas aidée par son hésitant pianiste. Parmi ses compositions personnelles, celle en mémoire de Trayvon Martin, nous rappelle le thème de la soirée, du nom du jeune Afro-américain de 17 ans tué en février 2012 par un civil en charge de la surveillance de son quartier.
La célébration de la mémoire aux dépens de la dimension historique
La première conférence nous présente l’origine de ce mois de l’histoire noire par une puriste du Black History Month, Ellen Kountz. Elle dit s’attacher à la version officielle de cette commémoration. Rien d’étonnant pour celle qui est membre de la section officielle du Parti démocrate pour les Américains à l’étranger. Mme Kountz nous présente l’histoire du Civil Right Act de 1964, l’acte des droits civils qui abolit la ségrégation aux Etats-Unis. C’est le thème officiel du Black History Month, choisi par les Etats-Unis. « C’est un vrai travail d’amour, de mémoire de ma communauté», explique cette militante qui travaille depuis plus de 20 ans dans la finance, et qui qualifie l’esclavage de « torture institutionnelle ».
« En France, on ne reconnaît pas le communautarisme »
« En France, on ne reconnaît pas le communautarisme », déclare Ellen Kountz, c’est un « problème ». La participation au nouvel an chinois ou toute autre journée dédiée à une communauté spécifique ne lui pose pourtant aucun problème, justifie-t-elle face à un public composé presque exclusivement d’anglophone, au cours d’une conférence qu’elle fait néanmoins en français.
C’est un public attentif et réceptif qui assiste à une deuxième conférence, cette fois en anglais, sur les soldats noirs américains pendant la première guerre mondiale et le ragtime, animé par un historien américain spécialisé sur l’Europe, Curtis Young. L’accent est mis sur l’accueil réservé par les Français aux soldats noirs américains. Ils étaient considérés, selon le conférencier, comme « des hommes au même titre que les autres », à la différence de la place d’homme noir, inférieur au statut de Blancs qu’ils occupaient aux Etats-Unis. La France acquiert alors une bonne réputation chez les Afro-américains parmi lesquels certains sont attirés par ce pays, notamment Joséphine Baker, chanteuse et danseuse de grande renommée. Et Curtis Young de préciser que « les Noirs de l’armée ont amené la modernité en France ».
« Le racisme fait partie intégrante de l’esprit américain »
« La première guerre mondiale montre les origines du rapprochement entre les deux pays », déclare Dorothy Polley. Elle poursuit en indiquant que « la soirée représente l’essence du Black History Month » en montrant ce que les Afro-américains « ont vécu, tout ce qu’ils ont apporté à la culture américaine ».
« C’est une soirée très importante », ajoute-t-elle encore. Elle dit avoir vécu l’évolution du « racisme extrême » jusqu’à aujourd’hui, dans la société américaine, notamment dans sa famille « à moitié noire ». « Les Etats-Unis ont un côté raciste qui fait partie intégrante de l’esprit américain et qui ne va pas s’effacer comme ça », conclut Dorothy Polley.
Et cette phrase de fin de l’organisatrice de cette soirée fait écho à celle d’un célèbre acteur noir américain. « Je ne veux pas d’un Mois de l’Histoire des Noirs. L’Histoire des Noirs c’est l’Histoire américaine », a déclaré Morgan Freeman. Il explique alors que le racisme subsistera tant que des gens s’identifieront en premier par rapport à une couleur de peau.
dorothy’s gallery, American Center for the Arts
www.dorothysgallery.com / www.americancenter-arts.com
27, rue Keller – 75011 PARIS / 01 43 57 08 51 / Métro Bastille, Voltaire