Le 13ème Maghreb des Livres se déroulera ce week-end, à Paris. Cette année, la littérature algérienne est à l’honneur. Afrik.com s’est entretenu avec Georges Morin, le président de l’association Coup de soleil qui organise cet événement.
Une librairie avec tous les livres publiés en 2006, relatifs au Maghreb et à l’intégration. Des livres d’Algérie, de France, du Maroc et de Tunisie. Des livres en langue arabe, française et tamazight. 4 tables rondes. Plus de 120 auteurs présents. Les samedi 10 et dimanche 11 février, le 13ème Maghreb des livres se tient à la mairie du 13ème arrondissement, à Paris. Cette année, c’est l’Algérie qui est sous le feu des projecteurs. A l’initiative de cet événement, l’association Coup de soleil présidée par Georges Morin, un français né à Constantine, en Algérie, professeur de sciences-politiques à Grenoble. Il répond aux questions d’Afrik.com.
Afrik.com : Comment est né le Maghreb des livres ?
Georges Morin : Le Maghreb des livres est né en 1994 parce qu’on a vu qu’il y avait de plus en plus de livres sur le Maghreb et qu’il n’en était pas suffisamment rendu compte. Nous avions commencé, avec notre association, Coup de Soleil, par faire plusieurs manifestations par an, puis nous avons choisi de faire cette grosse manifestation annuelle, avec le concours du Centre national du livre. La première édition qui se déroulait sur une après-midi a eu beaucoup de succès, donc on a continué. Par sept fois, le Maghreb des livres s’est déroulé dans des mairies d’arrondissement de Paris. Puis, depuis 2001, avec l’appui du maire, Bertrand Delanoë, il se déroule à l’Hôtel de ville où il draine 6500 visiteurs sur deux jours. Malheureusement, cette année nous ne bénéficierons pas de ce lieu. La Préfecture de police qui est de plus en plus vigilante sur les questions de sécurité avait demandé que des travaux soient faits, ce qui n’a pas été le cas. Donc le préfet a refusé que la manifestation se tienne à l’Hôtel de ville. Par conséquent, la manifestation se déroulera à la mairie du 13e arrondissement où nous avons moitié moins de surface. Donc nous avons vraiment recentré la manifestation sur les livres.
Afrik.com : D’où vous vient cet intérêt pour le Maghreb ?
Georges Morin : Je suis né à Constantine. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 25 ans et, en 1966, je suis venu en France pour poursuivre mes études. Donc je suis autant algérien que français. Mes parents sont restés en Algérie jusqu’en 1979, soit 17 ans après l’indépendance. Quand je suis venu en France, j’ai été frappé par la vision très schématique que les Français avaient du Maghreb. Leur méconnaissance, le racisme anti-maghrébin, m’ont beaucoup fait mal. Et la montée de Le Pen dans les années 80 m’a fait très peur. Avec une bande de copains, on s’est dit qu’on avait une pierre à apporter dans le combat. Nous nous sommes dit que si les gens voyaient des Français, des Maghrébins, des Arabes, des Pieds-noirs, des Kabyles, des musulmans, des chrétiens, des juifs tous ensemble alors qu’ils sont censé se taper sur la gueule, ils verraient que le racisme n’est pas une fatalité. De plus, nous nous sommes dit que la majorité des gens xénophobes étaient victimes de l’ignorance et qu’il y avait moyen de les en sortir. Alors, en 1985, nous avons créé l’association Coup de Soleil avec laquelle nous essayons de présenter une meilleure image du Maghreb, de faire sortir les gens du cliché du Maghrébin terroriste ou voyou. Un travail que nous faisons en informant sur tout ce que le Maghreb a apporté à la France, en particulier pendant les guerres mondiales, pendant la reconstruction après 39-45, et en montrant les racines culturelles que l’Europe a au Maghreb. Nous faisons appel à l’intelligence, à l’histoire, à la culture pour montrer les Maghrébins qui enrichissent la société française. On est musulmans, juifs, chrétiens, algériens, marocains, tunisiens… on veut abattre les murs. On est à ma connaissance la seule association du Maghreb qui fait fi de la religion, des origines, des nationalités.
