Mandatée pour mettre en œuvre le droit d’intervention de l’Union Africaine dans les situations africaines nécessitant le recours à la force militaire, la FAA, Force
Africaine en Attente, fut créée par l’UA en 2004. Au regard des défis sécuritaires dans le continent actuellement, la nature évolutive des opérations de paix menées par l’Afrique ne serait pas vraiment digne d’éloges, tant l’architecture de sécurité du continent peine à trouver forme.
Genèse de la Force Africaine en Attente (FAA)
Le cadre politique de la FAA a été adopté par l’Union Africaine en 2004, perçu comme l’un des éléments essentiels de l’architecture africaine de paix et de sécurité, comprenant entre autres le Conseil de paix et de sécurité. La FAA fut donc créée pour permettre au Conseil de paix et de sécurité de déployer des opérations de soutien à la paix pour prévenir, gérer ou aider à résoudre les situations de crise. Le protocole de paix et de sécurité de l’Union Africaine prévoit également des opérations d’exécution en réponse à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des violations graves des droits de l’homme et des génocides.
Mais à ce jour, l’UA n’a pas encore autorisé l’exécution d’une telle opération. La plupart des opérations de paix entreprises par les institutions africaines ont été entreprises pour aider les Etats hôtes à faire face a des insurrections armées ou a stabiliser des transitions politique. En outre le concept initial de la FAA prévoyait des forces multidimensionnelles (des composantes civiles, policières et militaires) stationnées dans leur pays d’origine et prêtes à un déploiement rapide c’est ainsi que cinq forces régionales en attente de la taille d’une brigade ont été créées, une pour chaque région : l’Afrique de l’Est, de l’Ouest, Centrale, du Nord et l’Afrique Australe avec environ 5000 membres pour chaque brigade, pour un effectif total de 25000 personnes.
La FAA est déclarée pleinement opérationnelle en 2016. En 2017 ses capacités ont été mises à profit pour planifier et déployer une mission de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest en Gambie (CEDEAO), tandis qu’une mission a été déployée au Lesotho par la communauté de développement de l’Afrique Australe. Plus récemment en 2021 cette même communauté a déployé des missions au Mozambique et en 2024 en République Démocratique du Congo (RDC). En conformité avec le cadre de la FAA, la communauté de l’Afrique de l’Est avait déjà déployé en 2022 une force régionale à l’est de la RDC. L’Union africaine par l’intermédiaire de ses huit communautés économiques régionales et d’autres institutions a déployé 27 opérations de paix depuis la création de la FAA. Cependant ni le Conseil de paix et de sécurité, ni les Etats membres africains n’ont utilisé les dispositifs de réserve comme cela avait été envisagé à l’origine.
L’inadéquation du déploiement de la FAA
Le déploiement de la FAA dans les situations de crise sur le continent a été affecté par la conception initiale plutôt biaisé de l’Union Africaine sur le fonctionnement de la FAA : en effet si le Conseil de paix et de sécurité, en tant qu’organe suprême du continent, responsable de la paix et de la sécurité, était chargé d’initier le déploiement de la FAA, cependant bon nombre des opérations de paix déployées au cours des 20 dernières années ont été lancées ou dirigées par les huit communautés économiques régionales ou par des groupes d’états membres formant une coalition de volontaires. Cela s’explique par le fait que la plupart des interventions exigent des Etats membres qu’ils approuvent l’utilisation de leurs forces armées… et qu’ils prennent en charge une partie des coûts de déploiement. En effet la décision de déployer les forces armées d’un État en dehors de ses frontières nécessite généralement l’engagement et l’approbation de son gouvernement.
C’est ainsi que le Mozambique en 2021 a participé à l’approbation de la décision de déployer la mission de la SACD sur son territoire. Il est donc nécessaire d’adapter la FAA à la manière dont les Etats membres prennent la décision de déployer des opérations de paix. Le déploiement de la FAA a aussi été grandement freiné parce qu’initialement, les cinq régions de l’UA, l’est, le centre, le nord, le sud et l’ouest apparaissaient comme les structures les plus appropriées pour développer la FAA.
C’était logique sur le plan politique, car ces cinq régions sont utilisées pour élire les membres de divers organes de l’UA… Toutefois en pratique ce n’était pas un bon modèle pour une « force continentale en attente », car plusieurs conflits se sont produits aux frontières de deux communautés régionales. Il aurait donc été plus logique d’impliquer les pays concernés par le conflit… Plutôt que l’une des communautés régionales. En effet tous les membres d’une communauté régionale ne sont pas touchés de la même manière par un conflit et en réalité, ni l’Union Africaine, ni l’Union Européenne, ni les Nations-Unies n’ont utilisé les Forces en Attente qu’elles ont tenté de mettre en place au fil des ans.
Reconcevoir la Force Africaine en Attente pour la rendre plus efficace.
L’approche militaire des opérations de paix telles que menées par l’Union Africaine est inadéquate pour faire face aux défis multiformes découlant des conflits. Ces opérations devraient être guidées par des stratégies politiques globales, s’appuyant sur des capacités multidimensionnelles disposant d’accords de réserves flexibles. Ces opérations ont aussi besoin de financements adéquats et d’un soutien de partenariat intelligent.
Une critique régulièrement faite à la FAA est son incapacité à répondre aux menaces terroristes qui ensanglantent une partie de l’Afrique, son inadéquation à ce type de danger sécuritaire majeur impliquant parfois plusieurs États limitrophes limitant son utilité réelle à des situations de conflits armés « réguliers ». Or les enjeux de sécurité collective les plus cruciaux sont dans certaines parties de l’Afrique liées au déploiement de groupes terroristes « agiles » et menant des actions ponctuelles de quasi guérilla. Un défi qui n’a jamais été facile à contenir pour les Etats, a fortiori les organisations internationales. Et les pays concernés préfèrent la constitution de coalitions ad hoc, sur le terrain, pour une adaptabilité plus rapide de la répression aux menaces éprouvées.
Une expérience à ne pas négliger acquise au cours des dix dernières années.
Reste qu’il faut convenir que grâce à la FAA, le continent africain dispose d’un projet communautaire d’opérations de soutien à la paix. Avant cela, le continent était divisé, les forces armées étaient formées à la doctrine d’opération de paix choisie… Par leurs partenaires internationaux.
Désormais la doctrine de l’Union Africaine en matière d’opérations de soutien à la paix est au service de l’architecture continentale de paix et de sécurité. En outre grâce à la Force Africaine en Attente, l’Afrique a développé d’importantes capacités et une véritable expérience en matière d’opérations de paix au cours des 20 dernières années, raison pour laquelle les pays africains contributeurs de troupes fournissent actuellement environ la moitié de tous les soldats de la paix des Nations-Unies déployés en Somalie, en Éthiopie, au Soudan du Sud, au Mozambique, dans l’est de la RDC et dans le bassin du lac Tchad.
Il est donc plus que jamais important de reconcevoir la Force Africaine en Attente afin qu’elle soit, à l’avenir et de plus en plus, un catalyseur et un outil unificateur, à l’appui de l’architecture africaine de paix et de sécurité.