Après avoir plusieurs fois changé d’avis, le pasteur extrémiste américain Terry Jones a, aux dernières nouvelles, renoncé à son projet de brûler des exemplaires du Coran, samedi, à l’occasion du 9ème anniversaire du 11 septembre. Le monde musulman, qui célèbre au même moment l’Aïd marquant la fin du ramadan, s’inquiète de la flambée de violence que pourrait susciter un tel acte et de ses conséquences sur l’image de l’islam.
Insoutenable suspense. Le pasteur américain Terry Jones a indiqué vendredi qu’il renonçait finalement à brûler des exemplaires du Coran samedi, jour du 9ème anniversaire des attentats du 11 septembre, après avoir à deux reprises changé d’avis en l’espace d’une journée. « Actuellement, nous avons l’intention de ne pas le faire », a-t-il déclaré à la chaine américaine ABC. Le chef du groupuscule chrétien intégriste « Dove World Outreach Center » (« Centre colombe pour aider le monde ») de Gainesville, en Floride, qui ne compte pas plus d’une cinquantaine de fidèles, avait déclaré, dans un premier temps jeudi, renoncer à l’autodafé, affirmant avoir obtenu l’assurance que le projet controversé de la construction d’une mosquée près de Ground Zero à New York serait déplacé. Mais, quelques heures plus tard, il avait à nouveau menacé de réduire le livre saint de l’islam en cendres après que des responsables du projet de mosquée aient démenti tout accord avec lui. Les tergiversations du pasteur ont donné des sueurs froides au gouvernement américain, et mis le monde en ébullition. La crainte d’une réaction violente dans le monde musulman est accrue par le fait que l’anniversaire du 11 septembre coïncide avec l’Aïd el-Fitr, la célébration de la fin du mois de ramadan. Le président américain Barack Obama a mis en garde contre « un geste destructeur » qui constituerait « une aubaine pour le recrutement d’Al-Qaïda ».
« Combattre le terrorisme ou l’encourager ? »
Dans une large partie des pays musulmans, l’heure est moins aux réactions indignées qu’à la crainte des violents contrecoups que pourrait susciter un tel acte. « Cela constituera une opportunité pour le terrorisme. Veulent-ils combattre le terrorisme ou l’encourager? », s’est interrogé, jeudi, Cheikh Abdel el-Moati el-Bayoumi, un des principaux responsables de l’institution égyptienne d’Al-Azhar. Terry Jones, s’il venait à commettre cet autodafé, « provoquera un sentiment de colère dans le monde musulman », s’inquiète encore l’institution dans un communiqué relayé par l’AFP. « Cette folie, pour ne pas dire cette idiotie, ne fera que susciter des vocations de pyromanes », renchérit l’éditorialiste du quotidien marocain Aufaitmaroc. « L’administration américaine, qui souhaite pourtant améliorer ses relations avec les pays arabes, retrouvera son image de grand Satan que lui ont donnée les Musulmans lesquels, à leur tour, seront estampillés plus que jamais terroristes», ajoute le journaliste. Pour le quotidien tunisien Assabah, le projet de Terry Jones « dénote une vision étroite et superficielle quant aux conséquences qu’il peut engendrer sur la sécurité et la stabilité dans de nombreuses régions du monde ». Le représentant des Oulémas (théologiens) du Maroc a tenu à préciser qu’il s’agit d’une « initiative isolée qui est étrangère aux valeurs de la religion chrétienne », dans une déclaration au quotidien arabophone Akhbar Al Yaom, assurant qu’elle « ne portera pas atteinte à l’islam et aux musulmans».
La fête du pardon
Hormis les manifestations qui ont rassemblé des milliers de personnes en Afghanistan et au Pakistan, point de scènes de foules hargneuses brulant les drapeaux américains devant les ambassades des Etats-Unis dans les capitales arabes. Les réactions sont sans commune mesure avec l’émoi suscité après la publication de caricatures de Mahomet par un journal danois en septembre 2005. En France, où vit une importante communauté musulmane, de nombreux religieux ont demandé aux fidèles de faire preuve de retenue. «C’est un piège qui est leur est tendu. Cela ferait trop plaisir aux provocateurs de voir les musulmans s’élever au plafond», a prévenu Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, dans un entretien au Bondyblog. Le fait que cet acte coïncide avec l’Aïd, au contraire de ce qu’on pourrait craindre, est une bonne nouvelle, assure-t-il : « C’est une fête du pardon, de la réconciliation, de l’oubli des offenses ».
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