Afrik.com : Pourquoi l’édition 2007 du Maghreb des livres met l’Algérie à l’honneur ?
Georges Morin : Jusqu’en 2000, le Maghreb des livres ne mettait aucun pays à l’honneur. Mais en 2001, j’ai été missionné par Jacques Lang, ministre de l’Education nationale, et Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, pour préparer l’année de l’Algérie en France. Il fallait mobiliser les organismes culturels, le système éducatif, pour réaliser cet événement. On a sillonné toute la France pour cela. Et j’ai voulu m’appliquer la recette à moi-même. Bertrand Delanoë qui nous offrait l’hôtel de ville en 2001 a grandi en Tunisie. Donc on a commencé par la Tunisie, puis on a présenté le Maroc et l’Algérie. Chaque année on change de pays.
Afrik.com : Histoire de nous mettre l’eau à la bouche, pouvez-vous nous citer quelques uns des auteurs que nous pourrons rencontrer ce week-end ?
Georges Morin : Il y aura Boualem Sansal, Maïssa Bey, Mustapha Cherif, Jean Daniel, Serge Moati, Faïza Guène, le dessinateur Pétillon et bien d’autres encore… Dans notre entreprise, nous sommes très aidés par les ambassades de France en Algérie, au Maroc, en Tunisie, qui prennent en charge une partie des billets des auteurs. Des partenaires privés nous aident aussi à les faire venir. D’autre part, il y aura aussi des éditeurs et deux librairies : Le Divan et Averroès qui se chargera de présenter les livres édités au Maghreb.
Afrik.com : Dans votre dossier de presse, vous déclarez que le Magrheb des livres est le plus grand salon de livres « sur le Maghreb et l’intégration » ? Pourquoi avoir voulu associer la thématique de l’intégration à cet événement ?
Georges Morin : Parce que nos deux préoccupations sont d’aider à une meilleure connaissance du Maghreb de là-bas et du Maghreb d’ici. En France, il y a environ 6 millions de personnes originaires du Maghreb. Il faut en parler.
Afrik.com : Au cous de la manifestation, il y aura quatre tables rondes. L’une d’entre elles aura pour thème : « la littérature algérienne à l’épreuve des langues ». Pourquoi ?
Georges Morin : Parce que beaucoup d’auteurs algériens utilisent la langue française, d’autres sont arabophones… Au moment de l’indépendance, le pouvoir a voulu unifier le pays linguistiquement. Ca a été un problème. Il y avait le français, l’arabe classique, l’arabe dialectal, mais aussi le berbère dans certaines régions. Donc l’Algérie a dans son magasin quatre ou cinq langues dont les gens se servent. Et on trouvera au Maghreb des livres des ouvrages écrits dans toutes ces langues. Cette diversité a pendant longtemps été considérée comme un problème, mais on voit aujourd’hui que c’est une richesse. Par exemple, le principal duel se déroulait entre le français et l’arabe. Mais de fait, aujourd’hui, le Maghreb est bilingue.
Afrik.com : Quels objectifs vous donnez-vous pour cette 13ème édition ?
Georges Morin : On veut continuer à creuser le sillon, montrer l’extraordinaire richesse de la littérature maghrébine sur les deux rives de la Méditerranée. Et puis, il n’y a pas que les Maghrébins qui sont intéressés par notre manifestation, chaque année il vient des gens de partout. Il y a au Maghreb des livres une ambiance conviviale et chaleureuse qui fait vraiment du bien.
Le Maghreb des livres 2007 : Mairie du 13° arrondissement, Place d’Italie. 75013 Paris – Entrée libre. Samedi 10 février 2007: 10h30 -21h – Dimanche 11 février 2006: 9h30-20h
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