Le Bénin, toujours un exemple pour l’Afrique?


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Après deux reports de scrutin, les Béninois doivent élire dimanche 13 mars le dirigeant qui prendra en main le pays pour les cinq années à venir. Narcisse Dovenon est l’auteur de l’ouvrage Le Bénin: quelles solutions pour un développement durable? ( L’Harmattan, 2010). Il nous y livre ses craintes sur la situation politique et sociale du Bénin, contemporain.

benin-4.jpg Dans son ouvrage sorti en novembre 2010, Narcisse Dovenon, consultant archiviste à l’Agence Française de développement à Paris, prend comme point de départ de son analyse la Conférence des forces vives de la Nation de 1990, qui est à l’origine de l’enracinement de la démocratie dans son pays d’origine, le Bénin, souvent désigné depuis comme un exemple pour l’Afrique. A partir de cet évènement, M. Dovenon dépeint sa vision de la société béninoise et les carences économiques et politiques qui freinent aujourd’hui son développement. Les derniers chapitres du livre sont des pistes de réflexion pour la construction d’un meilleur avenir national. Il nous a accordé un entretien.

Afrik.com: Pourquoi avoir écrit ce livre?

Narcisse Dovanon:
J’ai écrit ce livre dans la perspective du cinquantenaire des indépendances africaines et des élections présidentielles. Je voulais promouvoir une autre vision du développement et que l’Afrique pense à elle-même, surtout concernant l’aide publique au développement (APD).Une chose est certaine, c’est que les organisations internationales ne seront pas contentes de ce livre. Depuis la Conférence des forces vives de la Nation, l’APD a fortement augmenté. Il existe deux formes principales d’APD, les prêts et les dons. Au Bénin, les dons sont supérieurs aux prêts. Mais ces aides sont néfastes.

Afrik.com: Vous pensez que l’APD ne contribue pas au développement du Bénin?

Narcisse Dovenon:
Les trois secteurs principaux au Bénin aujourd’hui sont l‘éducation, le secteur agricole qui représente 70% de la population active, et 47,50% du PIB, et le secteur des infrastructures . Dans tous ces domaines, on observe aucune réalisation de faite. Les objectifs à moyen terme (OMT) de l’APD ne sont pas atteints. Il faut que l’on (les africains) pense à nous-mêmes et que l’on cesse d’accorder une confiance totale entre les mains d’autres personnes.

Afrik.com: Vous dites vouloir promouvoir une autre vision du développement. Quelle serait-elle?

Narcisse Dovenon:
La promotion de la bonne gouvernance et une gestion saine des ressources de l’Etat. La mauvaise gouvernance entraîne un certain nombre de problèmes au Bénin. En 2006, la priorité du président Boni Yayi était d’assainir les caisses de l’Etat. Il a fait une marche contre la corruption et a établi des mesures pour éradiquer ce fléau.

Afrik.com: Nous percevons une certaine admiration pour le président Boni Yayi dans vos propos. D’où provient une telle estime?

Narcisse Dovenon:
C’est le contraire. Il est vrai que j’ai consacré un chapitre au président Yayi Boni dans mon livre. Mais je ne l’ai jamais rencontré. En fait, j’ai écrit ce chapitre pour contrebalancer mes critiques sur la situation au Bénin. Il existe assez de scandales qui touchent le gouvernement béninois pour ne pas prendre partie pour ou contre le président Boni yayi. Le gouvernement a beaucoup œuvré pour le Bénin, mais il peut faire mieux. Je lui reproche de faire passer ses intérêts personnels avant les intérêts de la Nation.

Afrik.com: Parlons élections. Qui serait, selon vous, le candidat qui répondrait au mieux aux besoins des électeurs?

Narcisse Dovenon:
C’est une question difficile. Dans l’actualité, j’ai été scandalisé d’entendre des journalistes supplier les candidats d’envoyer leurs projets de société. C’est inadmissible! Il ne suffit pas de rassembler des foules ou d’affirmer que l’ on va acheter des ordinateurs. Personnellement, je n’ai pas encore vu un candidat qui répondra à tous les besoins de la population et qui m’ait séduit. C’est vraiment dommage. Je ne sais pas si les populations comprennent réellement les enjeux d’une élection démocratique

Afrik.com: En somme, vous pensez que les Africains et les Béninois en particulier sont responsables de leur sous-développement?

Narcisse Dovenon:
Les gouvernements et les populations sont tous les deux responsables. Mais dans quel sens? Nous vivons encore dans une culture traditionnelle où nous nous refusons à toute ouverture. Certes, il faut savoir conserver nos traditions, mais il faut également savoir accueillir le positif venant d’autres cultures. Au niveau de l’Etat, c’est la corruption qui mine et handicape l’avenir du pays et la jeunesse. Mais, le plus grave est que cette corruption s’est banalisée, normalisée. Il faut une prise de conscience.

Afrik.com : Quel est votre avis sur la liste électorale permanente informatisée (LEPI)

Narcisse Dovenon:
Je n’ai rien contre la LEPI si elle est bien faite, c’est un instrument pour la tenue des élections de mars. Mais beaucoup la contestent. La LEPI a démarré depuis deux ans et depuis elle n’est toujours pas totalement opérationnelle. Il est certain que la LEPI aura des répercussions sur les élections. Mais en dépit des contestations, il faut aller jusqu’au but. Je ne voudrais pas qu’au soir des élections, il y ait des contestations. C’est la première fois depuis la Conférence des forces vives de la Nation en 1990 que des élections sont autant contestées. Mais j’espère que le processus électoral va aboutir.

Afrik.com: Vous craignez un scénario à l’ivoirienne?

Narcisse Dovenon:
Mais bien sûr! La Côte d’Ivoire n’avait pas imaginé un tel scénario. S’il y a des dispositions à prendre au Bénin, alors il faut aller à la table des négociations. Mais je ne pense pas que l’on va arriver jusque là. Le Bénin n’a pas de richesse exceptée l’agriculture, contrairement à la Côte d’Ivoire dont les enjeux économiques sont immenses. Mais il faut faire passer les intérêts de la Nation avant toute chose.

Afrik.com: Quelle est selon vous la place du Bénin en Afrique subsaharienne?

Narcisse Dovenon:
Jusqu’en 2006, le Bénin était un exemple de pays démocratique en Afrique. Mais aujourd’hui, en tant que Béninois, j’ai honte! Récemment, beaucoup de manifestations ont été réprimées. Le monde entier nous juge, nous regarde et se demande s’ils (les Béninois) sont réellement mûrs pour la démocratie. Nous avons terni l’image de la Conférence des forces vives de la Nation. Depuis 2006, les populations ont été spoliées. L’opposition n’apparaît sur la chaîne nationale qu’au moment des élections. Autrement, elle est quasi-inexistante. Il faut un vrai partage du pouvoir avec les partis d’opposition. Je critique le gouvernement, mais l’opposition doit également se montrer efficace. Elle (l’opposition) a le devoir de jouer son rôle et de monter au créneau en cas de nécessité. C’est comme cela que je conçois une démocratie.

Commander le livre : Bénin Quelles Solutions pour un Développement Durable

Broché: 167 pages

Editeur : L’Harmattan (25 octobre 2010)

Collection : Etudes africaines

Langue : Français

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